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Peut-il y avoir de mauvais usages de la raison ?

Publié le 19/01/2004

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Selon lui, en effet, les concepts morcellent le réel en rompant l'unité concrète des objets qui le composent ; en outre, ils déforment ce réel en rendant communes à une infinité de choses des propriétés singulières, et en réunissant dans leur extension et leur compréhension des objets et des éléments incompatibles entre eux ; enfin, ils figent l'écoulement continu de la réalité qui est essentiellement fluide et mouvante. ■ Dans ces conditions, explique W. James, « rendre la vie intelligible au moyen des concepts, c'est arrêter son mouvement pour la découper comme avec des ciseaux, et pour en immobiliser les morceaux dans notre herbier logique où, les comparant entre eux comme des spécimens desséchés, nous pouvons établir lesquels, au point de vue statique, en impliquent ou en excluent d'autres, et lesquels, au même point de vue, sont impliqués dans les premiers ou exclus par eux ». Aussi, « au lieu d'être l'interprétation de la réalité, les concepts sont la négation absolue de tout ce qu'elle a d'intime » (Philosophie de l'Expérience, tr. Le Brun, 1910, p. 233 et 236). ■ Nietzsche va encore plus loin que Bergson en voyant dans la raison l'expression d'une crainte et d'une démission devant la vie. « La logique, observe-t-il, ne s'applique qu'à des entités fictives, créées par nous. La logique est une tentative de comprendre le monde réel d'après le schéma de l'Être que nous avons construit. » La raison, en effet, est une affirmation de l'Être contre le Devenir, de la supériorité du Même sur l'Autre, puisque être c'est rester le même, et devenir c'est être autre que ce qu'on était ; or le premier principe de la raison est le principe d'identité (« Ce qui est, est » ou « A est A »), et pour elle expliquer c'est identifier, c'est-à-dire ramener au même, l'inconnu au connu.

« Bergson a ainsi pu critiquer le concept et la logique du concept pur, tous deuxconstitutifs de la raison qui se définit comme la faculté de combiner logiquementdes concepts et des propositions.

Selon lui, en effet, les concepts morcellent leréel en rompant l'unité concrète des objets qui le composent ; en outre, ilsdéforment ce réel en rendant communes à une infinité de choses des propriétéssingulières, et en réunissant dans leur extension et leur compréhension desobjets et des éléments incompatibles entre eux ; enfin, ils figent l'écoulementcontinu de la réalité qui est essentiellement fluide et mouvante.

Dans ces conditions, explique W.

James, « rendre la vie intelligible au moyendes concepts, c'est arrêter son mouvement pour la découper comme avec desciseaux, et pour en immobiliser les morceaux dans notre herbier logique où, lescomparant entre eux comme des spécimens desséchés, nous pouvons établirlesquels, au point de vue statique, en impliquent ou en excluent d'autres, etlesquels, au même point de vue, sont impliqués dans les premiers ou exclus pareux ».

Aussi, « au lieu d'être l'interprétation de la réalité, les concepts sont lanégation absolue de tout ce qu'elle a d'intime » (Philosophie de l'Expérience, tr.Le Brun, 1910, p.

233 et 236).

Nietzsche va encore plus loin que Bergson en voyant dans la raison l'expressiond'une crainte et d'une démission devant la vie.

« La logique, observe-t-il, nes'applique qu'à des entités fictives, créées par nous.

La logique est unetentative de comprendre le monde réel d'après le schéma de l'Être que nous avons construit.

» La raison, en effet, est une affirmation de l'Être contre le Devenir, de la supériorité du Même surl'Autre, puisque être c'est rester le même, et devenir c'est être autre que ce qu'on était ; or le premier principe dela raison est le principe d'identité (« Ce qui est, est » ou « A est A »), et pour elle expliquer c'est identifier, c'est-à-dire ramener au même, l'inconnu au connu.

