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Peut-on distinguer une oeuvre d'art d'un objet quelconque ?

Publié le 29/01/2004

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On pourrait donc conclure que la beauté d'un objet ne suffit pas à en faire une oeuvre d'art, en insistant sur l'importance de la création humaine.D'autre part nous pouvons examiner le critère du côté du spectateur; c'est lui qui capte la beauté d'une oeuvre, elle est tournée vers lui. Il reçoit et éprouve cette beauté sur le mode du plaisir des sens. Son expérience sensible est liée à l'émotion. Mais le sensible immédiat n'est pas la seule composante de notre expérience : celle-ci est indéniablement constituée de notre jugement. Nous n'apprécions pas seulement une oeuvre à la surface de nos sens : nous la comprenons, nous la réfléchissons.Il faut donc dépasser le critère du beau et examiner ce lien qui apparaît entre le créateur et le spectateur la main et l'oeil, en matière de peinture par exemple.Il s'agirait donc d'un critère de communication. L'oeuvre d'art n'est pas seulement une émotion, pas seulement l'expression du désir. Son indispensable matérialité, la cohérence du matériau et de la technique en font une réelle expression.

« Nous aboutissons donc à un terme plus précis que le mot communication : il s'agit d'un véritable langage, le critèrequi distingue l'oeuvre de l'objet est donc un critère de signification.Si l'on admet cette idée de langage, on conçoit l'objet quelconque comme un signe, un code clair, totalementévident, et dont le système de fonctionnement est l'utilité.

L'oeuvre d'art est plus qu'un signe : elle est symbole,c'est-à-dire que son apparence appelle « autre chose », dont le sens, touffu, dense, non immédiat, tend àtranscrire une subjectivité, à signifier un monde.

monde.A l'issue de ces premières distinctions, nous pourrions donc dire que l'objet quelconque est fabriqué et utilisé, alorsque l'oeuvre d'art est créée et comprise.Dans une telle optique, il faut examiner cette matérialité « commune » qui a fait l'objet de nos premières remarques.L'objet quelconque existe complètement par sa matérialité, dans la mesure où celle-ci détermine une forme ou unefonction.

Il faut bien préciser forme ou fonction, car si « objet quelconque » nous fait penser immédiatement à «objet utilitaire » (tables, chaises, casseroles, etc.), un certain nombre d'objets répondent également à des critèresd'expression, représentant l'esquisse d'une démarche artistique : le vêtement illustre ce type d'objet.Mais, toujours, la matérialité concrète, immédiate, nécessaire de l'objet suffit totalement à déterminer tous sescaractères, à déterminer l'objet dans son existence totale, le plus souvent sa fonction.L'oeuvre d'art « déborde » cette matérialité puisqu'elle peut être comprise comme une signification en tant qu'elleest un lien entre deux sensibilités : le créateur et le spectateur.

L'oeuvre d'art reste malgré tout « quelque chose »de concret, c'est pour cela que l'art n'est pas seulement un désir, il est une « chose ».

La matérialité estl'irrémédiable support de tout message artistique.Elle s'oppose apparemment à l'universalité vers laquelle l'artiste et le spectateur tendent.

Cette universalité est lavéritable signification de toute couvre d'art : elle est un début d'abstraction, elle dépasse le stade de la sensation.C'est dans cette universalité que l'on peut « marier » la peinture figurative et la peinture dite « abstraite » :Mathieu, le peintre contemporain, recherche un universel, un absolu, quelque chose comme un signe magique quivaudrait pour tous les hommes, et il cherche cela en lui seul.

Van Gogh, quand il peint une chaise de paille, va lui aussi plus loin que la réalité d'une chaise : cette chaise est, pour l'observateur ému, toute la pauvreté, la rusticité,un délabrement véritablement universel.Il n'en reste pas moins, et le contraste peut être violent, que ces tableaux, produits d'une émotion très dense,langages symboliques, universels, transcriptions du réel le plus humain, sont des objets, déposés d'ailleurs pour leurmajeure partie dans des lieux réservés à ces objets : des musées.La matérialité peut donc être ressentie comme une restriction nécessaire, voire contraignante.

