Passion

(étym. « ce qui est supporté «) 1 (xvii^e s., au sens d’Aristote, repris par Descartes) Tous les phénomènes sup­portés passivement par l’âme, par opposition à l’action qu’exerce sur l’âme la cause du phénomène : ex. la faim, une sensation de brûlure sont des passions; cette passivité carac­térise avant tout la vie affective par opposition à la vie intel­lectuelle et volontaire. La Rochefoucauld : « J'ai toutes les pas­sions assez douces et réglées «; syn. émotion, sentiment, tendance; de plus, selon Descartes, les passions sont causées par les esprits animaux et donc par le corps. 2 D’où, dans le lan­gage littéraire (xvii^e s.) : a) tous les sentiments qu’éprouve un personnage. D’Aubignac : « Les acteurs éclatent en des passions différentes, ce qui contente infiniment les spectateurs quand ils voient ... des mouvements d'esprit qui les ravissent «; syn. sentiments; b) tous les sentiments qu’éveille l’œuvre d’art chez le lecteur ou le spectateur. Les passions tragiques : pitié, terreur et, d’après Cor­neille, admiration; c) (dans l’ancienne rhétorique) ensemble de moyens pour persuader le cœur, en émouvant la sensibilité (cf. Pathos). 3 (Dès le xvii^e s., par opposition à la vie intellec­tuelle et volontaire, mais aussi à certains états affectifs comme le plaisir, la douleur, les tendances, les sentiments) Tendance d’une certaine durée, assez puissante pour dominer la vie de l’esprit. La Rochefoucauld : [L’amour] « dans l’âme, c’est une passion de régner. « Le mot ne s’emploie plus de nos jours qu’au sens 3. En ce sens, il participe, au xvii^e s., du préjugé défavorable dû aux nuances du sens 1 (passivité, origine phy­sique) : la passion est une sorte d’exagération de la sensibilité qui rend l’homme esclave, l’écarte du bien, œuvre de raison et de volonté. Pascal : « Quand notre passion nous donne à faire quelque chose, nous oublions notre devoir. « A partir du xviii^e s. jusqu’au romantisme, à mesure qu’on accorde à la sensibilité une valeur morale, le mot prend une nuance favorable. Vauvenargues : « Nous devons peut-être aux passions les plus grands avantages de l’esprit. «