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Peut-on exercer sa liberté sans contraintes ?

Publié le 17/12/2005

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 2-     On ne doit pas exercer sa liberté sans contraintes a)     Vraie et fausse conceptions de la puissance Comme le souligne Platon, dans le Gorgias, le tyran, tout aussi puissant qu'il soit, n'est pas heureux : il exerce certes sa liberté sans contraintes, mais celle-ci est, par sa définition même, la mise en échec de la liberté réelle : tout pouvoir, c'est par là même ne rien pouvoir. Pourquoi ? Satisfaire tous ses désirs sans jamais être empêché, dominer sans être dominé, revient à exercer sa liberté hors de tout contrôle. Un tel exercice de la liberté s'apparente à l'anneau de Gygès qui permet d'agir en toute impunité (celui-ci dérobant la transgression à la visibilité - Cf. République, L. II, 359-d) et est synonyme de licence. Or, que vaut un pouvoir sans frein ? Une contrainte n'est pas seulement ce qui fait obstacle à mon action, mais c'est aussi une limite et donc une fin (télos) : être contraint c'est être limité et donc fini. Or la fin d'une chose, en est aussi l'achèvement au sens d'accomplissement. C'est pourquoi, le tyran dont la liberté n'est jamais contrainte est aussi impuissant : il ignore quel est sa fin, quel est son bien.

Remarques sur l’intitulé :
·             Le sujet invite à s’interroger sur ce qui est possible (« peut-on «). Or on distingue au moins deux sorte de possible : 1) selon que l’on a les moyens de… ; possible = réalisable 2) selon que l’on a le droit de … ; possible = permis. Il faudra donc préciser en quel sens « on peut ou non exercer … «.
·             Ensuite, il est question d’ « exercer sa liberté «, donc du domaine de l’agir ; afin d’éviter les contre sens, on ne saurait donc réduire la réflexion au fait d’être libre, à un état ou un donné. Le verbe souligne une compréhension dynamique de la liberté.
·             La question porte donc sur les conditions d’exercice de la liberté : ces conditions excluent-elles toute forme de contraintes ou bien présupposent-elles des contraintes ?
Pour élaborer une problématique, il faut bien fonder le second membre de l’alternative. A cet effet, on fera remarquer que, sans contraintes, l’exercice de la liberté individuelle paraît alors coïncider avec le droit naturel tel que le définit Hobbes[1].
 
Le problème est donc le suivant : est-il possible, sans menacer la paix civile et la justice, d’exercer sa liberté sans contrainte ou bien toute forme de contrainte est-elle une atteinte à ce que doit être un exercice authentique de la liberté (celle-ci étant, par définition, absence de toute contrainte) ?
[1] Selon Hobbes ; les passions humaines sont telles qu’en l’absence d’un pouvoir contraignant qui tiennent tous les hommes en respect, chacun est une menace pour chacun, et cela, précisément parce que chacun est libre « d’user de sa propre puissance comme il le veut lui-même pour la préservation de sa propre vie « = définition du droit naturel, c’est-à-dire du droit sur toute chose, y compris sur le corps des autres, tant qu’on en est pas empêché.

« impunité (celui-ci dérobant la transgression à la visibilité – Cf.

République , L.

II, 359-d ) et est synonyme de licence . Or, que vaut un pouvoir sans frein ? Une contrainte n'est pas seulement ce qui fait obstacle à mon action, mais c'est aussi une limite et donc une fin (télos ) : être contraint c'est être limité et donc fini.

Or la fin d'une chose, en est aussi l'achèvement au sens d'accomplissement.

C'est pourquoi, le tyran dont la liberté n'est jamais contrainte est aussi impuissant : il ignore quel est sa fin, quel est son bien . Pouvoir suppose de se fixer des buts préalables et se montrer capable de contraindre ses désirs en vue de la réalisation de ces actions .

Exemple : le malade accepte de boire la potion amère – y est contraint – parce que son action vise, non pas l'agréable ou un plaisir immédiat, mais un but déterminé : recouvrer la santé(Gorgias , 467 c-e ).

Autrement dit, l'homme réellement puissant est capable de faire ce qu'il veut (car il le sait ) et non ce qui lui plaît, il est donc avant tout et en toutes choses mesuré . L'analyse de Socrate montre donc qu'exercer sa liberté sans contraintes est acte de démesure (ou hubris ). Or l'absence de mesure est aussi l'absence d'ordre et de justice .

