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Oliver Cromwell

Publié le 22/02/2012

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"Un homme s'est rencontré..." Oliver Cromwell est mort depuis onze ans quand Bossuet, exaltant en Henriette de France tout ce que le chef puritain avait haï, présente à sa façon celui qui littéralement accoucha l'Angleterre moderne. Depuis cette Restauration où la vindicte d'une Chambre introuvable alterne avec la ferveur des pauvres "dissenters" désormais persécutés, le visage, paysan ou fier, va se maintenir dans le souvenir des nations. Après l'Histoire de Salmonet, bien d'autres, tel le Père d'Orléans, suivent pour nous ces vingt ans de l'Interregnum (1640-1660) ; puis, au XVIIIe siècle, Voltaire en grimace ; mais l'Amérique et ses "commonwealthmen" répercutent en leurs déclarations d'indépendance le legs des révolutionnaires ; cependant que, sur place, le sceptique Hume décrit le caractère d'un intelligent fanatique, et que sa rivale, la républicaine Mrs Macaulay-Graham, déplore l'évolution vers la dictature : le premier fut lu, en texte français, par Louis Capet ; la seconde fut traduite sous l'égide de Mirabeau.
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« Réforme : élu d'En-Haut, mais aussi par ses électeurs humains, il veut élire, choisir son destin ici-bas, contre toutféodalisme ou absolutisme.

Il est donc présent, exigeant la suppression de l'épiscopat ("de la racine aux branches"),entérinant l'exécution du ministre Strafford, s'indignant devant le soulèvement catholique d'Irlande où l'onsoupçonne le roi de duplicité, votant la Grande Remontrance, scandalisé par l'assaut de Charles contre l'immunitéparlementaire.

Loyal aux "exigences de l'Évangile et aux lois de notre pays", il comprend tôt le côté réaliste d'un telchoix : le rôle de la force.

Il s'était inquiété de qui contrôlerait la milice.

Il propose de mettre la nation en posture dedéfense, lorsque Charles, au cours du premier semestre 1642, prépare la guerre, qui éclate en août.

Dès juin, il asouscrit cinq cents livres pour créer une armée au Parlement, puis part lever des volontaires, enfin saisit, de soninitiative, argent et munitions.

Au début de la guerre civile, il combat à Edgehill, sous Essex.

Conscient desinsuffisances, il repart enrôler "des hommes ayant la crainte de Dieu, et agissant en conscience".

Et ces "têtesrondes" puritaines, hostiles aux aristocrates aux longs cheveux, entraînées par ce civil devenu technicien, en unmélange de communion pieuse, camaraderie rurale et esprit "commando", sauront enfin mettre en déroute les"Cavaliers", à Marston Moor, en 1644. Dès lors, Cromwell valorise son prestige doublement : d'abord, il s'impose comme leader du centre gauche, le partides "Indépendants" (préconisant églises plus libres et soucis plus humains), contre le centre droit des"Presbytériens", inquiet des tendances radicales, prêt à marchander avec un roi rusé, et voulant quadrillermentalement et physiquement (credo et paroisses) tout le peuple, pour remplir l'inquiétant vide né de l'abolition del'Église d'État : or Cromwell associe la tolérance aux exigences de la lutte : "Plutôt un capitaine vêtu de simple burequi sache et aime ce pour quoi il combat que ce que vous appelez un gentilhomme..." Et peu importe que le soldatsoit même "anabaptiste" (nom qui, depuis plus d'un siècle, faisait voir rouge, bien qu'il ne s'agît plus que de sectepieuse) : l'État n'a pas à en connaître.

C'était déjà une laïcité puritaine, opposée aux proscriptions despresbytériens, énumérant les "hérésies" des "sectaires". Ensuite Cromwell élimine son lâche supérieur, Manchester, par le vote d'une loi de non-cumul entre mandat civil etmilitaire..., où lui seul est l'exception à la règle.

Resté chef effectif (sous l'officiel Fairfax), il définit, et applique, uneréorganisation de l'armée, en un "New Model", où s'annoncent les idées et d'un Jaurès et d'un de Gaulle.

En juin1645, par une cavalerie blindée appuyant une infanterie de choc, il écrase, avec ses "côtes de fer", le roi à Naseby.Débâcle définitive, où la saisie de papiers révèle en outre la trahison.

