Devoir de Philosophie

Obsession - Les Fleurs du Mal de Baudelaire

Publié le 05/05/2011

Extrait du document

baudelaire

UN SONNET « BAUDELAIRIEN «

Le succès des Fleurs du Mal a engendré le baudelairisme, qui correspond pour la dernière génération du XIXe siècle au Mal du Siècle dont les contemporains de René furent les victimes. Dandysme souvent plus extérieur que sincère, recherche de l'inspiration par des ivresses artificielles, prédilection pour le morbide, hantise de la mort et ambitions artistiques formèrent une religion, dont Baudelaire fut, sans l'avoir cherché, le grand prêtre. Ces disciples s'attachèrent dans les Fleurs du Mal aux pièces les plus sombres, aux oeuvres condamnées, aux cris de révolte. Obsession est l'un de ces poèmes significatifs : Commentez ce poème de Baudelaire :

Obsession - Les Fleurs du Mal de Baudelaire

Grands bois, vous m'effrayez comme des cathédrales; Vous hurlez comme l'orgue; et dans nos coeurs maudits Chambres d'éternel deuil où vibrent de vieux râles, Répondent les échos de vos De profundis. Je te hais, Océan ! tes bonds et tes tumultes, Mon esprit les retrouve en lui. Ce rire amer De l'homme vaincu, plein de sanglots et d'insultes, Je l'entends dans le rire énorme de la mer. Comme tu me plairais, ô Nuit ! sans ces étoiles Dont la lumière parle un langage connu ! Car je cherche le vide, et le noir, et le nu ! Mais les ténèbres sont-elles mêmes des toiles Où vivent, jaillissant de mon oeil par milliers, Des êtres disparus aux regards familiers.   

baudelaire

« forêt et de la cathédrale que Chateaubriand avait rendue familière devient un objet d'effroi.

Pourquoi cette horreur? C'est que le poète n'est pas un fidèle, mais un coeur maudit. • Le second quatrain oppose l'homme à l'Océan; celui-ci incarne la puissancede la Nature, qui écrase l'homme et le méprise.

Cette haine est-elle sincère?On songe au premier vers de L'homme et la Mer : Homme libre, toujours tuchériras la mer ! et aux Petits poèmes en prose : Déjà et Le Port, danslesquels le poète manifeste un profond amour de la mer et la nostalgie devoyages lointains : il y a une sorte de plaisir mystérieux et aristocratique pourcelui qui n'a plus ni curiosité ni ambition, à contempler, couché dans lebelvédère ou accoudé sur le môle, tous ces mouvements de ceux qui partentet de ceux qui reviennent, de ceux qui ont encore la force de vouloir, le désirde voyager et de s'enrichir.

Le poète n'a donc pas toujours entendu le rireénorme de la mer.

C'est la conscience du désordre de son esprit qu'il projettesur les flots et les lui rend odieux. • Depuis la fin du XVIIIe siècle, la Nuit est devenue un des thèmesd'inspiration favoris : les poètes à l'envi célèbrent la clarté des étoiles, lalumière cendrée de la lune.

Une fois de plus, Baudelaire prend le contre-piedde cette tradition; aucune nuit n'est assez sombre pour calmer sesaspirations au Néant; le langage connu des astres l'importune comme unremords; le poète cherche un univers différent, où il sera absolument seul : Car je cherche le vide, et le noir, et le nu. • Le second tercet renforce cette impression d'horreur : ni les bois, ni l'océan, ni la nuit ne sont vides pour l'espritdu poète, car l'intuition symbolique les peuple de visages familiers.

Dans le silence et la solitude de la Nature, lepoète n'est jamais seul; les fantômes qui errent dans la Nature sont ceux qui habitent le cerveau du poète : Lasottise, l'erreur, le péché, la lésine et surtout le meneur du jeu, Satan Trismégiste; à cette ronde allégoriqueprennent également part les ombres des amis et des êtres chers, le père de Baudelaire, et Mariette, la servante augrand coeur, et Poë, qui introduisit Baudelaire dans l'univers poétique, ceux que l'écrivain considérait comme desanges gardiens, et dont il disait dans Mon coeur mis à nu : Faire tous les matins ma prière à Dieu, à mon père, àMariette et à Poë comme intercesseurs.Images : • Dans les quatrains, les images sont surtout auditives.Baudelaire interprète les bruits déformés qui parviennent à son oreille comme des chants funèbres.

Dans le poèmeSpleen, l'hallucination auditive était exprimée par des métaphores analogues, elles aussi, d'inspiration religieuse :Des cloches tout à coup sautent avec furie Et lancent vers le ciel un affreux hurlement, Ainsi que des espritserrants et sans patrie Qui se mettent à geindre opiniâtrement.

Le second quatrain est dominé par l'évocation de l'Océan.

Baudelaire a lui-même indiqué l'origine de cette image, quin'est pas due à une impression vécue, mais à un souvenir du Prométhée d'Eschyle; le poète grec, en effet,comparait la mer à un visage humain : le sourire innombrable des flots de la mer.

Baudelaire a donné un sens toutdifférent à la métaphore : le rire est énorme et amer.

Il n'y a pas rapprochement de deux éléments, l'un sensitif: legrondement de l'océan, et l'autre intellectuel: le rire de l'homme vaincu, mais fusion des deux.

Cette interpénétrationdu réel et de l'imaginaire, très fréquente dans la poésie symboliste, est particulièrement heureuse pour exprimerl'état trouble d'obsession. • Les images visuelles dominent dans les tercets où le noir des ténèbres attire le poète perdu dans l'Ennui.

Il sembleque le premier tercet soit le développement du dernier vers de Spleen: Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir. Le noir est d'ailleurs plus qu'une couleur : c'est un signe, un symbole.

Alors que la lumière est banale comme lesconversations quotidiennes, le noir est l'aspect visible du vide, de l'Inconnu.Les images disparates et heurtées comme celles d'un cauchemar ne sont pas développées pour elles-mêmes; ellesn'expriment pas le monde extérieur, mais l'état d'âme du poète; ce sont les successives transpositions de sonobsession. Rythme.

• Le rythme du premier quatrain est ample comme ilconvient à un chant d'orgues, grâce aux coupes placées à l'hémistiche.

L'impulsion est donnée par l'invocation auxgrands bois, qui constitue une coupe secondaire.

Deux inversions mettent en relief les verbes vibrent et répondent,. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles