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La pensée de la mort ou une invitation au bien-vivre

Publié le 15/01/2004

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J.-C. « Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les opinions tranchées qu'ils ont sur les choses; par exemple, la mort n'a rien d'effrayant, [...] mais c'est l'opinion tranchée selon laquelle la mort est effrayante qui est elle-même effrayante. » Épictète, Manuel, vers 130 apr. J.-C. « La mort, si nous voulons nommer ainsi cette irréalité, est la chose la plus redoutable. » Hegel, La Phénoménologie de l'Esprit, 1807. « Ce qui, pour l'homme, est le principe de tous les maux et de sa bassesse d'âme et de sa lâcheté, ce n'est pas la mort, mais bien plutôt la crainte de la mort.

« A.

La mort ne peut faire partie de mes projets • À l'encontre de Heidegger, Sartre montre que la mort n'est pas un possiblesusceptible d'être attendu, désiré, ni même réalisé.

Toute conscienceassurément est projet, visée d'un futur.

Mais ma mort peut-elle êtreconsidérée comme l'un de ces possibles vers lesquels je me projette ? En fait,parce que ma mort met un terme à ma conscience, elle est en dehors et au-delà de cette conscience.

Elle m'échappe exactement au même titre que manaissance.

Ma mort ne m'appartient pas ; elle ne donnera à ma vie son sensdéfinitif que dans la conscience d'autrui qui me jugera.

« Être mort, c'est êtreen proie aux vivants », écrit Sartre dans L'Être et le Néant (1943).• On pourrait penser que ce caractère imprévisible et totalement extérieur dela mort disparaît dans le suicide.

Là du moins, le mortel choisit lui-même lemoment et la façon de mourir, à tel point que les stoïciens, notammentSénèque, voyaient dans la possibilité du suicide le signe même de la liberté del'homme.

Pour Sartre pourtant, la mort ne saurait être une figure de maliberté.

Même dans le cas du suicide, ma mort ne m'appartient pas car leprojet du néant est un projet inimaginable, très exactement un anti-projet, unnéant de projet.

C'est par une sorte d'illusion que le candidat au suicide croitvouloir quelque chose, car du suicide lui-même ne résulte que la fin de tousles projets, de tous les possibles. B.

La valeur de la vie • Les philosophies dont nous avons parlé jusqu'à présent opposent radicalement pensée de la vie et pensée de lamort.

Ou bien on médite sur la vie, et l'on croit devoir ajouter – au mépris de la condition humaine et de l'expérienceconcrète – que la mort n'est rien, ou bien on médite sur la mort, et cette pensée envahit tout, ôtant à la vie toutesignification, rendant notre existence absurde.

Mais on peut concevoir une attitude philosophique selon laquelleméditation sur la vie et méditation sur la mort, loin de s'exclure, ne prendraient leur sens que l'une par l'autre. • Tout d'abord, la pensée de la mort ne saurait empêcher le philosophe de vivre et de bien vivre.

Notre temps estlimité, mais il s'agit pourtant de savoir comment nous allons l'utiliser pour le mieux.

Toute vie pleinement vécueimplique un certain risque de mort conscient et assumé.

Celui qui voudrait fuir tous les risques de mort et seréfugierait dans une existence étroite, douillette et calfeutrée, oublierait précisément de vivre.

Finalement, la vie n'ade sens et de prix que parce que nous ne disposons que d'un temps fini, donc susceptible d'être organisé.

Chezl'homme, la conscience d'être mortel n'est pas autre chose qu'une invitation à construire pour autrui et pour soi-même l'existence la plus belle et la plus pleine. « Philosopher c'est apprendre à mourir.

» Montaigne, Essais, 1580-1588. Montaigne prône ici la « pré-méditation » de la mort.

Pour combattre la crainte qu'elle suscite en nous, il fautl'apprivoiser, nous faire à son idée, nous habituer à elle : «N'ayons rien si souvent en tête que la mort », dit-il plusloin. « La préméditation de la mort est préméditation de la liberté.

Qui a appris à mourir, il a désappris à servir.

»Montaigne, Essais, 1580-1588.S'accoutumer à l'idée de notre propre mort, c'est nous libérer de la frayeur qu'elle nous inspire.

Ainsi, apprendre àmourir, c'est proprement nous libérer progressivement de la servitude en laquelle nous tient la crainte de la mort. « Un homme libre ne pense à aucune chose moins qu'à la mort; et sa sagesse est une méditation non de la mortmais de la vie.

» Spinoza, Éthique, 1677 (posth.) « On ne cesse de penser à la mort qu'en cessant de penser.

» Marcel Conche, La Mort et la Pensée, 1973. « Que la mort, l'exil et tout ce qui te paraît effrayant soient sous tes yeux chaque jour; mais plus que tout, lamort.

Jamais alors tu ne diras rien de vil, et tu ne désireras rien outre mesure.

» Épictète, Manuel, vers 130 apr. J.-C. « En s'occupant de philosophie comme il convient, on ne fait pas autre chose que de rechercher la mort et l'état. »

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