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Peut-on croire au bonheur?

Publié le 08/01/2005

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Dès lors, si on ne peut croire à la réalisation du bonheur compte tenu de notre condition dans ce monde, il semble que nous ne devions pas non plus croire qu'il soit l'objet suprême du désir humain.

* Pour Kant, tous les principes qui inspirent la recherche du bonheur ne peuvent valoir pour des commandements et des fins en soi, mais pour des conseils. Ils ne sont pas ce qui donne la valeur supérieure à notre action. Mais, pour Kant, il ne faut pas s'en attrister. Car l'échec de la réalisation du bonheur est le signe que la destination fondamentale de l'homme est ailleurs. Kant la perçoit dans l'action faite par devoir et non seulement conformément au devoir. Dans les Fondements de la métaphysique des moeurs, Kant illustre cette distinction en comparant le marchant qui vend au juste prix parce que c'est le juste prix et celui qui le vend parce qu'il craint d'être sanctionné.

* Dans cette conception de la destinée fondamentale de l'homme, le bonheur devient l'objet d'une espérance accordée dans l'autre monde à ceux qui l'ont mérité sur cette terre. Une telle conception du bonheur et de la destinée humaine est-elle acceptable ? 3-On peut croire au bonheur à condition de ne pas l'opposer absolument à la souffrance.

  • Analyse :

• La question du bonheur suppose la clarification de trois questions. L’essence : qu’est-ce que le bonheur ? L’existence : existe-t-il ? La méthode de réalisation : comment l’atteindre ? • C’est par rapport à ces trois questions que le croyant ou l’incroyant, concernant le problème posé par le bonheur, doivent se situer. En effet, le croyant conçoit une idée du bonheur qu’il juge réalisable et dont il énonce les moyens d’y parvenir. L’incroyant conçoit cette même idée, mais n’admet pas une possible réalisation du bonheur et s’efforce de dénoncer comme illusoire les moyens pour l’atteindre. •Avant de problématiser le sujet, donnons une première et définition du bonheur et deux grandes orientations pour le réaliser. • D’après le Grand Larousse, le bonheur est un « état dans lequel sont satisfaites toutes les aspirations de l’être «. La satisfaction de « toutes les aspirations de l’être « est donc plus vaste qu’un plaisir physique ou intellectuel. Il comprend la sécurité de ses biens et de sa personne, la liberté d’expression, le pouvoir d’achat etc…Etant plus vaste, il est aussi plus durable. Que serait un bonheur présent au lever du jour et absent le reste de la journée ? • L’étymologie du terme « bonheur « peut indiquer deux grandes orientations dans sa quête. Le bonheur se compose de l’adjectif « bon « et du nom « heur «. Ce dernier vient du latin « augurium « qui signifie « présage (favorable ou non) «, d’où « chance (bonne ou mauvaise) «. Le bonheur est donc la bonne fortune. Il renvoie aux évènements extérieurs que l’on juge bienfaisants. Dans son étymologie grecque, le bonheur renvoie au terme « eudaïmonia « qui a donné le mot « eudémonisme « par lequel on désigne les philosophies antiques qui font du bonheur le but de l’action. Or « eudaïmonia « se décompose en « eu « et « daïmonia « qui signifient respectivement « bon « et « génie intérieur «. Plutôt qu’aux évènements extérieurs, le bonheur désigne ici la direction intérieure à prendre pour atteindre la félicité. Or ces deux approches sont-elles conciliables ? Y-t-il un accord possible entre l’évènement extérieur et la direction intérieure ?

  • Problématique :

Croire en la réalisation du bonheur ne suppose-t-il pas d’être réaliste et de se libérer des moyens illusoires pour l’atteindre ? Mais ce monde terrestre ne contredit-il pas fondamentalement toute recherche du bonheur, faisant de lui, non l’objet d’une quête réaliste, mais d’une espérance ? Dès lors, la croyance au bonheur ne pourrait-elle pas être rétablie si on renonce à l’opposer aux souffrances de ce monde ?

« heureuse le désir des choses qui dépendent de nous.

En effet, dans le Manuel, Epictète nous avertit que soumettre sa vie à « ce qui ne dépend pas de nous », c'est une pure folie.

Car c'estremettre son bonheur entre les mains de ce qui créera son malheur.Inévitablement, la fortune nous refusera ce qu'on désire et nous mettra enface de ce que l'on fuit.

La source de tout bien et de tout mal que nouspouvons éprouver réside strictement dans notre propre volonté.

