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La Nuit de mai (1838). LA MUSE. Musset (Poésies nouvelles.)

Publié le 20/06/2011

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musset

Musset souffre d'une douleur récente. Sa Muse en vain l'invite à chanter; elle énumère les sujets sur lesquels il peut s'exercer. Le poète lui répond que le silence seul convient à son mal; et la Muse alors développe cet admirable thème : Rien ne nous rend si grands qu'une grande douleur. Ce vers, on l'appliquera non seulement à Musset, mais aux autres grands poètes, classiques et romantiques, — à la condition de bien définir, par rapport à chacun d'eux et à la psychologie du siècle, le mot douleur.

LA MUSE

Poète, prends ton luth; c'est moi, ton immortelle, Qui t'ai vu cette nuit triste et silencieux, - Et qui, comme un oiseau que sa couvée appelle, Pour pleurer avec toi descends du haut des cieux. Viens; tu souffres, ami. Quelque ennui solitaire Te ronge; quelque chose a gémi dans ton coeur; Quelque amour t'est venu, comme on en voit sur terre, Une ombre de plaisir, un semblant de bonheur. Viens, chantons devant Dieu; chantons dans tes pensées, Dans tes plaisirs perdus, dans tes peines passées; Partons, dans un baiser, pour un monde inconnu. Éveillons au hasard les échos de ta vie, Parlons-nous de bonheur, de gloire et de folie, Et que ce soit un rêve, et le premier venu. Inventons quelque part des lieux où l'on oublie; Partons, nous sommes seuls, l'univers est à nous. Voici la verte Écosse, et la brune Italie, Et la Grèce, ma mère, où le miel est si doux : Argos et Ptéléon, ville des hécatombes, Et Messa la divine, agréable aux colombes; Et le front chevelu du Pélion changeant; Et le bleu Titarèse, et le golfe d'argent Qui montre dans ses eaux, où le cygne se mire, La blanche Oloossone à la blanche Camyre. Dis-moi, quel songe d'or nos chants vont-ils bercer? D'où vont venir les pleurs que nous allons verser? Prends ton luth! prends ton luth! je ne veux plus me taire! Mon aile me soulève au souffle du printemps. Le vent va m'emporter; je vais quitter la terre. Une larme de toi ! Dieu m'écoute; il est temps. LE POÈTE S'il ne te faut, ma soeur chérie, Qu'un baiser d'une lèvre amie Et qu'une larme de mes yeux, Je te les donnerai sans peine De nos amours qu'il te souvienne, Si tu remontes dans les cieux. Je ne chante ni l'espérance, Ni la gloire, ni le bonheur. Hélas! pas même la souffrance. La bouche garde le silence Pour écouter parler le coeur. LA MUSE Crois-tu donc que je sois comme le vent d'automne, Qui se nourrit de pleurs jusque sur un tombeau, Et pour qui la douleur est une goutte d'eau? O poète! un baiser, c'est moi qui te le donne. L'herbe que je voulais arracher de ce lieu, C'est ton oisiveté; ta douleur est à Dieu. Quel que soit le souci que ta jeunesse endure, Laisse-la s'élargir cette sainte blessure Que les noirs séraphins t'ont faite au fond du coeur : Rien ne nous rend si grands qu'une grande douleur. Mais, pour en être atteint, ne crois pas, ô poète, Que ta voix ici-bas doive rester muette. Les plus désespérés sont les chants les plus beaux, Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots. Lorsque le pélican, lassé d'un long voyage, Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux, Ses petits affamés courent sur le rivage, En le voyant au loin s'abattre sur les eaux. Déjà, croyant saisir et partager leur proie, Ils courent à leur père avec des cris de joie, En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux. Lui, gagnant à pas lents une roche élevée, De son aile pendante abritant sa couvée, Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux. Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte. En vain il a des mers fouillé la profondeur : L'Océan était vide et la plage déserte; Pour toute nourriture il apporte son coeur. Sombre et silencieux, étendu sur la pierre, Partageant à ses fils ses entrailles de père, Dans son amour sublime il berce sa douleur, Et, regardant couler sa sanglante mamelle, Sur son festin de mort il s'affaisse et chancelle, Ivre de volupté, de tendresse et d'horreur.. Mais parfois, au milieu du divin sacrifice, Fatigué de mourir dans un trop long supplice, Il craint que ses enfants ne le laissent vivant : Alors il se soulève, ouvre son aile au vent, Et, se frappant le coeur avec un cri sauvage, Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu, Que les oiseaux des mers désertent le rivage, Et que le voyageur attardé sur la plage, Sentant passer la mort, se recommande à Dieu. Poète, c'est ainsi que font les grands poètes. Ils laissent s'égayer ceux qui vivent un temps; Mais les festins humains qu'ils servent à leurs fêtes Ressemblent la plupart à ceux des pélicans. Quand ils parlent ainsi d'espérances trompées, De tristesse et d'oubli, d'amour et de malheur, Ce n'est pas un concert à dilater le coeur. Leurs déclamations sont comme des épées : Elles tracent dans l'air un cercle éblouissant; Mais il y pend toujours quelques gouttes de sang. LE POÈTE O muse, spectre insatiable, Ne m'en demande pas si long. L'homme n'écrit rien sur le sable A l'heure où passe l'aquilon. J'ai vu le temps où ma jeunesse Sur mes lèvres était sans cesse Prête à chanter comme un oiseau; Mais j'ai souffert un dur martyre, Et le moins que j'en pourrais dire Si je l'essayais sur ma lyre, La briserait comme un roseau.

