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PEUT-ON DIRE QUE LE « GARGANTUA » DE RABELAIS EST UNE OEUVRE DÉSALTÉRANTE ?

Publié le 04/01/2013

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gargantua

 

Le Pantagruel eût un succès tellement retentissant, que cela décida François Rabelais à se lancer en 1534/1535 dans la rédaction de Gargantua. On peut se demander à quoi tient la notoriété des histoires de ces géants éponymes. Ces récits semblent en effet bien amusants. Des adjectifs en ont été tirés dans le langage courant et aujourd’hui encore, de grands gourmands pourraient se faire traiter de pantagruéliques ou de gargantuesques. La phrase professée par Gargantua « je bois pour les soifs de demain «, prêtant spontanément au sourire, est presque devenue la devise emblématique du personnage. Mais Gargantua se résume-t-il seulement à un simple divertissement ? Ne comporte-t-il pas un second niveau de lecture plus profond ?

Le caractère carnavalesque du récit sera explicité, puis ses limites seront analysées, avec des critiques religieuses, politiques et éducatives subreptices.

 

gargantua

« ses cinq ans, celui-ci a déjà des relations, et déjà avancées : « ce petit paillard tousjours tastonnoyt ses gouvernantes, cen dessus dessoubz, cen devant derriere, - harry bourriquet !- e t desjà commenczoyt exercer sa braguette » (p.110).

Le terme d’accouplement est presque systématiquement désigné par un verbe dénigrant, ce qui accrédite la vulgarité accordée au sujet.

De nombreuses plaisanteries parsèment l’œuvre de ce point de vue doute ux.

A la question posée au Moine « pourquoy est ce que les cuisses d’une damoizelle sont tousjours fraiches ? » (p.306- 307), il répond que c’est parce que l’eau y coule tout du long dans ce lieu ombragé, obscur et ténébreux, continuellement éventé des vent s du trou de bise, de la chemise et de la braguette.

Dans le chapitre XXXVIII « […] pourquoi certains ont le nez plus grand que les autres », le Moine explique que sa mesure dépend du sein qu’avait la nourrice lors de l’allaitement et par la reprise d’une parole de Saint Paul « ad formam nasi cognosciturn ad te levavi », exprime, pour une fois moins explicitement, qu’elle permet de prognostiquer celle du sexe et sa vigueur.

La femme est évoquée en somme quasi exclusivement pour traiter des obscénités.

C’est le cas des couturières, où repose une équivoque sur le « cul », objet de couture et, évidemment, postérieur.

Les noms des nobles de Picrochole , méchants de l’histoire, sont aussi comiques au vu de leur symbolique, d’ordre sexuel dénigré : « les ducs de T ournemoule, de Basdefesses et de Menuail, ensemble le prince de Gratelles et le viconte de Morpiaille » (p.252).

Rabelais recourt donc au procédé de la C ornu copia.

Celle-ci, exprimant la fertilité, témoigne aussi de l’abondance.

Le récit se trouve garni d’objets, surtout d’aliments, en profusion, encore accrus par le registre merveilleux.

Le gigantisme de ses héros ajoute à l’exubérance des longues énumérations et chiffres grandiloquents parsemant le récit.

Gargantua est ainsi un exutoire idéal pour le le cteur qui a grand soif et veut se désaltérer.

Il devrait se trouver bien rassasié.

Ainsi, les repas chez Grandgousier, non seulement arrosés, sont également fort copieux.

Des accumulations de plusieurs sortes de viandes, de charcuterie et de tripes jonchen t l’œuvre.

En plus du quotidien, les grands évènements, comme chacune des victoire s remportées pendant la guerre picrocholine, sont honorés par un festin à la quantité importante de vivres, du coup en nombre encore plus opulent.

Dans le passage suivant, l’ action des serviteurs de Gargantua est inédite et bien imagée, et de ce fait, hilarante : « [il] commençoit son repas par quelques douzaines de jambons, de langues de beuf fumées, de boutargues, d’andouilles, et telz autres avant coureurs du vin.

Ce pendent quatre de ses gens luy gettoient en la bouche, l’un apres l’aultre, continuement, de la moustarde à pleines palerées » (p.176).

Aussi, la quantité de lait nécessaire pour nourrir Gargantua jusqu’à ses un an et demi est simplement exubérante : « dix et sept mille neuf cens vaches » (p.80).

Toute cette nourriture produit bien sûr des déchets, que Rabelais n’hésite pas à expliciter ouvertement.

L’œuvre revête ainsi un trait marquant scatologique.

Des blagues peu ragoûtantes sont immiscées telles « mais si m a couille pissoit telle urine, la voudriez vous bien sugcer ? » (p.68) ou encore lorsque les sages -femmes prenne nt le « fondement » de Gargamelle pour l’enfant à naître (p.76).

Mais l’apogée de la merde est atteinte au chapitre XII, où Gargantua énumère di fférents torche-culs.

La drôlerie est permise grâce à l’imagination farfelue et écœurante de cette liste qui pourrait s’allonger à l’infini.

Des matières incongrues sont évoquées pour cette utilisation, comme des étoffes tissées de pierres précieuses et mê me des êtres vivants.

C’est « l’oison » qui sera finalement décrété meilleur torcheur.

Le gigantisme de Gargantua et de sa jument fait que lorsqu’ils urinent abondamment, ils en arrivent à noyer d’autres êtres humains : « [il] destacha sa belle braguette, et, tirant sa mentule en l’air, les compissa sy aigrement qu’il en noya deux cens soixa nte mille quatre cens dix et huyt » (p.148), « lors pissa si copieusement que l’urine trancha le chemin aux pelerins, et furent contrainctz passer la grande boyre » (p.302) ; « sa jument pissa pour se lascher le ventre ; mais ce fut en telle abondance qu’elle en feist sept 2. »

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