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Est-ce parce qu'ils sont ignorants que les hommes ont des croyances ?

Publié le 19/02/2005

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Le sujet s'appuie sur un fait : les hommes ont des croyances. Nous devons statuer sur la légitimité de l'affirmation selon laquelle la cause de ce fait serait l'ignorance. Prenons le problème à l'envers et demandons-nous : Le savant pourra-t-il se passer de croire ? Par ailleurs, l'ignorance conçue comme défaut de savoir suppose que la croyance, qui viendrait combler l'ignorance, serait elle-même affectée par un défaut d'objectivité, privilège exclusif du savoir. Mais : Toute croyance est-elle dénuée d'objectivité ?
 
  • La forme du sujet (question fermée) invite à y répondre par « oui « ou par « non « avec toutes les précisions qui s'imposent
  • Il fait intervenir les notions d'ignorance et de croyance et nous interroge sur le lien qui les unit : la croyance est-elle le corollaire de l'ignorance ?
  • La croyance peut être définie comme l'adhésion à une idée, par exemple : la croyance en l'existence de Dieu, en l'efficacité du modèle social européen, en la possibilité d'une mathématique universelle etc. Dans toutes ces illustrations, nous relevons deux traits caractéristiques de la croyance : premièrement, la vérité de son objet demeure incertaine. La croyance est donc une adhésion non entièrement objective. Mais pourquoi croire en quelque chose, autrement dit y adhérer alors que des raisons manquent, plutôt que de laisser en suspend son jugement ? C'est ce qui nous conduit au second point : la croyance suppose l'investissement du croyant. Tant que la croyance dure, il agît et pense comme si la vérité de son objet était certaine, voire s'efforce à la réaliser.
  • L'ignorance est un défaut de connaissance, conscient ou non. Elle disparaît donc ou bien par l'apprentissage de ce dont on a conscience qu'il fait défaut, ou bien par la découverte de ce que l'on ne soupçonnait même pas.
 


« Transition : La croyance n'intervient que lorsque le savoir fait défaut, lorsqu'il ne peut plus prétendre à l'objectivité.

Autrementdit, si la croyance pouvait prétendre à l'objectivité, elle serait un concurrent et non plus seulement un suppléant dusavoir, et pourrait alors naître sur un autre terrain que celui de l'ignorance.

C'est cette possibilité qu'il nous fautmaintenant examiner : II – Toute croyance est-elle dénuée d'objectivité ? Référence : Claude Lévi-Strauss, La pensée sauvage (chap.

1 : la science du concret) « Nous ne revenons pas, pour autant, à la thèse vulgaire [...] selon laquelle la magie serait une forme timide etbalbutiante de la science : car on se priverait de tout moyen de comprendre la pensée magique, si l'on prétendait laréduire à un moment, ou à une étape, de l'évolution technique et scientifique.

Ombre plutôt anticipant son corps,elle est, en un sens, complète comme lui, aussi achevée et cohérente, dans son immatérialité, que l'être solide parelle seulement devancé.

La pensée magique n'est pas un début, un commencement, une ébauche, la partie d'untout non encore réalisé ; elle forme un système bien articulé ; indépendant, sous ce rapport, de cet autre systèmeque constituera la science, sauf l'analogie formelle qui les rapproche et qui fait du premier une sorte d'expressionmétaphorique du second.

Au lieu, donc, d'opposer magie et science, il vaudrait mieux les mettre en parallèle, commedeux modes de connaissance, inégaux quant aux résultat théoriques et pratiques [...], mais non par le genred'opérations mentales qu'elles supposent toutes deux, et qui diffèrent moins en nature qu'en fonction des types dephénomènes auxquelles elles s'appliquent.

» La pensée « magique », qui désigne la pensée « primitive » (Lévi-Strauss est ethnologue et anthropologue) ne sedistingue pas par nature de la science.

Elle consiste plutôt en une sorte de bricolage (selon les termes de Lévi-Strauss) intellectuel et peut prétendre à la même objectivité que nos sciences.

