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Peut-on dire que le bon historien « n'est d'aucun temps, ni d'aucun pays » ?

Publié le 18/01/2004

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, la curiosité anecdotique s'adonne à la recherche des causes, surtout pour montrer combien il y a de disproportion entre la petitesse des causes et la grandeur des effets. C'est (par exemple) le grain de sable dans l'uretère de Cromwell [...]. Mais l'histoire philosophique, la grande histoire, s'arrête peu à ces causes microscopiques. Elle cherche une raison suffisante des grands événements, c'est-à-dire une raison qui se mesure à l'importance des événements ; et sans qu'elle ait la prétention d'y atteindre toujours, puisque cette raison peut se trouver hors de la sphère de ses investigations, il arrive souvent qu'elle la trouve. Une configuration géographique, un relief orographique ne sont pas des causes au sens propre du mot : cependant personne ne s'étonnera d'y trouver la clef, l'explication ou la raison de l'histoire d'un pays réduite à ses grands traits, à ceux qui méritent de rester gravés dans la mémoire des hommes. Le succès d'une conspiration, d'une émeute, d'un scrutin décidera d'une révolution dont il faut chercher la raison dans la caducité des vieilles institutions, dans le changement des moeurs et des croyances, ou à l'inverse dans le besoin de sortir du désordre et des intérêts alarmés. Voilà ce que l'historien philosophe sera chargé de faire ressortir, en laissant pour pâture à une curiosité frivole tels faits en eux-mêmes insignifiants III L'histoire comme savoir neutre          L'historien est celui qui rassemble les preuves. Il doit les faire concorder dans une cohérence logique et une narration crédible pour écrire l'Histoire. Ainsi, c'est selon l'avis de l'historien que le récit se base, il n'est pas celui qui photographie le passé dans une objectivité figée, il est celui qui la rapporte en toute conscience.

Cette citation de Fénelon pose la base du problème. En effet, le présupposé que l’on en tire est que l’historien doit adopter une démarche neutre et objective. L’historien est donc notre rapporteur du passé, cette même histoire nous prouve que dans le  passé elle même a une histoire. C’est donc selon des époques, selon des personnes, selon les historiens et leur influence sur leur narration que nous devons nous baser. Les historiens doivent être neutres, on peut dons accorder une crédibilité à l’historien des faits, celui qui sait écarter son propre opinion mais refuser d’écouter l’historien qui juge ces faits. Cependant un problème se pose : avant d’être historien, ce dernier est un homme doté d’une subjectivité. Attendre de lui qu’il sache se détacher du monde n’est ce pas trop lui demander? Un être humain peut il se mettre à l’écart du monde pour pouvoir rapporter les faits d’une façon parfaitement subjective? Comment un homme peut il écarter sa subjectivité pour parler des hommes?

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« preuves, des témoignages, des souvenirs reste risquée sur le plan de la vérité car elle peut être partielle selon lesrenseignements que les historiens ont pu rassembler et surtout sur leur impartialité. « Qu'est-ce qu'un événement ? Est-ce un fait quelconque ? Non pas.

C'est un fait notable.

Or comment l'historienjuge-t-il qu'un fait est notable ou non ? Il en juge arbitrairement, [...] car les faits ne se divisent pas, de leur proprenature, en faits historiques et en faits non historiques.

» Anatole France Thucydide est à mon gré le vrai modèle des historiens.

Il rapporte les faits sans les juger, mais il n'omet aucune descirconstances propres à nous en faire juger nous mêmes." Rousseau ROUSSEAU« Il s'en faut bien que les faits décrits dans l'histoire soient la peinture exacte des mêmes faits tels qu'ils sontarrivés : ils changent de forme dans la tête de l'historien, ils se moulent sur ses intérêts, ils prennent la teinte deses préjugés.

Qui est-ce qui sait mettre exactement le lecteur au lieu de la scène pour voir un événement tel qu'ils'est passé ? L'ignorance ou la partialité déguise tout.

Sans altérer même un trait historique, en étendant ouresserrant des circonstances qui s'y rapportent, que de faces différentes on peut lui donner ! Mettez un même objetà divers points de vue, à peine paraîtra-t-il le même, et pourtant rien n'aura changé que l'oeil du spectateur.

