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PARFUM EXOTIQUE C. BAUDELAIRE (1821-1867), Les Fleurs du Mal

Publié le 22/10/2010

Extrait du document

baudelaire

 

SITUATION DU TEXTE.

 

            "Parfum exotique", écrit en 1846 est un poème de jeunesse qui n'a été publié qu'en  1857 dans la section "Spleen et Idéal" des Les Fleurs du Mal. 

      Son inspiratrice est Jeanne DUVAL, superbe mulâtresse avec qui il a eu une liaison orageuse de 1842 à 1855. "Parfum exotique" met en évidence le pouvoir magique de son parfum, créateur d'un univers fait d'harmonie et riche en correspondances. 

       Ainsi, se trouvent associés dans ce poème la femme, le parfum et l'évasion (trois thèmes obsessionnels chez BAUDELAIRE ).

IDEE GENERALE.

 

            Le thème principal de ce poème est l'évasion dans la rêverie du bonheur par l'intermédiaire de la femme.

MOUVEMENT DU TEXTE

 

Le poème se subdivise en deux grandes parties :

*Vers 1 et 2 : clôture initiale ou l'intimité propice

*Vers 3 à 14 : le déroulement du spectacle

Vers 3 à 8 : l'île

Vers 9 à 14 : le port

 

EXPLICATION LINEAIRE

 

*Vers 1 et 2 : 

 

          Le poète débute par une clôture pour une intimité propice à l'extase. 

Le regard du poète se ferme à la réalité et le loin en estompe les lignes (cf. le balcon : "la nuit s'épaississait ainsi qu'une cloison"). Le poète ainsi concentré sur son intériorité et blotti contre le sein de sa bien-aimée peut se laisser aller è la magie de son parfum. 

       Celui-ci va libérer en quelque sorte son esprit (cf. "Comme d'autres esprits voguent sur la musique/Le mien, ô mon amour, vogue sur ton parfum".).

      Tout est déjà d'ailleurs promesse de bonheur puisque le loin est ‘'chaud'’ et le sein ‘'chaleureux'’. La femme, prétexte au rêve méditation nécessaire va ensuite être absente des visions.

 

 *Vers 3 à 8 :

 

           Ces visions annoncées d'entrée de jeu par "je vois" se prolongent sur six vers et ont une certaine ampleur : elles sont restituées sur le mode syntaxique de l'énumération par la juxtaposition d'éléments qui aboutissent à un tableau. 

Le verbe se "dérouler" qui évoque un glissement solennel et mélodieux est renforcé par un mouvement ondulatoire du rythme avec des enjambements (3;4, 5;6) et des éléments phoniques  qui se répètent et 'oe' et 'r' et, par la phrase mélodique à forte attaque à l'initiale ("je vois"), au déploiement progressif et au decrescendo final. 

         Le poète est ici spectateur de la rêverie, spectateur passif d'une rêverie constituée d'éléments visuels qui s'organisent tout d'abord en vue panoramique avant d'aboutir à un effet de zoom (sur la femme). Le spectacle est celui des "rivages heureux", d'une île. Depuis la plus haute antiquité, l'île a fasciné les hommes car elle symbolisait l’âge d'or.

 

         L'élément primordial de ce passage est la lumière. C' est une "chaude lumière" (cf. L'invitation au voyage) à la fois intense (cf. ‘'éblouir'’), uniforme (cf. ‘'monotone’'), et dont les reflets se multiplient à l'infini ("les feux").  

       Mais ce paradis baudelairien rappelle une vision païenne (cf. "J'aime le souvenir de ces époques nues") et s'oppose ainsi à la modernité et à l'Eden biblique. En effet, la '’paresse’’ s'oppose à l'agitation du monde moderne, à la frénésie du travail comme du plaisir. Elle est nonchalance, abandon, pâmoison. 