Cependant, selon Nietzsche, ce n'est pas l'Être qui constitue la réalité,mais le Devenir, Abîme où s'abolissent toutes choses, et qui exclut l'existence de vérités stables.

C'est la terreur del'homme devant ce Devenir que tente d'apaiser la raison en construisant un monde fictif de certitudes, celui de lascience : « A quoi sert, et, ce qui est pire, où vient toute science ? demande Nietzsche.

Hé quoi ! le goût de lascience ne serait-il que la peur du pessimisme et une feinte pour s'y dérober ? Une défense subtile contre la vérité ?Et, en termes de morale, quelque chose comme de la lâcheté et de la fourbe ? En termes d'amoralisme, une ruse ?(...) Ne se pourrait-il pas que la prédominance du rationnel, l'utilitarisme théorique et pratiques ne soient...

unsymptôme de force déclinante, de vieillesse approchante, de lassitude physiologique ?» (Textes cités par J.

Granier,Le problème de la Vérité dans la philosophie de Nietzsche, p.

66 et 81). B.

Une raison totalitaire et dangereuse Parce qu'elle es normative, la raison est aussi exclusive : elle rejette tout ce qui n'est pas elle comme faux,mauvais, sans valeur.

Prenons quelques exemples :Le désir et les passionsm La raison proclame qu'il convient de réprimer, d'annihiler les passions, ou du moins de les soumettre à son contrôle: elle pose que les passions ne sont que «maladies de l'âme», désordres et déchéance.

De même, elle appelle à lasuppression du désir, lequel précisément ne se satisfait jamais de l'être, de ce qui est, mais est continuellementrongé par l'appel de l'Autrement, de ce qui n'est pas.L'enfant, le fou Surtout tant qu'il ne parle pas, et donc qu'il ne raisonne pas, l'enfant est rejeté dans un monde inférieur,intermédiaire entre l'animalité et l'humanité, que la raison a longtemps considéré comme peu digne d'intérêt.Semblablement la raison repousse le fou et le met à l'écart de la société : M.

Foucault dans son Histoire de la Folie,a montré que le « grand renfermement » des malades mentaux dans des asiles est contemporain du rationalismecartésien.L'imagination, le mythe La raison voit dans l'imagination, selon le mot de Malebranche, « la folle du logis » ; elle condamne également lapensée mythique comme primitive et prélogique.

Ainsi, en refusant de prendre en considération tout ce qui lui est étranger, la raison se fait totalitaire, et construitdes mondes où elle règne seule.

Mais ces mondes sont des univers clos, plaqués sur le réel qu'ils veulent masquer,mondes sans vie ou allant contre la vie : tel est un des reproches majeurs qu'on a pu faire aux utopies politiques entant qu'hyperrationalisations du monde humain, destructrices de toute déviance, originalité, spontanéité, liberté.Par ailleurs, exclure ne signifie pas supprimer : ce que condamne la raison demeure, et souvent se retourne contreelle.

Dans sa critique du rationalisme classique, Freud a montré que ses désirs et passions sont essentiels à l'homme,mais qu'ils s'opposent au principe de nécessité (au travail) qui gouverne le progrès de la civilisation.

C'est pourquoila raison, comme intériorisation du principe de nécessité, doit refouler les désirs inadéquats à la vie sociale,notamment les pulsions d'agressivité.

La raison est ainsi instance de refoulement.

Or le refoulement n'est nullementla suppression des désirs, et la conscience est toujours menacée par un retour du refoulé, menant à la névrose ou àla psychose.

La raison, comme agent de refoulement, peut donc provoquer par son exercice même des désordresaux manifestations plus violentes encore que celles qu'elle se proposait initialement de maîtriser. 3.

RÉHABILITATION DE LA RAISON. A.

La raison critique d'elle-même Toutes les critiques qui ont été formulées contre la raison ne sont pas sans fondement.

Mais il faut remarquer. »

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