Elle n'est donc pas moins vraie, maisseulement moins efficace théoriquement et pratiquement. Or au sein de cette pensée première interviennent les rituels magiques, qui jouent un rôle primordial dansl'élaboration de cette vision « primitive » du monde.

D'un point de vue occidental, ces rituels relèvent de lacroyance.

Ils sont pourtant à la base de la construction du savoir indigène.

Lévi-Strauss nous présente un exemplede croyance qui peut légitimement prétendre à l'objectivité.

Elle devient par conséquent une concurrente légitime dusavoir, et ne se développe pas uniquement à partir de l'ignorance des hommes. Transition : Le savoir n'a plus l'exclusivité de l'objectivité.

Il se distingue de la croyance par une différence de degré d'efficacitépratique et théorique.

S'il n'y a qu'une différence de degré et non plus de nature entre le savoir et la croyance, iln'est alors plus légitime de les opposer.

Comment alors les distinguer, c'est-à-dire, où tracer la limite qui les séparesur l'échelle de l'objectivité ? La distinction elle-même est-elle encore légitime ? III – Peut-on distinguer le savoir de la croyance ? Référence : Nietzsche « Comment une chose pourrait-elle procéder de son contraire, par exemple la vérité de l'erreur ? Ou la volonté duvrai de la volonté de tromper ? Ou le désintéressement de l'égoïsme ? Ou la pure et radieuse contemplation du sagede la convoitise ? Une telle genèse est impossible; qui fait ce rêve est un insensé, ou pis encore; les choses de plushaute valeur ne peuvent qu'avoir une autre origine, un fondement propre.

Elles ne sauraient dériver de ce mondeéphémère, trompeur, illusoire et vil, de ce tourbillon de vanités et d'appétits.

C'est bien plutôt au sein de l'être, dansl'impérissable, dans le secret de Dieu, dans "la chose en soi" que doit résider leur fondement, et nulle part ailleurs". Ce genre de jugement constitue le préjugé typique auquel on reconnaît les métaphysiciens de tous les temps.

Cettemanière de poser les valeurs se dessine à l'arrière-plan de toutes les déductions de leur logique.

Forts de cette"croyance", ils partent en quête de leur "savoir", de ce qu'ils baptiseront solennellement, en fin de compte, la"vérité".

La croyance fondamentale des métaphysiciens, c'est la croyance en l'antinomie des valeurs.

Même les plusprudents, ceux qui s'étaient jurés "de omnibus dubitandum", ne se sont pas avisés d'émettre un doute sur ce point,au seuil même de leur entreprise, alors que le doute était le plus nécessaire.

Car on peut se demander,premièrement, s'il existe des antinomies, et deuxièmement, si ces appréciations populaires, ces antinomies devaleurs sur lesquelles les métaphysiciens ont imprimé leur sceau, ne sont peut-être pas de simples jugementssuperficiels, des perspectives provisoires, peut-être par surcroît prises sous un certain angle, de bas en haut, des"perspectives de grenouille" en quelque sorte, pour employer une expression familière aux peintres.

Quelque valeurqu'il convienne d'attribuer à la vérité, à la véracité et au désintéressement, il se pourrait qu'on dût attacher àl'apparence, à la volonté de tromper, à l'égoïsme et aux appétits une valeur plus haute et plus fondamentale pourtoute vie.

Il se pourrait que ce qui constitue la valeur de ces choses bonnes et vénérées tînt précisément au faitqu'elles s'apparentent, se mêlent et se confondent insidieusement avec des choses mauvaises et en apparenceopposées, au fait que les unes et les autres sont peut-être de même nature.

» L'objectivité que l'histoire de la philosophie, et en particulier la métaphysique, attribue au savoir, c'est-à-dire saprétention à la vérité, est fondée sur la croyance en l'antinomie des valeurs : le faux et le vrai ne peuvent pas. »

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