(Poésies nouvelles.)

QUESTIONS D'EXAMEN

I. — L'ensemble. — Un pur chef-d'oeuvre de poésie lyrique. — Quelle terrible crise venait de traverser Alf. de Musset? Montrez que la Nuit de mai marque une date très importante dans sa carrière poétique; 30 Quelle idée générale développe-t-il dans la seconde partie du poème? (Rien ne nous rend si grands qu'une grande douleur...); Quel caractère donne à la poésie la peinture exacte d 'une grande douleur? (rappeler, à ce sujet, un vers bien connu de Boileau) ; A quoi reconnaît-on l'absence de sincérité dans une oeuvre poétique? (au ton déclamatoire; à expliquer); Sous quelle forme Alfred de Musset a-t-il écrit la Nuit de mai.? (celle du dialogue); 7° Pourquoi le poète ne répond-il que brièvement aux paroles de la Muse? Quelle impression laisse en vous cette lecture?

II.— L'analyse du morceau. — Indiquez les différentes parties du poème. Deux parties : a) Les deux appels de la Muse; b) Les deux réponses du poète; Sur quel ton parle la Muse dans son premier appel? Ses paroles, à la fois douces et impérieuses, n'ont-elles pas le caractère d'une prière? 30 S'exprime-t-elle sur le même ton dans le second appel? (ton plus sévère...) ; A quelle comparaison a-t-elle recours pour mieux convaincre le poète? Analysez le beau récit, devenu classique, de la mort du pélican (les différents moments de l'action : la montée au calvaire; —le sacrifice; — le cri d'agonie); Ce récit n'est-il pas symbolique? (à expliquer); Comment le poète accueille-t-il les appels de la Muse? Analysez sa première réponse, — la seconde.

III. — Le style ; — les expressions. — Quels sont les vers qui vous paraissent les plus harmonieux? (en souligner le rythme musical) ; Faites remarquer l'aisance du style (rien qui sente l'effort...) ; Par quelles qualités littéraires se distingue le tableau de la Grèce ancienne dans la première partie du poème? (la grâce; — l'heureux choix des épithètes) ; Montrez tout ce qu'il y a de pathétique et de poignant dans, le second appel de la Muse; N'est-il pas là des vers admirables qui se fixent aisément dans la mémoire? lesquels? Quel est le sens de ces expressions : ville des hécatombes, — leurs goitres hideux?

