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Peut-on se fier au sentiment de liberté ?

Publié le 15/04/2005

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« Si à un instant la roue du monde s'arrêtait et qu'il y eût là une intelligence calculatrice omnisciente pour mettre à profit cette pause, elle pourrait continuer à calculer l'avenir de chaque être jusqu'aux temps les plus éloignés et marquer chaque trace où cette roue passera désormais. « Nietzsche, Humain, trop humain, 1878. « Telle est cette liberté humaine que tous se vantent de posséder et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients de leurs désirs et ignorants des causes qui les déterminent. « Spinoza, Lettre à Schuller, 1674.Pour Spinoza, l'illusion du libre arbitre vient du fait que les hommes sont tout à fait conscients de leurs actions, mais qu'ils ignorent les causes qui les déterminent. « C'est par l'effet de [la] volonté éternelle et primitive [de Dieu] que tous les animaux se meuvent selon leur libre arbitre, et que l'homme a le pouvoir de faire tout ce qu'il veut, ou tout ce qu'il préfère d'entre les actions dont il est capable. « Maimonide, Le Guide des égarés, xiie s.Le libre arbitre désigne primitivement la faculté qu'aurait l'homme de pouvoir choisir (arbitrer) entre deux actions librement, c'est-à-dire indépendamment de toute contrainte externe, sans autre cause que le vouloir lui-même. « On dirait que [la plupart de ceux qui ont parlé des sentiments et des conduites humaines] conçoivent l'homme dans la Nature comme un empire dans un empire. « Spinoza, Éthique, 1677 (posth.

• Le sentiment comme « expérience immédiate «, comme « donnée immédiate de la conscience «. En quoi ce caractère d'immédiateté peut donner l'idée que « la liberté « « existe «? Pose d'une certaine façon le problème de la liberté?

  • Cf. Rousseau.

« Un raisonnement a beau me prouver que je ne suis pas libre, le sentiment intérieur, plus fort que tous ses arguments, les dément sans cesse. «

  • Cf. Bergson opposant la liberté comme « donnée immédiate de la conscience « à, selon lui, l'illusion de déterminisme engendrée par le « morcelage « opérée par l'intelligence.
  • Cf. Descartes.

« La liberté de notre volonté se connaît sans preuve par la seule expérience que nous en avons. «

• Peut-on, en toute rigueur, confondre sans problème sentiment de la liberté avec expérience de la liberté? — Un sentiment peut-il prouver autre chose que le fait qu'on éprouve ce sentiment?' — S'il s'agit d'une expérience, cela n'exigerait-il pas une analyse régressive qui découvrirait à l'intérieur de la conscience le fait de la liberté. (C'est ce que, par exemple, Maine de Biran a tenté de faire : consulter à ce sujet son livre : Essais sur les fondements de la psychologie (PUF) chapitre IV. Des idées de liberté et de nécessité.) • Mais une telle analyse n'arriverait-elle pas qu'à dévoiler des motifs et des modèles dont on ne peut s'assurer qu'ils soient sans cause (même quand on ignore celle-ci)? « Jamais n'a été réfutée la remarque de Spinoza qui veut que le sentiment d'être libre s'éprouve au plus haut degré là où précisément, comme dans l'ivresse, il est le plus manifeste que le sujet ignore les causes qui le font agir, qu'il a perdu la maîtrise de sa pensée et de sa parole « dit Brunschvieg. — S'interroger sur le sentiment intérieur de liberté éprouvé par « l'aliéné «, l'hypnotisé. • Enfin se fier au sentiment de liberté, c'est se fier exactement à quoi? (On sait que la notion de liberté a été interprétée de façon très diverse). — S'agit-il d'une conception de la liberté comme libre-arbitre, comme liberté d'indifférence? — Ne pourrait-on se demander si se fier au sentiment de liberté, ne serait pas se fier à une certaine conception de la liberté (dont on peut mettre en doute non seulement l'existence mais la valeur). — Se fier au sentiment de liberté, ne serait-ce pas être amené à valoriser sans problème une certaine conception de la liberté (qui ferait pourtant problème)?

« ». B.

Critique du libre arbitre Une liberté se déterminant indifféremment dans un sens ou dans un autre se traduit par des actes gratuits.

Un actegratuit est un acte commis sans raison, un acte qui n'a pas plus de raisons d'avoir été commis que de ne pas l'avoirété, un acte non motivé, non déterminé.