Nul autre quesoi n'est maître de ce qui nous importe réellement, et nous n'avons pas ànous soucier des choses sur lesquelles nous n'avons aucune prise et oùd'autres sont les maîtres.

Les obstacles ou les contraintes que nousrencontrons sont hors de nous, tandis qu'en nous résident certaines choses,qui nous sont absolument propres, libres de toute contrainte et de toutobstacle, et sur lesquelles nul ne peut agir.

Il s'agit dès lors de veiller sur cebien propre, et de ne pas désirer celui des autres ; d'être fidèle et constant àsoi-même, ce que nul ne peut nous empêcher de faire.

Si chacun est ainsil'artisan de son propre bonheur, chacun est aussi l'artisan de son propremalheur en s'échappant de soi-même et en abandonnant son bien propre,pour tenter de posséder le bien d'autrui.

Le malheur réside donc dansl'hétéronomie : lorsque nous recevons de l'extérieur une loi à laquelle nousobéissons et nous soumettons.

Nul ne nous oblige à croire ce quel'on peut dire de nous, en bien ou en mal : car dans un cas nous devenonsdépendants de la versatilité du jugement d'autrui, dans l'autre nous finissonspar donner plus de raison à autrui qu'à nous-mêmes.

Enfin, à l'égard desopinions communes comme des théories des philosophes, ou même de nos propres opinions, il faut savoir garder une distance identique à celle qui est requise dans l'habileté du jeu, c'est-à-dire qu'il faut savoir cesser de jouer en temps voulu.

Dans toutes les affaires importantes de la vie, nul ne nousoblige en effet que notre propre volonté.• En choisissant la modération des désirs, ces méthodes de sagesse antique visent un accord parfait entre lavolonté et le Cosmos.

Pour eux, un état de satisfaction complet et durable est atteint dès lors qu'il n'y a plus deconflit entre ce qui arrive et ce qu'on désire.• Cette analyse soulève deux interrogations.

Cet état recherché par les sagesses antiques semble décrire un étatdivin qui contredit les limites de la condition humaine.

Un tel bonheur existe-t-il ? Davantage, peut-on absolumentfaire du bonheur une fin en soi ? N'y a-t-il pas d'autres valeurs pouvant prédominer sur la quête du bonheur ? 2- Le bonheur n'est pas un projet réalisable, mais l'objet d'une espérance. • Notre condition humaine semble contredire toute conception du bonheur qui exclut les faveurs des évènementextérieurs.

Aristote affirmait dans l'Éthique à Nicomaque que « Aussi l'homme heureux a-t-il besoin que les bienscorporels, les biens extérieurs et ceux de la fortune, se trouve réaliser pour lui sans difficulté.

Prétendre quel'homme soumis au supplice de la roue, ou accabler de grandes infortunes, est heureux à condition d'être vertueux,c'est parler en l'air.

».(Livre VII).

Or si l'on maintien la définition du bonheur comme état de satisfaction complet etdurable et que l'on admet la nécessité des faveurs du monde extérieur, on aboutit à une contradiction.• C'est la raison pour laquelle Kant qualifie le bonheur de « concept indéterminé » et « d'idéal de l'imagination ».

Carle bonheur implique une exigence de totalité irréalisable dans notre monde.

« Or il est impossible qu'un être fini, siperspicace et en même temps si puissant qu'on le suppose, se fasse un concept déterminé de ce qu'il veut icivéritablement.

Veut-il la richesse ? Que de soucis, que d'envie, que de pièges ne peut-il pas par là attirer sur satête ! Veut-il beaucoup de connaissance et de lumières ? Peut-être cela ne fera-t-il que lui donner un regard pluspénétrant pour lui représenter d'une manière d'autant plus terrible les maux qui jusqu'à présent se dérobent encore àsa vue et qui sont pourtant inévitables, ou bien que charger de plus de besoins encore ses désirs qu'il a déjà bienassez de peine à satisfaire.

Veut-il une longue vie ? Qui lui répond que ce ne serait pas une longue souffrance ?Veut-il du moins la santé ? Que de fois l'indisposition du corps a détourné d'excès où aurait fait tomber une santéparfaite, etc.

! Bref, il est incapable de déterminer avec une entière certitude d'après quelque principe ce qui lerendrait véritablement heureux : pour cela il lui faudrait l'omniscience.

[...] » KANTFondements de la Métaphysique des Moeurs, II.. »

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