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L'oeuvre de Céline

Publié le 22/04/2010

Extrait du document

ROMANS

VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT (1932)

MORT A CRÉDIT (1936)

BAGATELLES POUR UN MASSACRE (1937)

L'ÉCOLE DES CADAVRES (1938)

LES BEAUX DRAPS (1941)

GUIGNOL'S BAND I (1944)

 

THÉATRE

 

L'ÉGLISE (1933)

 

ESSAIS

 

MEA CULPA (1936)

APOLOGIE DE “ MORT A CRÉDIT ” (1936)

A L'AGITÉ DU BOCAL (1948), pamphlet contre J.-P. Sartre

FOUDRES ET FLÈCHES, ballet mythologique (1948)

CASSE-PIPE (1949)

SCANDALES AUX ABYSSES (1950), argument de dessin animé

FÉERIE POUR UNE AUTRE FOIS I (1952)

FÉERIE POUR UNE AUTRE FOIS II (1955)

ENTRETIENS AVEC LE PROFESSEUR Y (1955)

D'UN CHATEAU A L'AUTRE (1957)

BALLETS, SANS MUSIQUE, SANS PERSONNE, SANS RIEN (1959)

NORD (1960)

VIVE L'AMNISTIE, MONSIEUR ! (1963)

 

THESES

VIE ET ŒUVRE DE SEMMELWEISS (1924)

LA QUININE EN THÉRAPEUTIQUE (1925) Ces deux ouvrages ont paru sous son nom de Destouches.

CÉLINE (Louis-Ferdinand), écrivain français (1894-1961); son premier livre, Voyage au bout de la nuit, inaugure un nouveau style d'écriture qui, pour mieux dénoncer la société bien pensante, utilise les tics de langage populaire en une continuité d'écriture faite de points de suspension (Mort à Crédit, 1936; Guignas Band, 1944).

« son extrémité, exploitons-la jusque dans ses plus révoltantes conséquences.

C'est à un tel choix, me semble-t-il, qu'en était arrivé le Céline du V~yage et de Mort à crédit : quitte à vivre, et à continuellement mourir, dans la nuit, autant aller jusqu'au bout de la nuit.

Se reconnaître et s'accepter soi-même comme une pourriture en suspens, cela donnait au moins à Céline le droit de dénoncer les autres pourritures -militarisme, colonialisme, industrialisme par exemple - qui cancérisent l'homme d'aujourd'hui.

La vraie sagesse consiste ainsi peut-être à abdiquer tout orgueil, tout souci de façade, à abandonner même toute prétention de « caractère », à n'être plus « quelqu'un » - « une chiffe crâneuse », dit Céline- mais à se laisser emporter et ballotter par l'existence, en opposant au ruissellement universel la seule ressource de sa lâcheté.

« Être lâche définitivement », partir à la dérive, comme tant de héros céliniens, connaître l'épreuve initiatique de l'échec, de la dérision ou de la honte, voilà peut-être le chemin de notre liberté.

La veulerie - entendons ce mot sans nulle acception péjorative - conduit ainsi à la détente intime; elle nous ouvre à la pitié, au sentiment d'un autrui aussi lâche, aussi abandonné que nous; nous réduisant à n'être plus personne, elle donne la paix du cœur.

N'oublions pas pourtant- lui-même, toujours, nous le rappelle- que Céline est d'abord un artiste, un écrivain, que c'est donc au niveau et dans l'expérience propre du langage qu'il sera d'abord tenté de se sauver.

Face à la mollesse existentielle, l'écriture se fera à la fois compli­ cité et guérison.

Si, en effet, l'allure de sa phrase imite d'abord, et merveilleusement, les gestes de l'inondation et du débraillage, si à la scandaleuse défection de l'être les mots répondent ici par leur pléthore, par leur gouaille, par leur volubilité lâchée et familière, ce langage possède aussi, et surtout dans les derniers romans, une énergie, une force d'exclamation et d'explosion qui soulèvent en feu d'artifice le flasque originel de l'expérience.

Surtout il enferme une saveur, due à sa qualité harmonique et poétique; apparemment brut et sauvage, il est animé en fait par une « petite musique » capable, dit Céline, de « faire danser la vie », de lui redonner rythme et allégresse, de réveiller en elle la gaieté, ou les « enchantements de son essor ».

Cet idéal, tout de cadence et de verdeur, qui trouve ses modèles avoués chez Du Bellay, chez Couperin (nous songeons aussi, bien sûr, à Rabelais), s'oppose aux plates complications du style moderne, à l'art par exemple gidien ou valéryen de « troufignoliser l'adjectif, enculagailler la moumouche, frénétiser l'insignifiance ...

» Mais sa vigueur, surtout, assume une fonction vitale : elle vise, au sein des plus affreux effondrements, à nous remettre sur nos pieds, à nous rendre biologiquement à nous-mêmes.

D'où sa salubrité, son foncier optimisme.

Dans la destinée spirituelle et historique de Céline se dessine pourtant (entre Mort à crédit et Bagatelles pour un massacre) un tournant fatal : c'est le moment où il cesse de vivre et de combattre de manière authentique sa nausée.

En un véritable mouvement de fuite, il décide que sa débâcle ne vient plus de lui, mais des autres, qu'il n'en est plus l'auteur, ni l'acteur, mais la victime, que tout le mal s'en développe hors de lui, et contre lui, dans cette France de 1936 et 1940 sur laquelle il projette sans vergogne son propre phantasme de mollesse.

Ce pays «tourné gonzesse », « gâteux à fondre », il peut alors l'insulter et le vomir, lui offrir les cures les plus niaises d'auto­ ritarisme et de virilité.

Il est visible que Céline tente alors de se dégager de son propre mal, qu'il veut s'innocenter par la violence même de son accusation.

Mais surtout, et c'est là le plus grave, il trouve imaginairement à toute cette pourriture une cause unique et multiforme : le juif.

A la fois mou et virulent, haineux et anarchique, celui-ci devient fantastiquement alors comme l'asticot d'une société dans laquelle il introduirait sans fin les germes de sa dégénérescence.

Utilisant la « pollution juive >> comme un trop parfait alibi, Céline épouse ainsi avec frénésie les pires mythologies racistes.

En un ironique retour, son antisémitisme allait lui permettre cependant de retrouver sa vérité profonde.

Parce que raciste et antisémite, il se trouve pris en effet dans la débâcle allemande de 1945, sorte de décomposition apocalyptique qu'il lui faut bien vivre de l'intérieur, et dont les images nourrissent ses derniers livres.

Il se sauve donc en fin de compte, et cela à partir du moment où il commence à se sentir mourir.

Car la vie, lorsqu'elle est vraiment vécue, n'est qu'une dissolution continuée de soi, qu'une longue agonie.

« La plupart des gens ne meurent qu'au dernier moment; d'autres commencent et s'y prennent vingt ans d'avance et parfois davantage.

Ce sont les malheureux de la terre », avait écrit Céline.

Reconnaissons et saluons en lui le premier de ces malheureux-là.

81. »

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