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On parle de sciences de l'homme: pourquoi l'homme est-il l'objet de plusieurs sciences ?

Publié le 13/02/2004

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C'est bien parce qu'il avait perçu clairement ce point que, parlant du livre qu'il préparait, Merleau-Ponty écrivait peu de temps avant sa mort que le plan de son livre devait « être présenté sans aucun compromis avec l'humanisme, ni d'ailleurs avec le naturalisme, ni enfin avec la théologie... Il faut décrire le visible comme quelque chose qui se réalise à travers l'homme, mais qui n'est nullement anthropologie » (Le Visible et l'Invisible, Gallimard, p. 328). En d'autres termes, il convient de cesser « de nous régler sur l'opinion des anthropologies pour penser l'homme » (Heidegger, Approche de Hölderlin, p. 156).Mais que faut-il penser de l'anthropologie comme science de l'homme, science au singulier qui se présenterait comme une synthèse rassemblant les connaissances propres aux différentes sciences de l'homme? D'abord en tant que science la première ambition de l'anthropologie est d'atteindre à l'objectivité » (Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, p. 397). Encore ne s'agit-il pas de parvenir à n'importe quel prix à cette objectivité car il ne faut pas perdre de vue la spécificité des phénomènes humains et leur signification. « La seconde ambition de l'anthropologie est la totalité » (p.

« disant : la prétention nouvelle du savoir est la prétention mathématique » (Heidegger, Qu'est-ce qu'une chose?, p. 80).

C'est ainsi que pour la physique moderne la nature sera dans son fondmathématique.

Mais comment peut-on caractériser succinctement unescience ? Nous dirons qu'une science se définit non seulement par le langage(ou le code) qu'elle utilise, mais aussi et surtout par la combinaison d'un objetd'investigation qui lui soit propre et d'une élaboration de la théorie de cetobjet.

Ce que montre la réflexion critique sur la science ou épistémologie[épistèmè en grec veut dire science, savoir], c'est que l'objet d'une sciencen'est ni immédiat, ni donné.

Il doit être construit.

L'objectivité scientifique està ce prix.

Elle repose ainsi sur une méthode d'objectivation.

Il appartient àchaque science de construire son objet et c'est en le constituant qu'elle seconstitue.

Par exemple la linguistique qui a été véritablement créée par deSaussure s'est constituée en tant que science en constituant son objet, àsavoir la langue interprétée comme système de signes articulés.Mais si l'on conçoit fort bien qu'une particule, une roche ou même un signelinguistique puissent être regardés comme des objets de science, la chose estplus malaisée en ce qui concerne l'homme.

C'est donc dans le fait d'accoler lemot homme au mot science que réside la source de nombreuses difficultés.Essayons de sérier ces difficultés afin de mieux pouvoir les affronter.

Etd'abord, avant de voir si les différentes sciences de l'homme peuvent ou nones fondre en une seule science, tâchons de savoir au juste ce que recouvrecette expression.

Nous pouvons dire qu'on appelle science de l'homme ouscience humaine toute discipline à caractère scientifique qui prend l'hommecomme objet de ses recherches.

Les différentes sciences humaines correspondraient ainsi à différentes approchesdu concept scientifique d'homme.

Mais une telle définition demeure imprécise.

Elle ne nous dit pas en effet à quellesconditions l'élaboration d'un concept scientifique de l'homme est possible.

Soyons donc plus précis et efforçons-nous de délimiter les domaines respectifs des sciences humaines.

Pour cela, nous dirons en suivant une analyse deMichel Foucault, que les sciences humaines se trouvent, par rapport à certaines sciences ou disciplines, dans une «position de redoublement » (Les Mots et les Choses, p.

365).

Quelles sont ces sciences qui constituent en quelquesorte les modèles des sciences humaines ? Il s'agit essentiellement de la biologie, de l'économie, et de la philologieou, depuis de Saussure, de la linguistique.

Apparemment ces trois disciplines pourraient être considérées comme dessciences humaines.

Mais en y regardant d'un peu plus près, on constate que l'objet propre de la biologie est levivant ou la vie.

Le fer de lance de la recherche biologique est sans doute constitué par la biologie moléculaire.

