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Peut-on concevoir l'homme indépendamment du lien social ?

Publié le 02/04/2005

Extrait du document

Le passage par l'autre rend autre, altère, aliène. c) A l'état de nature, par contre, l'être humain est un animal solitaire. L'homme de l'état de nature est sans famille, sans Cité, sans langage, sans loi, innocent, étranger au travail. Asocial et asociable, il  n'est qu'un animal comme les autres, à cette différence près qu'il est libre. Il est donc aisé, d'après Rousseau, de concevoir ainsi l'être humain indépendamment du lien social. Transition : Cependant, le postulat rousseauiste de l'état de nature ne pose-t-il pas plus de problèmes qu'il en résout ?   L'insociable sociabilité. a) Le postulat rousseauiste de l'état de nature pose problème à bien des égards. Tout d'abord, il est impossible de le confronter aux faits puisqu'il est censé avoir eu lieu en des temps immémoriaux. D'autre part, jusqu'où peut-on considérer que cet homme à l'état de nature dont nous parle Rousseau a quelque chose à voir avec l'idée que nous nous faisons de l'homme ?

Analyse du sujet :

Homme : « Homme « est le nom commun qu'on donne à l'homo sapiens. Ce dernier est un  mammifère appartenant à l'ordre des primates. Il est doué d'intelligence et d'un langage articulé. Il se caractérise également par un cerveau volumineux et capable d'abstraction, ainsi que par des mains préhensibles et la station verticale. « Sapiens « est un adjectif latin qui signifie « intelligent «, « sage «, « raisonnable «, ou encore « prudent «. Le trait saillant qui définit l'homme semble donc être le fait qu'il serait un être vivant doué de raison. Cette hypothèse résulte d'une longue tradition philosophique qui a construit le concept d'humanité en opposition à celui d'animalité. Ainsi, on a tendance à considérer que l'homme se distinguerait du reste des créatures vivantes parce qu'il serait capable de pensée, de conscience de langage et de liberté, alors que les animaux n'en auraient pas la capacité. Cela confèrerait à l'homme une dignité particulière : seul d'entre les créatures à posséder la raison, il serait également le seul à pouvoir se représenter une fin, et à ce titre, il serait en lui-même une fin, c'est-à-dire une personne que l'on devrait respecter, et non pas une simple chose dont on pourrait disposer.

Société : La société renvoie habituellement à l'idée d'un regroupement d'individualités, structuré par des liens de dépendance réciproque, et évoluant selon des schémas réglés. On peut parler, de ce point de vue, de « sociétés animales « autant que de « sociétés humaines «. Les sociétés humaines diffèrent des sociétés animales en cela qu'elles seraient pourvues d'une histoire et qu'elles seraient régies par des institutions. Chez l'être humain, la question se pose de savoir si l'état de société renvoie à une disposition fondamentale de l'être humain ou si c'est seulement de l'extérieur que cet état s'impose à lui. En effet, autant il semble logique de considérer que l'être humain est naturellement sociable, autant cette conception apparaît partout contredite par les divers conflits et tensions de société. Cela pourrait nous pousser à imaginer que les sociétés ne soient pas des réunions naturelles, mais qu'elles résultent d'un processus historique fondé sur un pacte. Enfin, la société pose encore cette question : l'être humain se réalise-t-il plus complètement en société qu'en solitaire ? Permet-elle à l'individu de développer des penchants qui sans elle resteraient cachés, ou bien ne fait-elle que brimer ses aspirations en rompant le développement naturel de l'individu ?

 

 

Problématisation :

Considérer que l'homme puisse vivre indépendamment de tout lien social, c'est imaginer qu'il soit tout à fait possible à un homme d'accomplir sa vie et son identité d'homme en restant toujours à l'écart de la société. Une telle hypothèse pose problème car la société étant omniprésente, nous ne connaissons quasiment pas d'hommes qui aient vécu une telle expérience de la solitude. Quant à ceux que nous connaissons, correspondent-ils encore vraiment à l'idée que nous nous faisons de l'homme ? Cela étant posé, la multitude de conflits qui se font jour dans toutes les sociétés invite également à se poser cette question : sommes-nous vraiment faits pour ça ? Puisque ça ne fonctionne pas, n'est-ce pas la preuve que là n'est pas la solution ? Ne faudrait-il pas justement délier l'homme de la société pour le retrouver tel qu'il est en sa nature profonde ?

 

 

« 2. a) Ce qu'Aristote a vu, ce n'est pas l'homme tel que la nature l'a fait, mais un homme déjà changé par le temps etles circonstances.

« Semblable à la statue de Glaucus que le temps, la mer et les orages avaient tellement défiguréequ'elle ressemblait moins à un dieu qu'à une bête féroce, l'âme humaine altérée au sein de la société par mille causessans cesse renaissantes, par l'acquisition d'une multitude de connaissances et d'erreurs, par les changementsarrivés à la constitution des corps, et par le choc continuel des passions, a, pour ainsi dire, changé d'apparence aupoint d'être presque méconnaissable » écrit Rousseau dans la préface du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes .

