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Peut-on définir l'attitude philosophique par la décision de ne pas croire ?

Publié le 31/01/2004

Extrait du document

Le fait de ne pouvoir être mises en doute en aucune manière caractérise de telles connaissances. L'attitude philosophique consiste donc bien dans le refus de tenir pour vrai ce en quoi il est possible d'imaginer le moindre doute. Le douteux doit même être rejeté comme faux, afin que l'on puisse découvrir des principes suffisamment solides et inébranlables. Le «je pense « apparaît à Descartes comme le modèle de la connaissance certaine. La certitude que, chaque fois que je la prononce ou que je la conçois en mon esprit, la proposition «je suis, j'existe« est nécessairement vraie. Elle se distingue de toutes les formes de croyance en ceci précisément qu'elle résiste à l'épreuve du doute et que, chaque fois que j'en fais l'expérience, je ne peux que me laisser convaincre par la certitude et l'évidence de sa vérité.Toutefois toutes les formes de croyances sont-elles rejetées au même titre par la philosophie ? Peut-on dire que l'opinion, la croyance superstitieuse et la foi religieuse sont mises sur le même plan par la philosophie ? Les exemples ne manquent pourtant pas de philosophes ayant fait preuve sinon d'une réelle ferveur religieuse, du moins de la compatibilité entre une démarche de nature religieuse et les exigences de la pensée en mode philosophique. La question qui se pose est de savoir si leur conviction religieuse, leur expérience de foi, peut se concilier avec la démarche philosophique.

  • Parties du programme abordées :

- L'irrationnel. ' - Le sens. - La vérité. - Anthropologie. Métaphysique. Philosophie.

  • Analyse du Sujet : La simple définition négative du refus de toute croyance figée suffit-elle à caractériser l'attitude philosophique ? Celle-ci ne peut-elle parvenir à des résultats stables ? Quelle définition positive proposer alors ?
  • Conseils pratiques : Chaque mot compte dans cet énoncé. Attachez-vous à leur donner un sens précis. Mettez en lumière la nuance entre philosophie et attitude philosophique ; analysez la notion de croyance ; demandez-vous quelle part de liberté est exercée dans la décision (volontaire ?) de refuser toute croyance.
  • Bibliographie :

Montaigne, Essais, Apologie de Raymond Sebond, Gallimard, Folio. Nietzsche, Le gai savoir, Gallimard, Folio. Nietzsche, Par-delà le bien et le mal, Gallimard.

  • Difficulté du sujet :**
  • Nature du sujet : Pointu.

« laisser convaincre par la certitude et l'évidence de sa vérité.Toutefois toutes les formes de croyances sont-elles rejetées au même titre par la philosophie ? Peut-on dire quel'opinion, la croyance superstitieuse et la foi religieuse sont mises sur le même plan par la philosophie ? Les exemplesne manquent pourtant pas de philosophes ayant fait preuve sinon d'une réelle ferveur religieuse, du moins de lacompatibilité entre une démarche de nature religieuse et les exigences de la pensée en mode philosophique.

Laquestion qui se pose est de savoir si leur conviction religieuse, leur expérience de foi, peut se concilier avec ladémarche philosophique.

Les penseurs chrétiens du Moyen-Age, pour qui les vérités de la foi allaient de soi,distinguaient entre la scientia divina et la sacra doctina, entre une théologie naturelle, partie de la philosophie ayanttrait aux «choses divines » et qui s'appuie sur la «lumière naturelle», c'est-à-dire en fait sur la raison, et la théologierévélée qui prend pour point de départ les vérités révélées de la foi chrétienne.

Mais il est clair que, pour eux, laphilosophie restait ordonnée à la religion, la raison accordée à la foi.

La philosophie servante de la théologie avaitpour fonction de disposer l'esprit à accueillir la vérité ; le philosophe religieux au Moyen Age cherchait à savoir parcequ'il cherchait à croire, d'où la difficulté de consi-dérer ces penseurs comme d'authentiques philosophes.

Il sembledonc que, entre l'attitude religieuse et ses exigences et l'attitude philosophique, il y ait une différence radicale etque l'esprit d'examen et le doute, qui en procèdent, sont des constituants essentiels de l'attitude philosophique.Peut-on toutefois affirmer que cette position duphilosophe est aussi solide qu'il y paraît ? N'y a-t-il pas des raisons de considérer avec suspicion la prétention duphilosophe de «ne jamais croire» ? Il ne va pas de soi que « ne jamais croire » soit une position à laquelle le philosophe puisse prétendre sans quecette prétention soit elle-même soumise à examen.

Tout d'abord, peut-on dire que le philosophe est exempt detoute croyance ? Ne doit-il pas concéder qu'il lui faut au moins croire sinon dans la valeur, du moins dans lapossibilité de l'attitude philosophique définie par la décision de «ne jamais croire» philosophique? Le philosophe peut-il prétendre, à la manière d'un Descartes, se défaire, au moins «une fois en sa vie», de tous ses préjugés? PourDescartes, la chose n'est possible que dans la mesure où nous pouvons tout mettre radicalement en doute – c'estlà, la fonction du doute méthodique.

