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L'objectivité implique-t-elle la neutralité ?

Publié le 24/01/2004

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Ce sujet nous a conduit à cerner la complexité de l'activité technique. Elle semble sans rapport avec la morale dans la mesure où elle relève d'un savoir-faire qui demande un apprentissage spécialisé. Il apparaît toutefois que la portée culturelle de la technique lui confère nécessairement une dimension éthique et que son efficacité oblige à s'interroger sur les buts visés dès lors qu'ils engagent la vie de tous. La réflexion sur les moyens a sa spécificité mais elle ne doit pas être totalement détachée de la prise en compte des fins. La nécessité d'une conscience morale est fondée. Notre responsabilité individuelle et collective est engagée.

« Dans le deuxième cas, celui où l'on fait de la neutralité une condition de l'objectivité, on suppose que celle-ci, pour être possible, doitd'abord surmonter un obstacle, plus précisément une tentation qui serait l'absence de neutralité, c'est-à-dire la partialité ou prise de partipour l'un ou l'autre des adversaires.

Cette interprétation, faisant de la neutralité un préalable de l'objectivité, semble plus conforme à ceque nous savons généralement des arbitrages, en particulier la neutralité exigée de la part du médiateur et, d'autre part, l'emploi courantdu mot objectif (« soyez objectif ! ») qui le fait souvent presque synonyme du mot « impartial ».Étant admis que la neutralité est une condition nécessaire de l'objectivité d'un arbitrage, il faut encore se demander dans quelle mesurecette condition peut être remplie.

Que doit être pour cela l'attitude de l'arbitre à l'égard des adversaires qui s'affrontent dans un conflit ?Elle doit premièrement faire abstraction de leurs désirs (opposés) pour ne considérer que leur droit (commun).

Pour déterminer ce droit ilfaut encore pouvoir isoler l'enjeu précis de leur désaccord en faisant abstraction cette fois de leur personnalité qui pourrait globalementsusciter une préférence pour l'un ou pour l'autre.

Par personnalité entendons ici le composé complexe que forment pour chacun sonhistoire, son statut social, sa réputation, etc.Mais cette capacité d'abstraction aussi bien que cette prise de recul supposent chez l'arbitre lui-même un travail mental préalable exercésur sa propre personne.

Il devra lui-même se garder de céder à ses désirs, qui peuvent être soit des désirs portant sur un avantagematériel que l'un des deux adversaires (le plus puissant, probablement) pourrait lui apporter « en récompense », soit, moinsgrossièrement, le désir d'une satisfaction morale éprouvée à suivre son penchant, sa sympathie pour un parti, qui pourrait dans ce casêtre aussi bien le plus faible.A devoir remplir ces conditions d'une attitude neutre, on voit que le sujet-arbitre, chargé de désigner, comme seul valable, l'objet juste quimettra fin au conflit, ressemble de plus en plus à une sorte de sujet universel disant la loi.

Certes la loi existe indépendamment de lui, laloi écrite, mais il faut remarquer qu'on ne recourt à l'arbitrage qu'en l'absence de la loi, soit qu'elle ne dise rien sur le cas débattu, soitque les adversaires préfèrent ne pas y avoir recours.Comme nous avons déjà mis en doute que l'objectivité puisse s'incarner dans une personne dont le jugement serait constamment et,pour ainsi dire a priori, infaillible, il ne reste plus qu'à imaginer dans le rôle du juge objectif une figure qui s'en rapproche, sous les traits,par exemple, des « sages » de l'Antiquité, unissant en eux l'expérience de la vie et la maîtrise de leurs désirs.Toutefois l'élimination de cette part affective dans la personne de l'arbitre, en particulier des préférences personnelles qu'il pourraitéprouver par sympathie pour tel adversaire plutôt que pour tel autre, ne saurait être complète, et moins encore si cette sympathies'appuie sur des raisons, qui correspondent elles-mêmes à des principes, des choix éthiques et/ou politiques, sans lesquels on conçoitmal comment une sagesse aurait pu se construire.Ce dernier point, essentiel, devrait ouvrir à présent des développements concrets mettant en lumière l'impossibilité ou l'inconvenance dela neutralité lorsqu'un conflit engage directement ou même indirectement des intérêts moralement opposés et tels que l'un d'entre euxheurte la conscience morale de l'arbitre en charge de régler le conflit.La scène politique, l'histoire, les débats d'idées fourniraient autant d'exemples qui pourraient élargir le champ de l'arbitrage à dessituations quotidiennes et investir du rôle d'arbitre chacun de nous.

