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Peut-on connaître ce qu'on ne peut pas se représenter ?

Publié le 05/02/2004

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- Connaissance: a) Acte par lequel un sujet s'efforce de saisir de saisir et de se représenter les objets qui se présentent à lui. b) Résultat de cet acte. Introduction Cette question présuppose qu'il existe des choses qu'on ne peut pas se figurer sous la forme d'images mentales, parce qu'elles sont immatérielles comme Dieu, l'esprit ou la liberté. Elle présuppose également qu'on ne connaît ordinairement que ce qu'on se représente et qu'il est problématique pour le savoir de se passer de représentation. En effet, la pensée risque de se détacher de la réalité pour se réduire à n'être qu'un jeu de concepts purement abstrait et formel. Cependant, la représentation elle-même peut être source d'erreurs comme en témoignent les illusions perceptives et les fictions de l'imagination. C'est donc la valeur de la représentation qui est ici en jeu : est-elle une condition nécessaire de la connaissance, ou bien est-elle superflue voire nuisible ? I - Dans quelle mesure la représentation permet-elle de connaître l'objet ? Le fait de produire un double mental de l'objet permet de connaître ses caractères spatio-temporels. Ainsi peut-on en saisir la grandeur, la figure et le mouvement qui constituent, selon Descartes, les propriétés essentielles de la matière.

« II - Peut-on se passer de la représentation pour connaître le réel ? Plutôt que de se représenter l'objet au moyen des sens ou de l'imagination, on peut préférer le concevoir par l'entendement pur.Descartes montre combien les images sont défectueuses et inférieures aux idées.

Alors que l'imagination est incapable de sereprésenter une figure à mille côtés, l'entendement la conçoit aussi aisément qu'un triangle (cf.

début de la sixième Méditation, lechiliogone). Et pour rendre cela très manifeste, je remarque premièrement la différence quiest entre l'imagination et la pure intellection ou conception.

Par exemple, lorsquej'imagine un triangle, je ne le conçois pas seulement comme une figure composéeet comprise de trois lignes, mais outre cela je considère ces trois lignes commeprésentes par la force et l'application intérieure de mon esprit ; et c'estproprement ce que j 'appelle imaginer.

Que si je veux penser à un chiliogone, jeconçois bien à la vérité que c'est une figure composée de mille côtés, aussifacilement que je conçois qu'un triangle est une figure composée de trois côtésseulement ; mais je ne puis pas imaginer les mille côtés d'un chiliogone, comme jefais les trois d'un triangle, ni, pour ainsi dire, les regarder comme présents avecles yeux de mon esprit.

Et quoique, suivant la coutume que j'ai de me servirtoujours de mon imagination, lorsque je pense aux choses corporelles, il arrivequ'en concevant un chiliogone je me représente confusément quelque figure,toutefois il est très évident que cette figure n'est point un chiliogone, puisqu'ellene diffère nullement de celle que je me représenterais, si je pensais à unmyriogone, ou à quelque autre figure de beaucoup de côtés ; et qu'elle ne sert enaucune façon à découvrir les propriétés qui font la différence du chiliogone d'avecles autres polygones.

Que s'il est question de considérer un pentagone, il est bienvrai que je puis concevoir sa figure, aussi bien que celle d'un chiliogone, sans lesecours de l'imagination ; mais je la puis aussi imaginer en appliquant l'attentionde mon esprit à chacun de ses cinq côtés, et tout ensemble à l'aire, ou à l'espacequ'ils renferment.

Ainsi je connais clairement que j'ai besoin d'une particulière contention d'esprit pour imaginer, de laquelle je ne me sers point pour concevoir ; et cette particulière contentiond'esprit montre évidemment la différence qui est entre l'imagination et l'intellection ou conception pure. Le plus souvent, le texte extrait d'un ouvrage de Descartes est étroitement lié au contexte, mais a aussi sa valeur en lui-même eten est dans une certaine mesure isolable.

C'est le cas ici.

Son dessein essentiel est de prouver l'existence des choses matérielles,mais, comme il le précise dans l'Abrégé des Méditations : .