IV. — La grammaire. — Quelle est la composition des mots suivants affamés, — attardé, — insatiable? Trouvez un synonyme de aquilon, — de spectre; — Distinguez les propositions contenues dans les trois premiers vers du second appel : Crois-tu donc que je sois...; Indiquez les compléments de nourrit; — nature de chacun d'eux; — Ênumérez les conjonctions employées dans les trois vers.

Rédaction. — Comment Alfred de Musset a-t-il été amené, dans le morceau lu précédemment, à faire le récit de la mort du pélican? — Quel vous parait être le sens de ce récit?   

musset

« Lorsque le pélican, lassé d'un long voyage,Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux,Ses petits affamés courent sur le rivage,En le voyant au loin s'abattre sur les eaux.Déjà, croyant saisir et partager leur proie,Ils courent à leur père avec des cris de joie,En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux.Lui, gagnant à pas lents une roche élevée,De son aile pendante abritant sa couvée,Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux.Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte.En vain il a des mers fouillé la profondeur :L'Océan était vide et la plage déserte;Pour toute nourriture il apporte son coeur.Sombre et silencieux, étendu sur la pierre,Partageant à ses fils ses entrailles de père,Dans son amour sublime il berce sa douleur,Et, regardant couler sa sanglante mamelle,Sur son festin de mort il s'affaisse et chancelle,Ivre de volupté, de tendresse et d'horreur..Mais parfois, au milieu du divin sacrifice,Fatigué de mourir dans un trop long supplice,Il craint que ses enfants ne le laissent vivant :Alors il se soulève, ouvre son aile au vent,Et, se frappant le coeur avec un cri sauvage,Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu,Que les oiseaux des mers désertent le rivage,Et que le voyageur attardé sur la plage,Sentant passer la mort, se recommande à Dieu.Poète, c'est ainsi que font les grands poètes.Ils laissent s'égayer ceux qui vivent un temps;Mais les festins humains qu'ils servent à leurs fêtesRessemblent la plupart à ceux des pélicans.Quand ils parlent ainsi d'espérances trompées,De tristesse et d'oubli, d'amour et de malheur,Ce n'est pas un concert à dilater le coeur.Leurs déclamations sont comme des épées :Elles tracent dans l'air un cercle éblouissant;Mais il y pend toujours quelques gouttes de sang.LE POÈTEO muse, spectre insatiable,Ne m'en demande pas si long.L'homme n'écrit rien sur le sableA l'heure où passe l'aquilon.J'ai vu le temps où ma jeunesseSur mes lèvres était sans cessePrête à chanter comme un oiseau;Mais j'ai souffert un dur martyre,Et le moins que j'en pourrais direSi je l'essayais sur ma lyre,La briserait comme un roseau. (Poésies nouvelles.) QUESTIONS D'EXAMEN I.

— L'ensemble.

— Un pur chef-d'oeuvre de poésie lyrique.

— Quelle terrible crise venait de traverser Alf.

deMusset? Montrez que la Nuit de mai marque une date très importante dans sa carrière poétique; 30 Quelle idéegénérale développe-t-il dans la seconde partie du poème? (Rien ne nous rend si grands qu'une grande douleur...);Quel caractère donne à la poésie la peinture exacte d 'une grande douleur? (rappeler, à ce sujet, un vers bien connude Boileau) ; A quoi reconnaît-on l'absence de sincérité dans une oeuvre poétique? (au ton déclamatoire; àexpliquer); Sous quelle forme Alfred de Musset a-t-il écrit la Nuit de mai.? (celle du dialogue); 7° Pourquoi le poètene répond-il que brièvement aux paroles de la Muse? Quelle impression laisse en vous cette lecture? II.— L'analyse du morceau.

— Indiquez les différentes parties du poème.

Deux parties : a) Les deux appels de la. »

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