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Peut-on s'affranchir de la conscience morale ?

Publié le 11/08/2004

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conscience

Kant présente la conscience morale comme un poids, une charge pénible dont l'homme pourrait désirer s'affranchir (sans que ce désir soit pour autant, selon Kant, légitime).    La question est donc plutôt de savoir si cet affranchissement est "pratiquable", dans l'hypothèse où il serait souhaitable.    Le texte de Kant montre bien comment il est possible de se libérer, ponctuellement et partiellement, de la voix intransigeante de la conscience, ou plutôt de sa vivacité : je peux en étouffer les échos, je peux ne pas m'en "soucier", mais je ne peux pas cesser de "l'entendre".    C'est qu'en effet, je ne suis homme qu'autant que je possède une conscience de moi-même, donc une faculté de réfléchir et de critiquer mes actes, impliquant la nécessité d'en répondre, c'est-à-dire le fait même de ma responsabilité.    C'est là ce que Rousseau nomme la conscience, "ce principe inné de justice et de vertu" sur lequel nous jugeons, malgré nos propres maximes, nos actions et celles des autres.    Et puisque la présence de la conscience est la condition même de l'humanité, le divertissement ne peut m'en détourner définitivement, sauf à renoncer à mon humanité.    Mais cela même, sauf événement pathologique radical, est-il en mon pouvoir ? Suis-je libre de cesser d'être un homme ?

La conscience morale peut se comprendre comme cette voix intérieure, ce tribunal intérieur, nous faisant comprendre et ressentir qu’une action est bonne ou mauvaise. En ce sens, elle est une morale intuitive et intérieure voire personnelle. Elle guide l’ensemble de nos actions. La conscience morale est individuelle. Elle est un frein et une contrainte à l’ensemble de nos désirs et de nos pulsions. Cependant, elle n’est pas une loi dont nous ne pouvons pas nous affranchir comme le montre les personnages de Sade dans la Philosophie dans le boudoir. En effet, la conscience morale n’est d’une certaine manière que l’ensemble des règles et des codes de la société que nous avons intégrés et intériorisés tel le surmoi. Ainsi, s’il apparaît possible de s’en affranchir, la question est de savoir si l’on peut s’en affranchir définitivement, c’est-à-dire si ce que l’on pourrait appeler un monstre immoral peut exister d’une perversité absolue. Si individuellement il semble que l’on peut s’affranchir de la conscience morale il n’en reste pas moins que ces règles ont un sens et un but : celui de vivre en société, en paix. Dès lors, s’il est possible à la rigueur de parler de « vices privés et de vertus publiques «, il n’en reste pas moins que cette conscience morale ne peut pas être abolie absolument. 

  • I. S'affranchir de sa conscience morale est à la fois impossible et illégitime.
  • II. S'affranchir de sa conscience morale pour devenir "majeur" cad "autonome".
  • III. S'affranchir de sa conscience morale pour créer ses propres valeurs.

 

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« Kant définit les "Lumières" comme un processus par lequel l'homme,progressivement, s'arrache de la "minorité".

L'état de "minorité" est un état dedépendance, d'hétéronomie (1).

Dans un tel état l'homme n'obéit point à la loiqu'il s'est lui-même prescrite mais au contraire vit sous la tutelle d'autrui.Altérité aliénante empêchant l'individu de se servir de son propreentendement.

Autrement dit, le principe d'action subjectif de l'individu n'estplus sa propriété, son oeuvre propre mais l'oeuvre d'un autre.

Que l'on songeici aux implications politiques d'un tel renoncement à la pensée et à l'action.Tous les despotismes n'ont-ils pas pour soubassement l'abdication des sujetssoumis? Et à Kant d'imputer la "faute" (morale) et non l'erreur(épistémologique) que constitue l'état de minorité non point aux oppresseurs(de quelque nature fussent-ils) mais à ceux qui consentent à leur autorité, àceux qui par lâcheté, par "manque de décision et de courage" laissent leurentendement sous la direction de maîtres, de tuteurs.