Les chars anglais porteront en 1944-1945 cenom anniversaire : le Cromwell... 1646 voit ainsi le triomphe du défenseur des libertés : du sujet devant son roi, du protestant devant sa foi.

Maisque de forces furent libérées...

Charles encore populaire, et manœuvrier, se livrant aux Écossais en mai ; Parlementinquiet des succès de son général armée soupçonnée, donc soupçonneuse ; Londres enfin, qu'agite le flot depamphlets d'un parti radical, taxé par ses adversaires de "niveleur" et qui pose, par les voix de Lilburne (sans cesseincarcéré), d'Overton, de Walwyn, le principe de l'égalité socio-politique.

Égalité et légalité vont être les deuxinconnues de cette équation aux quatre paramètres : loyalisme monarchique, calvinisme conservateur presbytérien(encouragé par la "Kirk" d'Écosse et activé par un parlement parallèle de théologiens), "indépendance", notammentdes cadres de l'armée, radicalisme naissant.

Cromwell se veut l'homme du compromis : il n'est guère idéologue.

Ilcroit à l'expérience, mystique et politique, qui autorise hésitations, même retournements (Dieu ne veut-il pas qu'onmette "tout à l'épreuve", et ne peut-il changer ses consignes ?) ; il croit à l'inspiration ; la temporisation débouchealors sur l'acte brusque, que le succès corrobore.

Par cette fructueuse ambiguïté, il va manier tout le monde : lui sedit manié de Dieu ! L'ambition, si elle existe, est inconsciente.

Et Machiavel avait ses principes...

D'abord s'attacherau concret : Cromwell fait corps avec l'armée lorsqu'en début 1647 le Parlement, ayant littéralement racheté son roiaux Écossais, veut licencier le New-Model et expédier le reliquat en Irlande.

La troupe, qu'exaspère le fermentniveleur, élit des délégués régimentaires, les "agitators".

Pour canaliser l'effervescence, le commandementencourage une assemblée militaire ; en synchronisation avec ses protestations, une montée, une pression s'opèrevers Londres et sur le Parlement ; cependant qu'au début juin le cornette Joyce "enlève" le roi : ce que Cromwell"couvre", s'en servant pour, en vain, tenter de rallier Charles à des Propositions de monarchie tempérée.

Les"agitateurs" créant des "conseils" de soldats, puis, poussés par les niveleurs civils présentant un Pacteconstitutionnel (Case of the Army, puis Agreement of the People) qui préfigure étrangement Rousseau, Cromwellaccepte d'en discuter fin octobre au Quartier général.

Une sténographie, unique dans l'Histoire, conserve trois joursde débats, opposant le commandement aux délégués et à quelques officiers avancés (Rainborough).

En cetenregistrement, la position du lieutenant-général se dessine.

Le premier jour, centré sur la légitimité deschangements, en face d'engagements antérieurs, traduit le légalisme du député, redoutant ceux qui "du passéferont table rase", le désir de l'officier de maintenir l'unité qui fit la force.

Le deuxième jour, acculé à répondre à unprojet d'extension de franchise électorale vers le suffrage universel, Cromwell fait défendre par son gendre et adjointIreton une franchise limitée, préservant la "propriété" contre toute "anarchie" ou "loi agraire" (serait-elle mêmefondée en loi naturelle).

Lors de la troisième séance, Cromwell, placé habilement devant la critique de tout pouvoirdiscrétionnaire (veto royal ; Chambre des Lords), esquive, passant du mysticisme pascalien à l'exigenced'obéissance militaire.

Prudence, stabilité, discipline sont ses thèmes.

A peine finalement jette-t-il du lest ; mais illaisse aussi "s'échapper" le roi (lui offrant une ultime chance) ; et il écrase sans pitié une révolte de soldatsniveleurs.

Il a repris l'outil en main. Or 1648 revoit les complots : du roi, avec l'Écosse ; des niveleurs civils, à Londres.

Faisant volte-face, Cromwelllaisse ses officiers demander le jugement du souverain.

Puis, devant les Communes désemparées, et l'invasionécossaise, il agit : en une guerre éclair, il écrase (à Preston : été 1648) l'étranger, et Charles, dont l'armée se saisità nouveau.

Et le 6 décembre le colonel Pride "purge" le Parlement de sa droite "presbytérienne".

"On ne m'a pas misau courant, dit-il, mais puisque c'est fait..." : il a vu la main de Dieu, et a constaté que le roi était irrécupérable. »

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