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La personne peut-elle se concevoir comme détachée de son milieu et de ses relations avec les autres ?

Publié le 26/03/2004

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Tout au plus pouvons-nous prendre acte de ce fait : il ne semble pas que, dans le concret, aucune personne ait jamais réalisé l'isolement absolu. Mais le problème posé se situe dans l'abstrait : peut-on abstraitement concevoir la personne comme isolée du reste du monde ? Autrement dit : le concept de « personne isolée » est-il contradictoire ? La question se situant ainsi sur le plan logique, il importe de déterminer avec précision la notion de personne. *** Si nous nous en tenons à la définition scolastique : Persona proprie dicitur naturae rationalis individua substantia (le terme de personne désigne proprement la substance individuée d'une nature raisonnable), nous ne pourrons, semble-t-il, rien tirer de là qui puisse nous aider à conclure. On ne voit pas, en effet, de quel droit nous, interdirions à cette substance individuelle de se passer d'autres substances de même sorte. Pour être elle-même, elle n'a, semble-t-il, qu'à demeurer dans l'individualité qui la constitue. Remarquons cependant combien cette définition abstraite de la personne est pauvre. En vérité, ce n'est qu'une description toute extérieure d'une réalité que nous devinons infiniment plus riche. La personne, étant ainsi considérée comme un objet de spéculation, ne découvre pas son mystère intérieur.

« *** C'est qu'en effet, les philosophes modernes, à la suite de DESCARTES, ontrenversé le pôle d'attraction de la philosophie.

Tandis que, depuis les Grecs,l'explication du monde extérieur semblait l'objet premier de la philosophie, pourles modernes le monde extérieur étant devenu beaucoup plus le domaine dessciences spécialisées, les penseurs se sont tournés vers le monde intérieur, lemonde de la conscience.

A la suite de ce renversement des positions, lanotion de personne a pris une valeur toute différente.

Tandis qu'auparavant lephilosophe, avant tout observateur curieux de la nature et de ses causes, neparlait de la personne que comme d'un objet de sa contemplation, commed'un être extérieur à soi, alors même qu'il avait en vue sa propre personne,instruits par la nouvelle orientation de leurs recherches, ses successeursvoient avant tout dans la personne leur propre moi avec toutes ses richesseset son mystère.

C'est en ce sens que KANT prescrit : «Traite toujours lapersonne en toi et en autrui comme une fin et non comme un moyen.

»Dans ce nouveau contexte, la personne nous apparaît d'abord commeconscience de soi, et notre question revient à la suivante : « La consciencede soi peut-elle s'établir dans l'isolement absolu ? » M.

NEDONCELLE, dansl'ouvrage que nous avons cité plus haut, répond :« La personnalité n'est pas déterminée avec précision quand on se contentede dire qu'elle réside dans la conscience de soi; elle en exige une formespéciale : celle qui consiste à avoir conscience de soi au moins virtuellementen autrui et à avoir conscience d'autrui en soi.

»Le P.

BRUNNER déclare de son côté : « La personne vit toujours dans un inonde peuplé d'autres personnes...

Mêmeen nous retirant en nous-mêmes, nous ne sommes jamais seuls.

Si nous n'emportions avec nous que le langage quinous permet de nous parler à nous-mêmes — et penser, qu'est-ce sinon parler ? — tout un monde, un mondehumain nous accompagnerait jusqu'à l'isolement le plus pariait imaginable.

Nous sommes toujours en dehors et au-delà de nous.

C'est là une note essentielle de la personne humaine.

» HEGEL déclarait déjà lui aussi : « C'est lepropre de la personne, du sujet, de rejeter son isolement...

Le vrai de la personnalité, c'est de se gagner en seperdant en l'autre, en étant absorbé par lui.

»Ces formules, pour communes qu'elles soient devenues de nos jours, peuvent néanmoins sembler paradoxales.Essayons de les entendre.

La personne, avons-nous dit, est avant tout conscience de soi.

Mais qui dit « consciencede soi » dit en même temps « liberté ».

La conscience, en effet, ne nous apparaît pas comme un enregistreurautomatique de sensations et d'idées.

L'être conscient a la possibilité de s'assumer soi-même, de devenir ce qu'ilveut être.

La conscience n'est pas une transparence pure, elle est une activité lucide.

Cette possibilité de créationsuppose évidemment choix et liberté, sinon elle ne serait qu'une illusion.

Or, pour que ce choix et cette libertéexistent réellement, il faut qu'ils se réalisent par des actes, il faut donc qu'une matière soit fournie à leur exercice.Cette matière est précisément constituée par le milieu où vit la pensionne et par autrui.

Ainsi, la conscience de soine peut exister et se déployer que parmi d'autres consciences et dans un milieu donné.

Ici apparaît la vérité de lapensée de HEGEL : « C'est le propre de la personne, du sujet, de rejeter son isolement...

» : la personne sera d'autant plus consciente de soi, d'autant plus personne, qu'elle sera plus libreet qu'elle exercera davantage cette liberté en s'ouvrant plus largement sur lemonde humain qui l'entoure et la pénètre.

Ici, d'ailleurs, l'expansion de lapersonnalité sera orientée par la rencontre d'autres personnes, saisies ellesaussi intuitivement comme des consciences libres, des sujets autonomesayant droit aussi à leur plein développement, vers l'amour, perte de soi-mêmeen autrui, qui est à la fois l'épanouissement des deux personnes dans leur donmutuel.

C'est dans cette perspective que le mariage prend sa haute dignitéhumaine.

C'est aussi dans cette ligne que peuvent se comprendre les parolesde l'Écriture : « II n'est pas bon que l'homme soit seul » et « Celui qui perdrason âme la trouvera...

». ***La personne ne peut donc pas se concevoir sans un milieu et sans, desrelations avec les autres.

Si nous pouvions en être détachés, nom ne serionsplus nous-mêmes.. »

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