Telles sont les implications de la thèse socratique que développe Hobbes aux chapitres 13 et 14 du Léviathan . b) Sans contraintes, l'exercice de la liberté s'oppose à l'ordre et à la paix civile Selon Hobbes, c'est volontairement que les hommes se sont soumis à l'autorité d'un état.

En effet, à l'état de nature, la vie est « malheureuse, pénible, bestiale et brève », et cela, en raison d'un droit de nature absolu ( Cf. note page 1 ) : l'état de nature, la condition où vivent les hommes « sans qu'une puissance commune les tiennent tous en respect », ne tombe sous le coup d'aucun jugement : rien ne peut être injuste puisque « là où il n'y a pasde puissance commune, il n'y a pas de lois ; là où il n'y a pas de lois, pas de justice ».

Dès lors, la fraude et la forcesont les vertus cardinales.

Conséquence : les hommes renoncent à leur droit naturel en échange de la paix et de la sécurité assuré par l'état (qui est la somme des pouvoirs de tous).

Ainsi, selon Hobbes, tout refus des contraintes imposées par l'état risque de faire réapparaître l'état de nature où règne la guerre de chacun contre chacun. En dehors de l'Etat, les hommes jouissent d'une liberté absolue.

Mais chacundisposant de la même liberté absolue, tous sont exposés à subir des autres cequi leur plaît.

La constitution d'une société civile et d'un État oblige à unenécessaire limitation de la liberté : il n'en reste que ce qu'il faut pour vivrebien et vivre en paix.

Chacun perd de sa liberté cette part qui pouvait lerendre redoutable pour autrui.

Dans l'état de nature, chacun jouissait d'undroit illimité sur toutes choses, mais tous disposant du même droit, nul n'étaitassuré de ne rien posséder durablement.

L'État garantira la sécurité d'un droitde propriété limité.

Enfin, dans l'état de nature, chacun était exposé à lamenace d'autrui : il pouvait être à tout instant dépouillé de ses biens et tué.Dans une société civile, seul le pouvoir de l'État s'arroge ce droit.

Un Etatcapable de protéger tous les citoyens de la violence des uns et des autres,de garantir la sécurité de leurs corps et de leurs biens, de leur assurer lajouissance des fruits de leur travail, de faire régner la paix, la civilité, le savoiret la sociabilité ne peut être que despotique.

Pour sortir les hommes del'empire des passions, de la guerre, de la crainte, de la pauvreté, de lasolitude, de l'ignorance et de la férocité, l'État est une puissance absolue,instituée en vue de la paix et de la sécurité.

"Quiconque a droit à la fin, adroit aux moyens." Chaque homme ou assemblée investis de la souverainetésont juges absolus de tous les moyens nécessaires pour protéger ou garantir cette fin.

"Une doctrine incompatible avec la paix ne peut pas davantage être vraie, que la paix et la concorde nepeuvent être contraires à la loi de nature." La seule manière d'ériger un État est que tous confient leur pouvoir etleur force à un seul souverain (homme ou assemblée).

Toutes les volontés doivent être réduites à une seulevolonté.

L'État n'est pas un consensus ou une concorde, mais une unité réelle de tous en une seule et mêmepersonne.

Transition : - On vient d'examiner les enjeux politiques du sujet : l'exercice de sa liberté sans contraintes rend toute forme de justice impraticable : illimitée, la liberté est un des ressorts de la guerre, c'est-à-dire qu'ellene peut qu'être source de conflits. - Cependant , Hobbes tire argument de ce constat pour justifier une obéissance absolue aux lois établies par l'état.

De même, on sait que Platon critique violemment la démocratie ( République , livre 8).

Comment alors parler encore de liberté ? - Problème : peut-on être à la fois libre tout en étant contraint ? - Tel est le dilemme auquel permet de répondre le concept d' autonomie tel qu'il est élaboré par Kant. 3- L'EXERCICE DE LA LIBERTÉ : SE CONTRAINDRE SOI -MÊME définition kantienne de l'autonomie (voir Métaphysique des moeurs , Fondation , 3e section, tr.A.

Renaut, Paris, GF, 1994, vol.

I, p.131-132 .) Auto signifiant soi-même, et nomos renvoyant au terme de loi, Kant pense la liberté comme le pouvoir de se donner à soi-même sa propre loi, de se contraindre volontairement.

Autrement dit, Kant conserve l'idée qu'il ne peut y avoir. »

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