Proust parle à cetégard de sacrifice.

L'oeuvre d'art est un sacrifice dans la mesure où- l'artiste doit choisir un matériau, un geste, unedimension, une forme : c'est-à-dire qu'il renonce à toutes les autres.

Pour Proust ce sacrifice, c'est l'art même : cesacrifice est sublime, il concentre une humanité entière, il incarne un universel auparavant informe.

Nous pourrionsajouter que ce sacrifice, c'est tout simplement le choix, et donc la liberté.

L'art, en tant qu'expression subjective d'un individu, d'une époque, est souvent opposé au monde des objetsutilitaires, quotidiens : les objets « quelconques ».

Il est intéressant de considérer cette alternative en confrontantl'objet quelconque à l'oeuvre d'art concrète, qui elle aussi est un « objet », plutôt qu'à l'art en général.L'oeuvre est donc objet, de par son individualité, sa matérialité : elle s'adresse directement, immédiatement à nossens.

Le « donné sensible » caractérise l'objet d'art et l'objet quelconque.

Mais au-delà de cette caractéristiquecommune nous pressentons un certain nombre de critères qui permettent de distinguer l'oeuvre d'art de l'objetquelconque; quels sont ces critères? Le terme « objet quelconque » est d'ailleurs très vague.

Il peut en effet s'agir d'un objet de la nature : le typed'objet que l'homme rencontre nécessairement, qu'il n'a ni inventé, ni fabriqué.

Ici la différence est évidente : lecritère qui distingue l'oeuvre de ce type d'objet est l'homme lui-même, ou du moins la création humaine.

L'art,phénomène de culture, fait nécessairement intervenir la main de l'homme.

A cette lumière nous comprenons pourquoiune oeuvre d'art n'imite pas la nature mais la transcrit.Mais le terme « objet » évoque plus directement la notion de produit humain, d'objet fabriqué, c'est-à-dire résultantd'une technique.

Nous retrouvons la notion d'art, en grec : techné; l'origine de la démarche artistique est doncconfondue avec l'artisanat, puisque le mot art est confondu avec le terme de technique; l'oeuvre d'art c'est, enGrèce archaïque, tout simplement le travail bien fait, la fabrication exécutée par une main habile ou savante.La distinction qui va s'opérer sera donc historique.

Un certain nombre d'objets, en devenant utiles, vont perdretoute valeur d'expression, puis de création, puisque la division du travail et la mécanisation produiront finalementdes séries d'objets définitivement et strictement fonctionnels.Dans ce contexte, le premier critère qui peut venir à l'esprit pour distinguer l'oeuvre de l'objet quelconque, est lecritère de beauté : c'est le critère le plus généralement reconnu, apparemment satisfaisant.

L'oeuvre d'art est belle,admirable : cela serait une fin en soi.

L'objet, lui, est fonctionnel, utile...

laid? C'est dans cette opposition que noussentons une hésitation.

Le problème actuel de l'esthétique industrielle se pose.

Que font véritablement ces hommesqui s'efforcent de concevoir des objets, destinés à être industrialisés, de façon esthétique? Que sont exactementces modèles « fonctionnels », automobiles, appareils électroménagers, stylos, conçus pour être « beaux »?L'esthétique industrielle est-elle la forme moderne de l'art? Elle a la qualité de lutter contre une conceptionméprisante des objets quotidiens.

Mais il est impossible de considérer cette tendance comme une expressionartistique à part entière, dans la mesure où seul le modèle premier sort des mains d'un homme, en tant qu'oeuvre.Les milliers d'objets standardisés et diffusés prennent une forme commune : une fonction.

On pourrait donc conclureque la beauté d'un objet ne suffit pas à en faire une oeuvre d'art, en insistant sur l'importance de la créationhumaine.. »

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