Le vote du citoyen, en particulier, n'est-il pas une forme d'arbitrageentre plusieurs options politiques, voire entre deux personnes qui les incarnent et qui s'opposent ? Il est vrai que dans ce cas l'objet juste,l'objet objectif à définir par le citoyen arbitre ne peut être que l'un ou l'autre de ceux qu'on lui présente.

La neutralité peut-elle alorsconsister à s'abstenir ? Ce serait renoncer au rôle attendu de l'arbitre et, en ce sens, à l'exercice de la citoyenneté.

Ne pourrait-on direalors que l'objectivité pour être effective doit d'abord surmonter la tentation de neutralité et assumer le risque de la préférence ? Analyse du sujet L'allégorie de la justice représente une femme avec les yeux bandés, un glaive à la main.

Le fait qu'elle ait les yeux bandés témoigne de son objectivité :elle ne regarde pas l'habit ou l'aspect de la pers onne qu'elle juge.

Elle ne juge qu'en fonction de ses actes et se veut impartiale.

M ais elle porte égalementun glaive : elle peut tuer, ou sanctionner.

Elle fera s'abattre la sentence sur celui qui a commis un crime.

Elle n'est donc pas neutre puisqu'elle finira pourprendre parti pour ou contre celui qui est jugé.

Cette représentation de la justice interroge donc la notion de neutralité.

Q u'appelle-t-on neutralité ?L'objectivité implique-t-elle la neutralité ? Si nous considérons que l'objectivité est la capac ité à forger son jugement sans s'impliquer personnellement etsubjectivement (traiter une chose comme un objet extérieur à soi), il semble nécessaire de reconnaître que celui qui juge es t neutre, puisqu'il ne prend pasparti a priori pour ou contre.

Mais sa décision a pourtant l'effet d'une prise de parti : elle délimite l'espac e du juste et de l'injuste.

Il y a donc une forme deparadoxe dans l'objectivité qui, tout en restant extérieur à l'objet du jugement, ne permet pas de res ter pleinement neutre vis-à-vis de cet objet.Nous chercherons tout d'abord à montrer que l'objectivité implique par principe la neutralité puisqu'il s'agit justement de s'extraire de toute partialité pourjuger ce qui est sans s'appuyer sur des préjugés.

Néanmoins, nous nous attacherons à saisir qu'il s'agit d'une théorie idéal du jugement qui rencontre seslimites dans le fait que nous ne pouvons jamais pleinement faire abstraction de ce que nous sommes : l'objectivité s e trouve alors ramenée à un effort derelativité qui n'est jamais neutre.

Cependant, nous nous efforcerons de comprendre que l'exercice de relativité, s'il n'est jamais neutre en tant que tel,permet de viser une neutralité puisque le jugement qui en déc oule se justifie rationnellement, indépendamment des valeurs de l'individu qui juge.Proposition de plan1.

L'objectivité semble impliquer la neutralité, dans la mesure où pour être objectif, il convient de ne se fonder que sur des faits avérés ou prouvés (a) ausujet desquels l'esprit adopte une distance et une méthode critique (b) qui l'engage purement et s implement à faire un travail d'arbitrage dans lequel il nefait pas intervenir ses propres convictions mais ne se forge sa conviction qu'à partir de son raisonnement (Desc artes).(c)2.

Il reste toutefois que cette théorie idéale de l'objectivité est limitée.

En effet, tant en raison de facteurs incons cients (Freud) qui interviennent sans queje le veuille dans mon jugement, (a) qu'en fonction des connaissances que je possède et de celles qui peuvent me manquer pour avoir une représentationexacte des faits (Kant)(b) ou encore des principes et des valeurs que j'ai acquis es au cours de ma vie et qui faussent mon jugement (c) il devient difficile deprétendre pratiquement que l'objectivité est neutralité.3.

Dès lors, le problème de la construction d'une objectivité critique s e repose.

En ce sens, peut-être faut-il faire de l'objectivité un idéal régulateur au sensde Kant,(a) ce qui permet alors de penser que nous pouvons être impartiaux seulement en raison d'une critique de notre propre positionnement(Bourdieu),(b) critique qui nous permet d'être neutres moralement en prenant pourtant des décisions qui tranc hent les dilemmes auxquels nous sommesconfrontés (Dworkin).(c). »

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