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Pensez-Vous Que La Fonction Essentielle Des Comédies Soit De Faire Rire ?

Publié le 23/11/2010

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*La scène est *donc *un moyen d'expression aussi bien *gestuel* (les acteu*rs) *qu’*intellectuels (les répliques) où l'auteur peut exprimer ses idées* et *sa vision *de la société* plus ou moins indirectement. 

 Aujourd’hui comme hier, le rire fait partie de notre quotidien. Besoin vital, tout aussi bien pour notre corps que pour notre esprit, il est indispensable à tout être pour trouver un équilibre, une stabilité. Ce rire, qu’il soit gras, nerveux, moqueur, jaune, peut être déclenché par plusieurs facteurs : de la situation rocambolesque, en passant par le simple jeu de regards, au one man show de notre époque jusqu’à la littérature et au théâtre. On peut distinguer en littérature différents types d’ouvrages qui prêtent à rire ou tout du moins à sourire tels que le pamphlet, la satire et autres œuvres polémiques ou tout simplement burlesque à la manière du Pantagruel de Rabelais. En revanche, on peut distinguer au théâtre un genre qui se définit par sa capacité à faire rire le lecteur ou le spectateur : la comédie. 

Par ailleurs, que la comédie fasse rire, tout le monde s’accorde à le dire, toutefois, ce rire peut ne pas être gratuit et revêtir différentes fonctions et enjeux. Elle peut par exemple, châtier les mœurs en riant. 

Dans quelles mesures y parvient-elle et est-ce là sa seule fonction ? 

Nous verrons dans un premier temps le genre théâtral comique, sa fonction première, son originalité puis nous étudierons l’utilisation de la comédie comme moyen de dénonciation des mœurs et enfin nous essaierons de voir quelles sont les limites et l’impact de la comédie de nos jours. 

 

La comédie existe depuis l’antiquité, c’est un genre théâtral ancien qui a toujours trouvé sa place dans le cœur des lecteurs et spectateurs. 

Le premier auteur comique que l’histoire connaisse est grec : il s’appelait Epicharme. L’on retiendra des comédies grecques, les onze retrouvées d’Aristophane et Le Dyscolos, de Ménandre comme les plus connues. La comédie est apparue peu après la tragédie, elle aussi à l’occasion des fêtes données en l’honneur de Dionysos chez les grecs où l'on pouvait entendre, dans les cortèges burlesques des plaisanteries et des chansons. Ces manifestations spontanées ont fait place après quelques temps à des représentations plus organisées, des farces, des pantomimes: c'est ainsi qu'est né le théâtre populaire. La comédie reste cependant pendant longtemps un théâtre lié fortement à la tradition populaire. La comédie a connu à travers l’histoire de nombreuses variantes, du mime romain aux mystères, qui mettent en scène, sous la forme d’épisode avec des effets spéciaux, la vie des saints ou des martyres à la farce Moyenâgeuse. 

On appelle comédie une pièce de théâtre qui possède un dénouement heureux et pour la plupart, s’accapare des différentes formes de comique. Comique de situation misant sur le quiproquo: par exemple dans Le Mariage De Figaro, de Beaumarchais, le jeu de renversement des rôles de Suzanne et de la comtesse pour tromper le comte entraîne des nombreux renversements de situation qui ne correspondent pas à l’effet recherché par les deux dames : « Figaro, à part, entendant le baiser. J’épousais une jolie mignonne « (acte V, scène 6) tandis que le spectateur sait que c’est le comte qui reçoit le baiser et non Suzanne. Ou bien misant sur l’absurde, le côté drôle d’une situation qui ne l’est pas, par exemple, dans Le Tartuffe, de Molière, lorsque Orgon est caché sous la table et que le spectateur le voit pâlir tandis qu’apparaissent au grand jour les intentions de son « ami «. Il existe également le comique de mot basé sur les calembours, le patois etc. ou bien encore le comique de caractère (et de répétition) : la caricature est tellement poussée dans l’extrême qu’elle en devient drôle. On peut bien sur citer dans ce cas l’Avare de Molière. 

On peut aussi citer le comique de geste, cependant, celui-ci se retrouve essentiellement dans la Commedia Dell’Arte, apparu au 16e siècle. C’est un théâtre populaire originaire d’Italie, qui apporte du renouveau (ou peut-être pas, les grecs utilisant des masques pour jouer dans l’antiquité) en jouant avec des masques. Les comédiens improvisaient leurs textes à partir d’un canevas. On y retrouve des personnages récurrents dans les comédies, comme l’arlequin, personnage joyeux, bon vivant, drôle par sa lourdeur et sa maladresse que l’on retrouve dans L’île des Esclaves de Marivaux, ou bien le Sganarelle, repris souvent par Molière qui s’est beaucoup inspiré de ce théâtre. Il existe d’autres procédés d’humour comme l’ironie, très usité dans toutes les comédies, les figures de rhétoriques, la dérision… 