Il est universel, c'est-à-dire qu'il s'applique à toutes choses; il esthyperbolique, c'est-à-dire volontairement exagéré ; radical, c'est-à-dire qu'il s'attaque à la racine même de nosconnaissances.

Il' n'en reste pas moins que le projet cartésien «établir quelque chose de ferme et de constant dansles sciences » repose sur la conviction qu'il est possible de faire confiance aux certitudes de la raison.

Il supposeune adhésion de principe à la valeur de la raison.En outre, une telle attitude n'est pas sans présupposés.

On peut se demander si croire ou ne pas croire peut êtreen quelque manière le résultat d'une décision.

Est-ce que l'on décide de croire? La croyance est-elle toujours perçuecomme telle ? Après tout, il en va peut-être de la croyance comme de ces dessins que les enfants décèlent dansles nuages, on ne la voit pas pour ce qu'elle est.

Elle est bien plutôt ce dans quoi on voit le réel, une modalitégénérale du rapport à la réalité.

La croyance n'est pas nécessaire-ment un acte d'adhésion à un contenu dont onsait qu'il est un contenu de croyance et dont on pourrait par une libre décision se défaire.

Certes, il y a descroyances qui répondent à ces critères, mais la véritable croyance, celle dans laquelle on est comme capturé, n'est-elle pas ce qui ne se donne jamais comme une croyance? Identifier les croyances dont le philosophe est à son insule porteur exige bien autre chose que l'engagement dans une attitude qui se définirait décision de ne jamais croire.Le philosophe comme le non-philosophe vit et habite dans un monde dont l'étoffe est tissée de croyances.

Cetunivers de croyances ne se présente pas comme une série de pro-positions ou d'actes de foi que l'on peutclairement formuler et qu'on est libre d'admettre ou de rejeter, c'est bien plutôt un réseau complexe où les symboles«crédogènes» se mêlent à des désirs plus ou moins conscients.

La philosophie, dans la mesure où elle prétend influersur la manière de vivre du philosophe, ne serait-ce que dans la moindre mesure où elle tend à créer chez lephilosophe le sentiment qu'il est différent du non-philosophe, n'est-elle pas, à sa manière, génératrice de croyances? Auquel cas, il faudrait dénoncer l'imposture du philosophe qui se mettrait naïve-ment dans la posture de celui quine croit jamais.

L'illusion fondamentale de la philosophie tiendrait précisément dans cette ambition d'échapper àtoute forme de croyance. Il n'en reste pas moins que, comme projet de la raison, la philosophie se doit d'avoir une certaine position critique àl'égard aussi bien des croyances qui se donnent comme telles, que des croyances plus difficilement repérables parceque n'étant jamais perçues comme telles.

Plutôt que dans la décision ponctuelle de ne jamais croire, l'attitudephilosophique réside plutôt dans l'effort pour repérer ce qui est, à notre insu, manifestation de nos croyances.Platon a bien conscience de la difficulté de cette attitude, lorsqu'il souligne, dans Le Sophiste, l'étrangerenversement des rôles qui fait que le sophiste paraît philosophe et que le philosophe apparaît comme un sophiste.Du coup, il semble qu'il faille renoncer à faire de l'attitude philosophique le résultat d'une quelconque décision quiferait d'elle quelque chose d'acquis une fois pour toutes ; philosopher ce n'est pas prendre, une fois en sa vie, ladécision de ne jamais croire, mais un engagement, chaque fois à renouveler, où l'on s'efforce de discerner lesprésupposés et les effets de croyances dont on est porteur.La philosophie travaille d'une certaine manière contre elle-même, c'est peut-être ce qui rend l'attitude philosophique,surtout lorsqu'elle se veut radicale, intenable et précaire.

Dans sa dimension critique, elle ruine toutes les assisessur lesquelles elle pourrait tenter de s'édifier, tout comme elle se met dans la posture de critiquer les autres formesde savoirs, qui, elles, n'ont pas nécessairement besoin declarifier leurs fondements et leurs buts pour progresser.

Dans cette perspective, on ne peut définir l'attitudephilosophique par une décision, mais bien plutôt comme une certaine disposition de l'esprit qui est le résultat d'untravail sur soi et sur la compréhension qu'on peut avoir des autres formes de savoir.De ce point de vue, on peut considérer comme utile de sus-pendre toute forme d'adhésion naïve à la réalité etconsidérer que cette attitude de mise entre parenthèse du rapport à la réalité est la condition de toute approchephilosophique authentique.

Chercher à s'arracher à toutes ses croyances revient alors à assumer l'engagement dans. »

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