Devoir de Philosophie

Les passions sont-elles un obstacle aux devoirs de l'homme ?

Publié le 03/02/2004

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Elles troublent la pensée et la réflexion. Le passionné manque à tous ses devoirs, foule aux pieds les lois. Les philosophes de la tradition rationaliste - de Platon à Kant sont en conséquence unanimes dans leur condamnation de la démesure passionnelle.C'est aussi qu'elles semblent contredire, par leur nature même, l'exercice de notre volonté que suppose le devoir : elles ne sont que démesure, alors que la loi morale est synonyme de modération et de lucidité ; elles nous brûlent, alors que le devoir paraît synonyme d'une nécessaire froideur: elles nous enthousiasment, tandis qu'il est rare que l'on se sente exalté par le devoir à accomplir. L'amour nous transporte, le devoir nous arrête ! Le caractère proprement immoral de la passion. Ce principe peut à son tour être scindés en deux, selon le fondement de la morale que l'on retient. Si ce fondement est la raison, en tant qu'instance capable de discerner le bien et le mal, il nous renvoie à l'idée que le passionné se trouve submergée par un flot irrépressible qui manifeste la domination du corps ou de l'imagination sur la raison, pourtant seule instance légitime pour la connaissance et l'action. Inversant la hiérarchie des principes constitutifs de l'être humain, les passions vouent l'homme à tous les excès. Mais s'il s'agit d'une morale religieuse, il s'articule soit autour du concept de « désir », soit autour de celui du « péché ». Le « péché » exprime la rupture des relations avec Dieu, de la part d'un homme qui se voudrait « autonome » alors même qu'il n'est que créature.

« globalement les passions comme contraires à toute attitude rationnelle, c'est oublier que.

pour certains la raison elle-même prédispose àressentir des élans passionnels, et qu'à vouloir censurer le jeu passionnel dans l'homme, on risque d'amputer gravement l'existence cequ'admettent, par exemple, la plupart des grands romantiques.

C'est négliger aussi le fait que la valeur des passions peut être estiméeen fonction des buts qu'elles visent.

Or, il est des passions « nobles » (la générosité cartésienne ou, plus banalement, l'amour de lavérité, le dévouement bénévole pour les autres) dont le déploiement semble parfaitement compatible avec l'accomplissement du devoir. "Et parce que l'une des principales parties de la sagesse est de savoir en quelle façon et pour quelle cause chacunse doit estimer ou mépriser, je tacherai ici d'en dire mon opinion.

Je ne remarque en nous qu'une seule chose quinous puisse donner juste raison de nous estimer, à savoir l'usage de notre libre arbitre, et l'empire que nousavons sur nos volontés.

Car il n'y a que les seules actions qui dépendent de ce libre arbitre pour lesquelles nouspuissions avec raison être loués ou blâmés, et il nous rend en quelque façon semblables à Dieu en nous faisantmaîtres de nous-mêmes, pourvu que nous ne perdions point par lâcheté les droits qu'il nous donne.Ainsi je crois que la vraie générosité, qui fait qu'un homme s'estime au plus haut point qu'il se peut légitimementestimer, consiste seulement partie en ce qu'il connaît qu'il n'y a rien qui véritablement lui appartienne que cettelibre disposition de ses volontés, ni pourquoi il doive être loué ou blâmé sinon pour ce qu'il en use bien ou mal, etpartie en ce qu'il sent en soi-même une ferme et constante résolution d'en bien user, c'est-à-dire de ne manquerjamais de volonté pour entreprendre et exécuter toutes les choses qu'il jugera être les meilleures.

Ce qui estsuivre parfaitement la vertu." DESCARTES La philosophie morale de Descartes reprend des thèmes de la sagesse traditionnelle : thème dubonheur (« on ne saurait manquer d'être content »), thème de l'accord avec la nature (« changer sesdésirs plutôt que l'ordre du monde »).

Mais il les transforme profondément par l'affirmation de la libertédu sujet. POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE On ne confondra pas la « vraie générosité » cartésienne avec le sens actuel du mot (libéralité) ou avec un orgueil qui pousserait às'estimer pour autre chose que sa « ferme résolution ».La formulation même de Descartes (« maîtres de nous mêmes ») est en grande partie d'inspiration stoïcienne, ainsi que sa définition dela vertu (au singulier) comme ferme résolution.

Mais la philosophie morale ne se comprend qu'à partir d'une métaphysique nouvellereposant sur deux principes : l'existence d'un moi rationnel et libre, l'existence d'un esprit infini, Dieu libre créateur de toute vérité et detoute chose.La générosité est la prise de conscience de cette double transcendance de l'esprit humain et de l'esprit divin, et donc l'éminente valeurd'un libre arbitre capable de s'élever au-dessus de toute détermination.