La comédie met en scène des personnages du peuple, à l’inverse de la tragédie qui met en scène des personnages de la noblesse. Cependant, ces deux types de théâtre se rejoignent car ils permettent la catharsis, à savoir, selon Aristote, « la purgation des passions «. Par « empathie «, le spectateur réagit devant une action souvent absurde ou désespérée. La comédie peut-être considérée comme un « remède plus efficace que toutes les leçons de morale car elle permet de prendre une distance par rapport aux conflits et tensions de la vie « 

La tragédie montre « la marche du Destin: le spectateur ne juge pas l'action ou les héros mais apprécie l'intensité du drame existentiel qui se déroule devant ses yeux. « 

La comédie a donc également le rôle de libérateur. En se mettant dans la peau de l’acteur, le spectateur oublie les tracas quotidiens et relativise ce qui peut apparaître à chacun comme une situation dramatique ; la comédie peut donc avoir une fonction de dédramatisation et de relaxation par ce que l’on pourrait appeler dans ce cas, la thérapie du rire. 

C’est le même rôle que celui de la tragédie, qui remplit la même fonction, à savoir dédramatiser le quotidien. Cependant, cette fois-ci, en montrant un héros écrasé par son destin inéluctable, le spectateur se sent comme écrasé par le poids du sort et oublie ses propres soucis pour se concentrer sur ceux du comédien. 

 

Toutefois, là où la comédie se distingue de la tragédie, c’est dans sa capacité à châtier les mœurs, à dénoncer les travers de la société de l’époque et à proposer des modèles. 

La comédie, dont la devise est « castigat ritendo mores « (elle corrige les mœurs en riant), semble avoir pour but la critique de la société sans pour autant le laisser paraître. D’ailleurs, cette « propriété « apparaît dès la naissance de ce genre, au IV e avant JC chez Aristophane qui l’a initiée en dénonçant le pouvoir de l’argent. 

Depuis la Commedia dell’Arte (fin XVII) aux auteurs les plus récents tels que Feydeau (1862 – 1921) et Giraudoux (1882 – 1944), on remarque que le rire est très présent dans la comédie (ce qui semble normal étant donné le fait que les fêtes données en l’honneur de Dionysos devaient divertir le peuple, et les pièces représentées – des comédies- étaient de type burlesque).En outre, ce rire est provoqué par le simple fait de tourner en dérision les différentes classes sociales, ou certains individus. 

On peut constater par exemple qu’il existe de nombreuses comédies faisant une critique sociale, voire politique. On pourrait citer Le Mariage de Figaro de Beaumarchais, qui dénonce l’abus de pouvoir des maîtres sur leurs servants, et plus largement, le manque de liberté qu’ils revendiquent. Ceci se traduit dans son œuvre par la mise dans une situation ridicule de son ancien ami, le comte Almaviva qui veut « profiter « de la femme de Figaro qui est une de ses servantes : «Mais tu sais tout l’intérêt que je prends à toi. Bazile ne t’a pas laissé ignorer mon amour. « (Scène 8 acte I). On ne peut évidemment pas oublier de citer l’île des Esclaves de Marivaux où la dénonciation est d’autant plus évidente qu’elle est le moteur de la pièce, les rôles entre maîtres et esclaves sont inversés, cependant, non pas dans un but de vengeance, mais dans un but de compréhension mutuelle des différentes parties pour améliorer le quotidien de chacun, comme le dit si bien Trivelin : "Vous avez été leurs maîtres, et vous avez mal agit ; ils sont devenus les vôtres et ils vous pardonnent ; faîtes vos réflexions là-dessus. La différence des conditions n'est qu'une épreuve que les dieux font sur nous". La dénonciation est ici mise en avant grâce en particulier au personnage d’Arlequin, récurrent dans la Commedia Dell’Arte et utilisé ici pour montrer, peut-être, que les serviteurs sont meilleurs que leurs maîtres. C’est par ailleurs belle et bien une comédie, car même si la situation des personnages et Cleanthis rappellent la tragédie grecque, la fin amène le retour à l’ordre, et non au chaos. 

Toutefois, dans toutes les comédies que l’on peu trouver, nombreuses sont celles qui critiquent la religion. En commençant par Le Tartuffe, de Molière qui met en scène un manipulateur, se faisant passer pour un dévot et arnaquant le patriarche de la famille, Orgon, pour lui voler ses biens. Cette pièce a soulevé de nombreuses polémiques à sa sortie de la part des dévots. Molière savait pertinemment qu’il existait des vrais dévots, mais aussi que d’autres profitaient de la dévotion pour manipuler, et c’est cette catégorie qu’il cherchait à dénoncer. De plus, cette comédie est extrêmement riche, car elle cache également une critique sociale de la famille et une critique de caractères. A la manière de Tartuffe, Dom Juan est l’autre pièce de Molière qui a soulevé nombres débats car son personnage principal est un athée qui ne croit en rien ; il meurt cependant à la fin de la pièce, mais on pourrait y voir là une intervention de Molière pour ne pas subir de censure et de représailles en laissant la « bienséance commune « triomphée. 