Suffit-il, pour l'honneur de la vérité, de me dire un fait véritable en me le faisant voir tout autrement qu'il n'est arrivé ?Combien de fois un arbre de plus ou de moins, un rocher à droite ou à gauche, un tourbillon de poussière élevé parle vent ont décidé de l'événement d'un combat sans que personne s'en soit aperçu ! Cela empêche-t-il quel'historien ne vous dise la cause de la défaite ou de la victoire avec autant d'assurance que s'il eût été partout ? Orque m'importent les faits en eux-mêmes, quand la raison m'en reste inconnue ? » BergsonIl faut un hasard heureux, une chance exceptionnelle, pour que nous notions justement, dans la réalité présente, cequi aura le plus d'intérêt pour l'historien à venir.

Quand cet historien considérera notre présent à nous, il y chercherasurtout l'explication de son présent à lui, et plus particulièrement de ce que son présent contiendra de nouveauté.Cette nouveauté, nous ne pouvons en avoir aucune idée aujourd'hui, si ce doit être une création.

Comment doncnous réglerions-nous aujourd'hui sur elle pour choisir parmi les faits ceux qu'il faut enregistrer, ou plutôt pourfabriquer des faits en découpant selon cette indication la réalité présente ? Le fait capital des temps modernes estl'avènement de la démocratie.

Que dans le passé, tel qu'il fut décrit par les contemporains, nous en trouvions lessignes avant-coureurs, c'est incontestable ; mais les indications peut-être les plus intéressantes n'auraient éténotées par eux que s'ils avaient su que l'humanité marchait dans cette direction ; or cette direction de trajet n'étaitpas plus marquée alors qu'une autre, ou plutôt elle n'existait pas encore, ayant été créée par le trajet lui-même, jeveux dire par le mouvement en avant des hommes qui ont progressivement conçu et réalisé la démocratie.

Lessignes avant-coureurs ne sont à nos yeux des signes que parce que nous connaissons maintenant la course, parceque la course a été effectuée. NietzscheUn historien n'a pas affaire à ce qui s'est réellement passé mais seulement aux événements supposés : car seuls cesderniers ont eu des effets.

De même, il n'a affaire qu'aux héros supposés.

Son sujet, la prétendue histoire du monde,ce sont des opinions sur des actions supposées et leurs mobiles supposés, qui donnent à leur tour prétexte à desopinions et à des actions dont la réalité se dissipe instantanément en fumée et n'a d'effets qu'en tant que fumée -procréation et conception continuelles de fantômes qui planent sur les profonds brouillards de l'insondable réalité.Tous les historiens racontent des choses qui n'ont jamais existé, sauf dans la représentation. Document: Subjectivité de l'historien. Beaucoup de penseurs d'aujourd'hui ne croient plus que l'idéal d'objectivité impassible dont les positivistesavaient rêvé, que Fénelon lui-même prônait jadis (« Le bon historien n'est d'aucun temps ni d'aucun pays ») soit réalisable.

Dans toute la masse des faits du passé que nous pouvons reconstruire à partir de leurs traces, il nousfaut faire un choix.

Mais comment distinguer le fait historique, le fait important du fait non historique insignifiant ?Seignobos disait que l'on juge de l'importance d'un fait à ses conséquences mais celles-ci à son tour ne seront- elles pas appréciées subjectivement par l'historien? On connaît la boutade de Valéry .

La découverte des propriétés fébrifuges de l'écorce de quinquina au XVII ième serait plus importante que tel traité signé par Louis XIV parce lesconséquences de ce traité sont aujourd'hui effacées tandis que « les régions paludéennes du globe sont de plus en plus visitées...

et que la quinine fut peut-être indispensable à la prospection et à l'occupation de toute la terre quiest à mes yeux le fait dominant de notre siècle » (« Variété IV »).

Ce qu'il faut retenir de la boutade de Valéry , c'est qu'il n'y a pas en histoire de signification absolument « objective » d'un fait et que c'est en fonction duprésent que nous donnons à tel ou tel fait passé une signification et une valeur.

Nous autres, hommes du XX ième,nous sommes surtout attentifs dans le passé aux faits économiques, tandis que par exemple les chroniqueurs dumoyen âge voyaient d'abord les faits religieux (le récit du moindre « miracle » était pour eux essentiel).

Aucun historien, prétend-on communément aujourd'hui, ne peut échapper à sa subjectivité.

Michelet , pour écrire son « Histoire de France », voulait oublier l'époque contemporaine, s'interdisait de lire le journal, s'enfermait toute la journée aux Archives.

Cela ne l'a pas empêché d'écrire une histoire à la fois jacobine et romantique, une « épopée lyrique » de la France.

Il a projeté dans son oeuvre des valeurs sentimentales, des partialités politiques, si bien. »

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