Quelles que soient les qualités ou les défauts des uns et desautres, elles sont de peu d'importance en comparaison du libre arbitre qui nous rend semblables à Dieu (« en quelque façon » car laliberté humaine n'est pas créatrice).

Par la générosité, tous les sujets moraux peuvent être égaux.La générosité n'implique pas nécessairement une connaissance objective, technique, des conditions et des résultats de l'action ; etl'expression célèbre du Discours de la méthode : « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature », n'est pas une maxime demorale. La passion donne l'élan.

Rien de grand dans le monde ne pourrait se faire sans passion. Lorsque nous considérons ce spectacle des passions et les conséquences de leur déchaînement, lorsque nous voyons ladéraison s'associer non seulement aux passions, mais aussi et surtout aux bonnes intentions et aux fins légitimes, lorsquel'histoire nous met devant les yeux le mal, l'iniquité, la ruine des empires les plus florissants qu'ait produits le génie humain,lorsque nous entendons avec pitié les lamentations sans nom des individus, nous ne pouvons qu'être remplis de tristesse à lapensée de la caducité en général.

Et étant donné que ces ruines ne sont pas seulement l'oeuvre de la nature, mais encore de lavolonté humaine, le spectacle de l'histoire risque à la fin de provoquer une affliction morale et une révolte de l'esprit du bien, sitant est qu'un tel esprit existe en nous.

On peut transformer ce bilan en un tableau des plus terrifiants, sans aucune exagérationoratoire, rien qu'en relatant avec exactitude les malheurs infligés à la vertu, l'innocence, aux peuples et aux Etats et à leurs plusbeaux échantillons.

On en arrive à une douleur profonde, inconsolable que rien ne saurait apaiser.

Pour la rendre supportable oupour nous arracher à son emprise, nous nous disons: Il en a été ainsi; c'est le destin; on n'y peut rien changer ; et fuyant la tristesse de cette douloureuse réflexion, nous nous retirons dans nos affaires, nos buts et nos intérêts présents, bref, dans l'égoïsme qui,sur la rive tranquille, jouit en sûreté du spectacle lointain de la masse confuse des ruines.

» HEGEL « Les inclinations et les passions ont pour contenu les mêmes déterminations que les sentiments pratiques et, d'un côté, elles ontégalement pour base la nature rationnelle de l'esprit, mais, d'un autre côté, en tant qu'elles relèvent de la volonté encoresubjective, singulière, elles sont affectées de contingence et il apparaît que, en tant qu'elles sont particulières, elles se comportent,par rapport à l'individu comme entre elles, de façon extérieure et, par conséquent, selon une nécessité non-libre. La passion contient dans sa détermination d'être limitée à une particularité de la détermination-volitive, particularité dans laquellese noie l'entière subjectivité de l'individu, quelle que puisse être d'ailleurs la teneur de la détermination qu'on vient d'évoquer.

Mais,en raison de ce caractère formel, la passion n'est ni bonne ni méchante ; cette forme exprime simplement le fait qu'un sujet a situétout l'intérêt vivant de son esprit, de son talent, de son caractère, de sa jouissance, dans un certain contenu.

Rien de grand ne s'estaccompli sans passion ni ne peut s'accomplir sans elle.

C'est seulement une moralité inerte, voire trop souvent hypocrite, qui sedéchaîne contre la forme de la passion comme telle. [...] La question de savoir qu'elles sont les inclinations bonnes, rationnelles, et quelle est leur subordination, se transforme enl'exposé des rapports que produit l'esprit en se développant lui-même comme esprit objectif.

Développement où le contenu del'ipso-détermination [Cette expression spécifie que l'esprit se réalise et se détermine lui-même selon des lois rationnelles] perd sa contingence ou son arbitraire.

Le traité des tendances, des inclinations et des passions selon leur véritable teneur est doncessentiellement la doctrine des devoirs dans l'ordre du droit, de la morale et des bonnes moeurs.

» HEGEL. Hegel met ici en évidence la contradiction apparemment inhérente aux passions : elles semblent à la fois provenir de l'individu lui-même qui vise ses intérêts particuliers, et obéir à un ordre rationnel et général, extérieur à l'individu et même contraire à sesintérêts.

Un tel paradoxe soulève la question de la liberté ou de la détermination de nos comportements.

Ce problème, ici posé, estégalement examiné sous l'angle du sens de l'Histoire. Auparavant, Hegel écarte toute approche purement moralisante des passions (en termes de bien ou de mal), mais en dégage la fonction éminemment positive.

Il reprend à cet effet la formule d' Helvétius : « Rien de grand...

».

Indépendamment de toute considération éthique, l'auteur établit la nécessité des passions en tant que moteur de l'action.. »

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