Cependant, avec cette œuvre, Molière s’attaque également à une dénonciation de ce que l’on pourrait appeler les caractères. Du coureur de jupons au « plus grands des scélérats que la terre ait jamais connu « selon son valet Sganarelle, Dom Juan cumule les fautes. L’auteur dénonce ici les mœurs « libertines « de son époque, mais surtout l’hypocrisie, la manipulation, la tromperie qui sont des défauts inhérents à certains hommes. Les Précieuses Ridicules, du même auteur, axe cette fois ci la dénonciation sur une caractéristique bien précise : le vice social, à savoir tout faire pour le paraître et non pour l’être. Les Précieuses cherchent tellement à rentrer dans le moule de la grande société et à l’amplifier, qu’au final, elles se retrouvent non seulement ridicules, mais en plus superficielles. On pourrait citer encore moult œuvres tel que L’Avare de Molière, ou seule l’avarice est mise en jeu, de manière remarquable par ailleurs, toujours de Molière, ou encore On ne badine pas avec l’amour, d’Alfred De Musset, qui met ici en évidence la manipulation et dont le titre annonce déjà les intentions de l’auteur, on ne joue pas avec les sentiments. 

Cependant, ces mêmes comédies, pour la plupart éponyme de leur personnage principal, support de la dénonciation par l’auteur, n’auraient-elles pas une manière éducative ? 

En effet que ce soit Tartuffe, L’Avare, Dom Juan, Les Précieuses Ridicules de Molière, On ne badine pas avec l’amour, d’Alfred De Musset etc., tous montrent des modèles à ne pas suivre et finalement, laissent transparaître la vision de l’auteur sur les défauts qu’il ne faut pas posséder. En nous montrant des personnages hypocrites, radins, mégalomanes, narcissiques, superficiels, manipulateurs, l’auteur montre des modèles à ne pas suivre pour favoriser ce qu’on pourrait qualifier d’un retour à l’ordre, en enseignant la vertu par le vice. L’ordre familial dans Tartuffe et Le Malade Imaginaire, et l’ordre social dans Tartuffe et Dom Juan ou la mort du héros, dans ce dernier, donne raison à ses victimes. On peut donc assimiler la comédie, surtout au XVII à nos médias d’aujourd’hui, c'est-à-dire un moyen large de diffusion d’idées mais aussi d’avis tout en évitant la censure ou la prison grâce au support employé. 

 

En effet, si l’impact de la comédie a été extrêmement fort durant de nombreux siècles, on peut se poser la question de son utilité de nos jours. Certes, elle fait toujours rire et n’a pas été oublié du monde, comme le montre les nombreuses réadaptations, aussi bien écrites que télévisés, comme par exemple celle de l’Avare, interprété par le très bon Louis de Funès, mais son utilité s’en ai vu amoindri. Elle est désormais réduite essentiellement à faire rire et peut-être à rappelé les tard d’autre pour éviter de les reproduire. Elle a peu à peu disparu dans sa fonction de dénonciation au profit de la presse, grâce à la liberté d’expression et d’opinion, qui a permis à cette dernière de dire tout haut ce que les comédies dénonçaient par le rire. De plus la comédie n’était pas toujours objective, par exemple dans Les Précieuses Ridicules, la dénonciation des salons n’est pas objective, en effet ces Salons où on se piquait d'écrire et de parler ainsi que Molière le travestit en exagérant, ont aussi été les lieux où s'est élaboré une réflexion sur la langue, la fixation de l'orthographe, la défense de la conjonction "car" etc. Donc ce "châtiment" est disproportionné par rapport à la "faute". De plus, avec l’apparition de critique dans tous les genres, comme Stéphane Guillon, on peut se demander s’il y a un réel intérêt à dire tout bas dans une comédie ce que l’on cri tout fort sur nu plateau télé. 

 

La comédie est un genre théâtrale antique qui a perduré dans l’histoire par ses nombreuses fonctions et ses différents enjeux: faire rire, divertir, permettre l’évasion, la purgation des âmes et des esprits, châtier les mœurs, dénoncer les travers de la société, éduquer, changer la société … Cependant, on est en droit de penser que le siècle qui a vu se développer de manière important la comédie en France et en Europe reste le XVII, et que Molière en est un des piliers. De plus, on peut constater qu’avec les nouveaux médias du vingtième et vingt et unième siècle, qui permettent une diffusion de masse, donc plus large et plus facile d’accès, de manière libre grâce à la liberté d’expression et d’opinion, « écrasent « désormais l’enjeux principal qu’était celui de la comédie : à savoir châtier les mœurs. 

Avec l’arrivé des comiques et des imitateurs qui présentent désormais leur one man show à la Elie Semoun, Gad Elmaleh et autres, n’y a-t-il pas la possibilité d’un avenir pour une autre forme de comédie, plus moderne ?

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