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Peut-on se connaître soi-même ?

Publié le 02/10/2004

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On pense en général qu'on peut se connaître soi-même, de façon à la fois véridique et complète. L'homme n'est-il pas « le mieux placé« pour savoir ce qu'il pense et ressent ? L'homme n'a-t-il pas un accès immédiat et transparent à lui-même ? La tradition philosophique elle-même commence avec cette injonction de la Pythie du temple de Delphes, à l'intention de Socrate : « connais-toi toi-même «. Mais en prodiguant ce conseil à  Socrate, et à travers lui à tout homme, la Pythie l'incite à prendre conscience de son défaut de savoir, de son ignorance donc de la nécessité de se questionner pour découvrir qui il est vraiment. Et se connaissant soi-même mieux connaître autrui. La connaissance de soi-même n'est-elle pas en effet la plus utile et la plus difficile pour l'homme.

On est le mieux placé pour savoir ce que l'on pense et ressent, bref, ce que l'on est. Car chacun d'entre nous est le seul à avoir un accès immédiat et transparent à son intériorité. Le cogito de Descartes : «je pense donc je suis «, ou «je suis, j'existe «, montre ainsi que toute pensée est immédiatement conscience et connaissance de soi. Elle est personnelle et intransmissible. On peut donc se connaître soi-même.

 

« « Imaginons que j'en sois venu, par jalousie, par intérêt, à coller mon oreillecontre une porte, à regarder par le trou d'une serrure.

Je suis seul [...] Celasignifie d'abord qu'il n'y a pas de moi pour habiter ma conscience.

Rien donc,à quoi je puisse rapporter mes actes pour les qualifier.

Ils ne sont nullementconnus, mais je les suis et, de ce seul fait, ils portent en eux-mêmes leurtotale justification.

Je suis pure conscience des choses [...].

Cela signifieque, derrière cette porte, un spectacle se propose comme « à voir », uneconversation comme « à entendre ».

La porte, la serrure sont à la fois desinstruments et des obstacles : ils se présentent comme « à manier avecprécaution » ; la serrure se donne comme « à regarder de près et un peu decôté », etc.

Dès lors « je fais ce que j'ai à faire » ; aucune vuetranscendante ne vient conférer à mes actions un caractère de donné surquoi puisse s'exercer un jugement : ma conscience colle à mes actes, elle estmes actes ; ils sont seulement commandés par les fins à atteindre et par lesinstruments à employer.

Mon attitude, par exemple, n'a aucun « dehors », elleest pure mise en rapport de l'instrument (trou de la serrure) avec la fin àatteindre (spectacle à voir), pure manière de me perdre dans le monde, de mefaire boire par les choses comme l'encre par un buvard [...].Or voici que j'ai entendu des pas dans le corridor : on me regarde.

Qu'est-ceque cela veut dire ? C'est que je suis soudain atteint dans mon être et quedes modifications essentielles apparaissent dans mes structures [...].D'abord, voici que j'existe en tant que moi pour ma conscience irréfléchie.C'est même cette irruption du moi qu'on a le plus souvent décrite : je me vois parce qu'on me voit, a-t-on pu écrire[...] ; pour l'autre je suis penché sur le trou de la serrure, comme cet arbre est incliné par le vent.

[...] S'il y a unAutre, quel qu'il soit, où qu'il soit, quels que soient ses rapports avec moi, sans même qu'il agisse autrement sur moique par le pur surgissement de son être, j'ai un dehors, j'ai une nature ; ma chute originelle c'est l'existence del'autre.

» Sartre, « L'Etre et le Néant », Gallimard, pp.

305-306.

Le texte de Sartre décrit clairement deux états de la conscience.

Dans le premier, une conscience solitaire estoccupée, par jalousie, à regarder par le trou d'une serrure ce qui se passe derrière la porte.

Cette conscience estalors entièrement livrée à la contemplation du spectacle jusqu'à s'y fondre; elle est tout entière ce spectacle qu'elleregarde, elle est la série des actes motivés par la jalousie (se pencher, ne pas faire de bruit, regarder).

Cetteconscience ne se connaît même pas comme jalouse (ce qui supposerait un recul réflexif): elle est rapport au mondesur la mode de la jalousie.

La conscience n'a pas de consistance propre qui lui permette de s'appréhender commemoi; elle se confond immédiatement avec toutes ces choses sur lesquelles elle s'ouvre.Brusquement surgit un autre (j'entends des pas, on me regarde): je suis surpris, il va penser que moi, je suisjamoux.

C'est alors (dans le cadre d'une expérience de la honte d'avoir été surpris) que ma jalousie prendconsistance (et par là-même aussi mon être comme jaloux); elle n'est plus seulement une manière diffuse d'agir dansce monde: elle est cette qualification de ma personne, ce jugement sur moi porté par un tiers.

Je suis quelqu'un, jene suis plus une pure ouverture sur le monde: on me détermine comme un homme jaloux (on me donne une "nature”,je deviens "quelque chose” sous le regard de l'autre (autrui me chosifie).Mais au moment où je deviens quelqu'un, je suis dépossédé de moi-même: c'est à l'autre de décider si je suis uncurieux, un jaloux ou encore un vicieux.

• Si on pouvait se connaître soi-même, cela signifierait qu'on pourrait se posséder de façon définitive.

Or l'êtrehumain est en perpétuelle évolution.

Sa liberté lui permet à chaque instant de changer le cours de son existence.C'est ce que montre Sartre dans l'Existentialisme est un humanisme : chaque homme invente à chaque instant savie.

Le cours de son existence n'est jamais figé ni fixé d'avance.

L'homme n'a pas de nature, d'essence prédéfinies, ilest pro-jet, choix libre d'exister. • Enfin, l'existence de l'inconscient prouve qu'un certain nombre de nos actes et même de nos pensées nouséchappent et nous demeurent cachés.. »

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