Nousavons déjà vu que l'objet de la linguistique était la langue et non l'homme qui parle.

Enfin, l'économie politique tentede comprendre les phénomènes de production, d'échanges, de répartition, etc.

Notons au passage que les difficultésauxquelles on se heurte dès lors qu'il s'agit de proposer une définition de l'économie politique sont révélatrices dustatut très controversé de cette discipline.

L'économiste Joan Robinson, que l'on appelle la grande dame de l'écolede Cambridge, va même jusqu'à parler de « la faillite manifeste de la pensée économique » (in revue Preuves, 12,1972).

Quoi qu'il en soit, il apparaît que les sciences humaines redoublent les trois sciences dont nous venons dedire un mot sans pour autant se confondre avec l'anthropologie ou la psychanalyse qui, elles, prennent en vue latotalité humaine.

Elles se situent ainsi dans une dimension où c'est bien de l'homme dont il est question, mais del'homme envisagé non dans sa totalité mais dans tel ou tel de ses aspects fondamentaux.

Leur savoir est partiel.« On voit que les sciences humaines ne sont pas analyse de ce que l'homme est par nature ; mais plutôt analyse quis'étend entre ce qu'est l'homme en sa positivité (être vivant, travaillant, parlant) et ce qui permet à ce même êtrede savoir (ou de chercher à savoir) ce que c'est que la vie, en quoi consistent l'essence du travail et ses lois, et dequelle manière il peut parler...

En première approche, on peut dire que le domaine des sciences de l'homme estcouvert par trois « sciences », — ou plutôt par trois régions épistémologiques, toutes subdivisées à l'intérieurd'elles-mêmes et toutes entrecroisées les unes avec les autres; ces régions sont définies par le triple rapport dessciences humaines en général à la biologie, à l'économie, à la philologie » (Michel Foucault, ibid., p.

364, pp.

366-367).

Ainsi à la biologie correspond la psychologie, à l'économie, la sociologie, et à la philologie, l'étude deslittératures et des mythes.

Nous aurions donc trois sciences de l'homme : psychologie, sociologie et étude deslittératures et des mythes.

Mais à présent que nous avons délimité les sciences de l'homme, il reste à comprendrecomment elles ont pu voir le jour autrement dit, comment l'homme peut devenir l'objet d'une science ou la figured'un savoir.

Car répétons-le, il y a une balourdise certaine à faire du précepte socratique «connais-toi toi-même» lepoint de départ des sciences humaines.

La balourdise devient d'ailleurs une flagrante niaiserie lorsque l'on voit dansce précepte que Socrate pouvait lire au fronton du temple de Delphes une invitation à l'introspection psychologique.« Connais-toi toi-même » cela voulait plutôt dire en l'occurrence qu'il fallait que l'homme se reconnaisse pour ce qu'ilétait, à savoir un mortel qui ne doit pas dépasser certaines limites et surtout pas se prendre pour un dieu.

Il faut,pour que les sciences de l'homme soient possibles, qu'intervienne, dans la vision que l'homme a de lui-même, uneprofonde mutation.

Plus précisément, l'homme ne peut devenir objet de science que s'il cesse d'être exclusivementconsidéré comme un être métaphysique ou religieux.

Par exemple tant que la notion d'âme occupe le devant de lascène, il n'y a aucune place possible pour la psychologie.

Il faudra que peu à peu ces obstacles reculent oudisparaissent pour qu'apparaissent les sciences de l'homme.

Ajoutons que la psychologie naissante, pour garder lemême exemple, dans le désir légitime qu'elle avait de supprimer tout ce qui, comme l'âme, pouvait s'opposer à saconstitution, fut un temps fascinée par l'exemple des sciences de la nature.

Cela donna lieu à une frénésie demesures et à une floraison de lois à coloration mathématique.

En mûrissant, ou si l'on préfère en élaborant de façonplus profonde son objet, la psychologie abandonnera ce point de vue de la mesure.

Elle découvrira qu' « il faut,disait Bachelard, réfléchir pour mesurer et non mesurer pour réfléchir » (La Formation de l'Esprit scientifique, Vrin, p.213).

Nous nous apercevons ainsi que les sciences humaines, pour prétendre au nom de sciences, doivent tendre à. »

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