Ici, Kant rejointRousseau et sa scandaleuse affirmation au chapitre 2 du "Contrat social":"Aristote avait raison, mais il prenait l'effet pour la cause.

Tout homme nédans l'esclavage naît pour l'esclavage, rien n'est plus certain.

Les esclavesperdent tout dans leurs fers, jusqu'au désir d'en sortir; ils aiment leurservitude comme les compagnons d'Ulysse aimaient leur abrutissement.

S'il ya donc des esclaves par nature, c'est parce qu'il y a eu des esclaves contrenature.

La force a fait les premiers esclaves, leur lâcheté les a perpétués."Mais ne nous y trompons point, il ne s'agit , ni pour Rousseau, ni pour Kant, de légitimer le fait de l' "esclavage" ou de la "minorité", mais, de réveiller les consciences de leur somnambulisme durenoncement, de leur léthargie de l'acceptation de l'inacceptable.La maxime des Lumières est de susciter cette reprise en mains de soi par soi, et ce, en accomplissant cet acte decourage de "penser par soi-même" en toutes les circonstances de l'existence: "Sapere aude !", "Ose te servir de tonentendement ! ". II.

S'affranchir de sa conscience morale pour devenir "majeur" cad "autonome". • La rupture avec des conventions morales relatives jusqu'ici considérées comme absolus ne se fait pas sansdifficultés.

C'est pourtant la condition de toute pensée autonome cad authentiquement libre.

De même quel'adolescent devient adulte en rompant, au moins symboliquement, avec l'autorité parentale, de même, la philosophies'inaugure par une remise en question des préjugés et des codes moraux reçus comme des valeurs iniscutables.

Quel'on songe ici à l'entreprise radicale d'un Descartes qui rompt avec les préjugés et des traditions de son temps pourfonder une nouvelle vision du monde et de l'homme. • L'affranchissement de la conscience morale ambiante devient du coup la condition de la moralité authentique.Dans la Généalogie de la morale, Nietzsche montre ainsi que, sous couvert de représenter des valeurs indiscutables,les notions de bien et de mal ont été forgées par les faibles pour s'asservir les forts.

Deleuze a commentéremarquablement Nietzsche en faisant valoir que si la morale aristocratique (dont Nietzsche se réclame) s'énonce « je suis bon donc tu es méchant », la morale des esclaves et des décadentsse délivre par « tu es méchant donc je suis bon ».La première formule débute par une pleine affirmation de soi, une auto-exaltation, dont le « tu es méchant » n'est que la conséquence.

Lesesclaves, les faibles se reconnaissent à ce qu'ils ré-agissent, sont deshommes du ressentiment et de la vengeance.

Pour parvenir à se supportereux-mêmes, ils ont besoin de s'opposer à d'autres.Ainsi, ils commencent par poser l'autre comme « méchant », et c'est parcequ'ils ne supporter pas l'autre qu'ils se nomment « bons ».

Le caractère de «bon » n'est pas ici une affirmation de soi, mais une réaction, la marque duressentiment, de la vengeance, devant autrui.La morale des esclaves ayant triomphé de la morale aristocratique desmaîtres.

Ce qui engendre une inversion des valeurs.

Les valeurs affirmativesd'actions, de conquêtes, d'extériorisation...

sont dévaluées (méchanceté,brutalité, vanité...) et remplacées par les valeurs nihilistes de passivité,d'adaptation, d'intériorisation...

Le prêtre est le grand artiste du ressentimentqui, par la mystification d'un Dieu et d'un monde suprasensibles, déprécie lavie et assurer le triomphe de l'existence réactive.D'où la nécessité de procéder à une "transvaluation des valeurs", às'affranchir de la conscience morale, de la culpabilité, du ressentiment. • Même si cela est difficile, l'homme doit donc s'affranchir de la consciencemorale comprise comme ensemble de règles de conduite seulement reçues et dictées de l'extérieur (hétéronomie).Cela ne signifie pas qu'il faille sombrer dans l'amoralisme ou l'immoralisme.

Mais cela implique qu'il n'y ait de moraleauthentique que pour un individu autonome (auto-nomos), capable d'en comprendre et d'en justifier le bien-fondé.. »

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