Ainsi Aristote a-t-il tiré des faits bruts la croyance que l'homme était par nature un animal politique, or les faits ne prouvent rien quant à la nature d'une chose, il faut savoir « écarter tous les faits »(Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes , préface). b) L'état social n'est peut-être pas l'état naturel de l'être humain, mais au contraire un état artificiel.

Dans la noteIX du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, Rousseau écrit : « ce n'est pas sans peine que nous sommes parvenus à nous rendre si malheureux.

Quand d'un côté l'on considère les immenses travauxdes hommes, tant de sciences approfondies, tant d'arts inventés, tant de forces employées (…) et que de l'autre onrecherche avec un peu de méditation les vrais avantages qui ont résulté de tout cela pour le bonheur de l'espècehumaine, on ne peut qu'être frappé de l'étonnante disproportion qui règne entre ces choses, et déplorerl'aveuglement de l'homme qui, pour nourrir son fol orgueil et je ne sais quelle vaine admiration de lui-même, le faitcourir après toutes les misères dont il est susceptible et que la bienfaisante nature avait pris soin d'écarter de lui.

»L'état de société, contraignant et aliénant, ne peut qu'être le résultat d'un cataclysme extraordinaire par lequell'homme abandonne son être pour se laisser aller au paraître : lorsque l'homme rencontre son semblable, le regard del'autre n'en retient que son paraître qui se sépare alors de son être, le divise en un soi pour lui et un soi pour l'autre.Le passage par l'autre rend autre, altère, aliène.c) A l'état de nature, par contre, l'être humain est un animal solitaire.

L'homme de l'état de nature est sans famille,sans Cité, sans langage, sans loi, innocent, étranger au travail.

Asocial et asociable, il n'est qu'un animal comme lesautres, à cette différence près qu'il est libre.

Il est donc aisé, d'après Rousseau, de concevoir ainsi l'être humainindépendamment du lien social.

Transition : Cependant, le postulat rousseauiste de l'état de nature ne pose-t-il pas plus de problèmes qu'il en résout ? L'insociable sociabilité.

3. a) Le postulat rousseauiste de l'état de nature pose problème à bien deségards.

Tout d'abord, il est impossible de le confronter aux faits puisqu'il estcensé avoir eu lieu en des temps immémoriaux.

D'autre part, jusqu'où peut-onconsidérer que cet homme à l'état de nature dont nous parle Rousseau aquelque chose à voir avec l'idée que nous nous faisons de l'homme ? PourRousseau, l'homme à l'état de nature est d'abord un être stupide : « j'osepresque assurer que l'état de réflexion est un état contre nature, et quel'homme qui médite est un animal dépravé » écrit-il ( Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes , première partie).

Ensuite, c'est un être dont les capacités physiques apparaissent plus que fantaisistespuisqu'il est censé être capable de mettre en fuite ours et loups à l'aide d'unsimple bâton : « les bêtes féroces, qui n'aiment point à s'attaquer l'une àl'autre, s'attaqueront peu volontiers à l'homme, qu'elles auront trouvé toutaussi féroce qu'elles » assure Rousseau ( Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes , première partie).

En fin de compte, il semble que l'homme à l'état de nature dont nous parle Rousseausoit aussi loin de ce que nous appelons un homme que le tigre l'est dupingouin.b) Mieux vaut donc s'intéresser à l'homme tel qu'il nous apparaît que tel quenous nous plaisons à le penser.

C'est ce que Kant fait lorsqu'il repère enl'homme « l'insociable sociabilité » qui lui est propre.

Pour Kant, l'état desociété est à la fois dû à une disposition de l'être humain et à une impositionextérieure.

Les rapports entre les individus sont ainsi ambivalents : les individus s'opposent les uns les autres, et enmême temps ils éprouvent le besoin de s'associer.

Kant, dans Idées d'une histoire universelle d'un point de vue cosmopolitique décrit ainsi l'insociable sociabilité : « L'homme a une inclination à s'associer, parce que dans un tel état il se sent plus qu'homme, c'est-à-dire qu'il sent le développement de ses dispositions naturelles.

Mas il a aussiun grand penchant à se séparer : en effet, il trouve en même temps en lui l'insociabilité qui fait qu'il ne veut toutrégler qu'à sa guise et il s'attend à provoquer surtout une opposition des autres, sachant bien qu'il incline lui-mêmeà s'opposer à eux.

»c) L'insociable sociabilité aboutit par ailleurs à faire progresser la culture.

Kant pose en effet l'hypothèse selonlaquelle il y aurait un dessein de la nature.

Ce but de la nature, ce serait le progrès de la culture chez l'homme, unprogrès qui passerait par l'avènement du droit, droit qui permettrait de maximiser à la fois l'ordre social et les libertésindividuelles.

C'est justement l'insociable sociabilité qui permet d'atteindre ce but, en effet « c'est cette oppositionqui éveille toutes les forces de l'homme, qui le porte à vaincre son penchant à la paresse, et fait que, poussé parl'appétit des honneurs, de la domination et de la possession, il se taille une place parmi ses compagnons qu'il nepeut souffrir mais dont il ne peut se passer.

Ainsi vont les premiers véritables progrès de la rudesse à la culture,laquelle repose à proprement parler sur la valeur sociale de l'homme » (Kant, Idées d'une histoire universelle d'un. »

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