L'absence du pêché est présente dans "les fruits savoureux", sans arrière goût de pêché ou de remords, dans les êtres préadoniques que sont les hommes, remarquables par leur pureté et leur innocence. 

En cela d'ailleurs, ils sont opposés à la laideur des hommes modernes (cf. v.22 : "Ô pauvres corps tordus, maigres, ventrus ou flasque") et à la corruption des femmes (cf. v.25-26 :"Et vous, femmes, hélas, pâles comme des cierges,/ Que ronge et que nourrit la débauche").                    

        Nous sommes ici en présence de la tradition des paradis exotiques où l'homme et la femme vivent en harmonie avec la nature, mère nourricière, loin de toute idée de faute.

 

*Vers 9 à 14 : 

 

             Le vers 9 est une reprise anaphorique d'un schéma conducteur presque identique. 

"Quand je respire l'odeur, je vois" répond "Guidé par ton odeur, je vois". 

        Cette architecture rigoureuse où deux phrases seulement composent le sonnet est voulu par le poète qui construit ainsi la rêverie loin de toute angoisse, de toute conscience malheureuses liées à la fragmentation et à la division. 

      Le port ici combine à la fois le bonheur de l'immobilité et la promesse d'une évasion dans la profusion des sentiments qui ouvre à l'ivresse extatique. (NB. extase : du grec qui veut dire action d'être hors de soi-même. Etat dans lequel une personne se trouve comme transportée hors de soi et du monde sensible avec le sentiment de s'unir à quelque chose de transcendant). 

       En effet, de l'ordre de la vision sont les navires bercés par le roulis qui sont évoquées par les synecdotes  '’voiles'’ et '’mâts'’ mettant l'accent sur les lignes verticales et les "verts tamariniers" où l'adjectif qualificatif ‘'vert'’ insiste sur la couleur. 

       De l'ordre du sens olfactif relève le parfum des "tamariniers" dont le mouvement incessant ‘'circule’', crée une atmosphère enivrante et pénétrante. 

      A l'ordre du sens auditif appartient le "chant des mariniers" dont l'intensité est traduite par des sonorités graves en 'a' ou 'â' que l'on retrouve d'ailleurs dans beaucoup de mots des tercets. 

     Le poète n'est plus ici spectateur de sa rêverie, il est entré dans sa rêverie grâce à la mutation de l'élément olfactif. L'odeur de la femme devient celle des tamariniers que le poète sent dans son présent. 

       Ainsi, la fusion des sensations s'opère dans le creux de l'âme du rêveur et ce luxe de sensations s'épanouit dans un monde harmonieux, harmonie des choses entre elle et le soi du poète, harmonie des parfums, des couleurs et des sons qui se répondent. 

Nous atteignons ici l'apothéose de l'extase. Ce réseau de correspondances et d'échos (assonances en 'i' et 'a', allitérations en 'm' , 'r', 'l' ) crée un mouvement régulier proche du bercement. Et l'ultime vers conjugue tous ces effets poétiques pour mettre en évidence l'harmonie de la fusion ("je mêle"), la plénitude de l'extériorité ("dans mon âme"), l'exaltation sereine. 

Dès lors, le contexte environnant est remplacé par le contexte exotique non plus vécu par les sens mais par l'âme. Le parfum a ouvert la voie d'un univers idéal qui parle à l'âme plus qu'à la sensibilité.

 

CONCLUSION

 

Par un sonnet régulier, très classique par sa structure où coïncident organisation syntaxique et structure du sonnet, BAUDELAIRE a réussi à nous faire pénétrer dans le mouvement même de sa rêverie. Cette rêverie est pour BAUDELAIRE l'image même du bonheur dans un ailleurs lumineux où il est comblé car protégé par un lieu à la fois clos et isolé du monde extérieur où s'épanouit une nature généreuse, où les hommes sont beaux et purs, où règne l'harmonie la plus absolue. Le spleen est bien loin certes mais le bonheur est très fragile.

 

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