Dans le Prométhée mal enchaîné, A.

Gide écrit : «j'ai longtemps pensé quec'était là ce qui distinguait l'homme des animaux : une action gratuite...

Un acte qui n'est motivé par rien...

L'actedésintéressé; né de soi; l'acte aussi sans but; donc sans maître, l'acte libre; l'Acte autochtone.

»Ainsi dans Les caves du Vatican, on voit le personnage Lafcadio accomplir un acte « sans raison ni profit », unmeurtre immotivé, celui d'Amédée Fleurissoire, rencontré dans un train.

Mais, en fait, cet acte a pour but de prouverà Lafcadio sa liberté.

Il n'est donc pas gratuit puisqu'il est déterminé par le désir d'accomplir un acte gratuit.

Enoutre, qui peut juger de la gratuité d'un acte sinon celui qui le commet ? Or celui-ci, même s'il a le sentimentintérieur d'agir gratuitement, peut ignorer les véritables déterminations insensibles ou inconscientes de son acte.C'est dans ce sens que Leibniz, dans ses Essais de Théodicée', affirme que la liberté d'indifférence est une purefiction.

Le cas de l'âne de Buridan, dit-il, est une fiction « qui ne saurait avoir lieu dans l'univers, dans l'ordre de lanature ».

Il y aura toujours bien des choses « dans l'âne et hors de l'âne, quoiqu'elles ne nous paraissent pas, qui ledétermineront à aller d'un côté plutôt que de l'autre ».

Il en est de même pour l'homme qui, quoique libre, ce quel'âne n'est pas, ne saurait se trouver dans le « cas d'un parfait équilibre entre deux partis ».

Et seul un ange ou Dieupourrait toujours rendre raison du parti que l'homme a pris, « en assignant une cause ou une raison inclinante qui l'aporté véritablement à le prendre ».

Cette raison est souvent inconcevable à nous-même parce que « l'enchaînementdes causes liées les unes avec les autres va loin ».Ainsi — pour Leibniz — quoique l'homme se décide à faire, quel que soit le choix auquel il s'arrête, c'est toujours en lui la raison la plus forte qui l'y détermine.

Or cette raison a une cause etcette cause a nécessairement à son tour une autre cause et ainsi de suite.Cette chaîne sans fin des causes est ce qui nous met souvent dansl'ignorance de la raison de nos actes.Une liberté se déterminant sans raison est donc une absurdité.

Aussi absurdeest une liberté s'affirmant par le choix de l'erreur ou du mal puisqu'elle le faitpour cette raison que c'est un bien de témoigner ainsi de sa puissance.

Il y adonc une raison pour se déterminer contre la raison, de sorte que le choix esttoujours déterminé.

Il faut donc s'en tenir au principe de raison suffisante quiveut que « rien n'est sans raison».Et s'il est vrai que nous ne sommes pas toujours conscients des véritablesdéterminations de nos actes, l'affirmation de la liberté à partir du sentimentintérieur que nous en avons se révèle illusoire.Pour Spinoza, le libre arbitre est en effet une illusion : « Les hommes...

setrompent en ce qu'ils peuvent être libres; et cette opinion consisteuniquement pour eux à être conscients de leurs actions, et ignorants descauses par lesquelles ils sont déterminés.

L'idée de leur liberté c'est doncqu'ils ne connaissent aucune cause à leurs actions.

» LA LIBERTÉ ET L'ILLUSION"Les hommes se croient libres parcequ'ils ont conscience de leurs volitionset de leur appétit, et qu'ils ne pensent pas, même en rêve, aux causes qui lesdisposent à désirer et à vouloir, parce qu'ils les ignorent." Spinoza, Éthique, I,Appendice, 1677. L'homme se croit libre parce qu'il est conscient de ses désirs mais le plussouvent il est incapable de justifier rationnellement ses actes.

De ce fait, saliberté est illusoire.

Cependant, cela ne signifie pas que l'être humain estabsolument déterminé.

Pour Spinoza, il ne s'agit pas d'imposer une rationalitétriomphante mais de démontrer que la liberté telle qu'elle est conçuehabituellement est un sentiment et non une connaissance, tout en suggérantque seule la conscience de la passion peut conduire le sujet vers uneauthentique liberté.. »

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