Dans la Sixième, je distingue l'action de l'entendement d'avec celle del'imagination ; les marques de cette distinction y sont décrites».

A vrai dire, la faculté d'imaginer est beaucoup plus large etcomplexe que celle qui définit notre texte et Descartes analyse ailleurs ce que nous appelons imagination reproductrice etimagination créatrice.Ce dont il est question en ce début de la Sixième Méditation, c'est de l'imagination en tant que la faculté de connaître s'applique ànotre corps auquel elle est intimement conjointe.

Dans les Réponses aux cinquièmes objections, Descartes écrit à Gassendi : «Lesfacultés d'entendre et d'imaginer ne sont pas seulement selon le plus et le moins, mais comme deux manières d'agir totalementdifférentes.» C'est ce qu'il établit sur l'exemple de figures géométriques.

Par l'acte d'imaginer, je ne forme pas seulement l'idée dutriangle comme une figure composée de trois lignes qui comprennent ou enferment un espace, mais je me les rends présentes.Toutefois, si je considère un polygone à de nombreux côtés, très vite le pouvoir de l'imagination marque ses limites, alors quecelui de l'entendement, de l'intellection pure ou conception, ne paraît pas en avoir.

Il peut former une idée claire et distincte dupolygone à mille côtés ou chiliogone aussi aisément que celle du triangle.

En revanche, s'il est dans la nature de l'imagination dene pouvoir s'appliquer à des choses corporelles sans s'en faire une image, elle sera la même pour le chiliogone ou le myriogoneou polygone à dix mille côtés, ce qui revient à dire que l'image de l'un et de l'autre sera entièrement confuse.

Et, par conséquent,la représentation imaginative ne pourra, à la différence de la conception, m'apporter la moindre connaissance sur ces figures. Bien plus, il peut penser les substances non étendues comme l'âme et Dieu qui ne sauraient être figurées dans des images.

Pourtant,la représentation joue pour Descartes un rôle nécessaire dans la connaissance.

Il ne s'agit pas de se représenter un objet mais uneidée pour la saisir par intuition (cf.

définition de l'intuition dans les Règles).

Par exemple, se rendre clairement manifeste l'idée de Dieupermet de saisir ses attributs, puis d'en déduire les lois fondamentales de la nature.

La véritable connaissance du réel exige donc selonDescartes la représentation des idées dans une pure vision intellectuelle, et non la représentation des objets étendus dans la perceptionou dans l'imagination.

A cette condition seule connaîtrions-nous toute chose.Une telle conception suppose cependant que l'ordre du réel s'identifie à l'ordre logique des idées.

C'est là le vouer à une nécessité et àune prévisibilité qui en sont peut-être absentes.

En réduisant les déplacements à des mouvements mécaniques, Descartes exclut toutespontanéité du monde et réduit les animaux à des machines.

La prise en compte de la mémoire et de la sensibilité animale ainsi quel'observation des formes vivantes montrent à l'inverse la puissance créatrice à l'oeuvre dans la nature.

Le présent ne se réduit pas aupassé qui en serait la cause, mais le déborde de façon imprévisible.

Connaître cette durée créatrice exige de se détourner des formesde la représentation pour coïncider avec la vie intérieure du monde, et pour la saisir dans l'intuition telle que la définit Bergson (et qu'ilne faut pas confondre avec l'intuition cartésienne).

Loin de s'isoler de l'objet concret et de lui substituer une idée, il faut se fondre enlui.Reste à savoir si une telle connaissance immédiate du réel est vraiment possible.

Les grands philosophes de l'intuition, Bergson etSchopenhauer, en doutent eux-mêmes.

Il semble impossible d'éviter la distinction du sujet et de l'objet et de parvenir à saisir l'essencetelle qu'elle est en soi, indépendamment de nous. Conclusion Une connaissance sans aucune représentation est donc un idéal plus qu'une possibilité réelle.

Mais c'est un idéal nécessaire pouressayer de se rapprocher du réel en amoindrissant les transformations inhérentes aux modes subjectifs d'appréhension.. »

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