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Peut-on forcer quelqu'un à être libre ?

Publié le 01/02/2004

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            Nous avons vu que la position de Rousseau, comporte le danger que sous prétexte de rendre les gens libres contre leur gré, on ne leur face en réalité violence de façon illégitime. Il est vrai qu'il est parfois nécessaire d'exercer une contrainte sur les personnes qui refusent de respecter la loi, en les mettant en prison par exemple, dans le cas de délits graves ou de crimes. Mais il faut alors reconnaître que c'est pour protéger la société, et non pour rendre ces personnes libres qu'on en use de la sorte. Rendre quelqu'un libre, c'est nécessairement faire appel à sa liberté, en exerçant par exemple sa liberté de penser. Ainsi dans Alcibiade, Platon met en scène Socrate et Alcibiade. Alcibiade veut faire de la politique, et en tant que citoyen athénien il est tout à fait libre de le faire. Mais Socrate lui montre qu'il ne se connaît pas lui-même, parce qu'il ignore que son moi profond est constitué par son âme, c'est-à-dire principalement par sa capacité de penser, d'interroger par lui-même le sens de notions comme le juste ou l'injuste. Alcibiade doit donc apprendre à penser par lui-même, et c'est à cette condition seulement qu'il sera libre d'entreprendre une carrière politique. Or Socrate ne force pas Alcibiade à reconnaître que pour faire de la politique il faut pouvoir penser par soi-même, pas plus qu'il ne le force à adopter ses opinions. Il exerce son jugement à la faveur d'un dialogue, et n'adopte pas à l'égard d'Alcibiade une fonction de contrainte mais d'accompagnement.

« Ce qui fait que l'homme est un être libre, c'est que contrairement à l'animal, il est capable de guider sa conduite selon certains principes, notamment moraux.

Or on peut sedemander d'où lui vient cette capacité.

Dans La généalogie de la morale, II , Nietzsche considère que la société opère sur l'homme un travail d'éducation, àtravers la pratique des échanges.

En effet en rentrant dans le jeu deséchanges sociaux, l'homme découvre qu'il doit tenir sa parole, car s'il ne latient pas il est puni pour cela.

Nietzsche prend l'exemple de la dette.

Unhomme qui contracte une dette mais qui refuse de la payer ensuite, serasoumis à des sanctions très dures dans les toutes sociétés archaïques, quipeuvent aller jusqu'à des châtiments corporels sévères.

Il s'agit donc dans unpremier temps d'un véritable travail de dressage, identique à celui qu'oneffectuerait sur une bête.

Mais vient un temps où l'homme a intégré le faitqu'il doit tenir sa parole, et où il est capable de le faire.

Or si cette capacitésert les autres, qui savent que l'homme est devenu fiable, elle élève aussil'homme lui-même au rang de sujet de sa vie, car cet homme pourra sepromettre des choses à lui-même, et les tenir.

Dans cette perspectivel'homme tire sa liberté de la contrainte qu'exerce d'abord sur lui la société,puisque être libre ce n'est pas faire n'importe quoi, mais faire ce que l'on adécidé de faire.

On comprend donc que si l'on ne peut pas forcer quelqu'un àêtre libre au sens où lorsque l'on exerce une contrainte sur un être il n'est paslibre, on peut néanmoins forcer un être à devenir libre.

Toute entreprised'éducation consiste à viser la liberté du sujet comme une fin à atteindre,mais utilise pour ce faire à titre de moyen une contrainte exercée sur l'enfant en devenir.

II.

On peut forcer quelqu'un à être libre lorsqu'il ne comprend pas lui-même le sens de sa propre liberté,mais cela comporte toujours le danger d'un abus d'autorité.

Avec Nietzsche nous avons vu que l'on peut en un sens forcer quelqu'un à devenir libre.

Mais lorsque l'on a affaire à un sujet constitué, peut-on le forcer à être libre.

La possibilité doit être ici interrogée en un sens moral, c'est-à-dire qu'il s'agit de répondre à la question de savoir s'il est légitime de le faire.

Or il semble qu'il soit légitime de le faire lorsque l'on a affaire à un sujet qui ne comprend pas le sens de sa propre liberté.

Dans Le contrat social , Rousseau considère que la véritable liberté n'est pas la liberté naturelle, mais celle à laquelle on s'élève en entrantdans l'état civil.

Cette entrée se fait à la faveur d'un contrat par lequel pour assurer leur sécurité, les hommes sedémettent de leur liberté naturelle au profit de tous , c'est-à-dire au profit de la volonté générale .

Or c'est la volonté générale qui ensuite fait les lois, et chaque citoyen participe de cette volonté générale.

On voit donc que sil'individu perd sa liberté naturelle de faire tout ce qui lui plaît, il gagne la liberté civile, qui consiste dans le fait den'obéir qu'à la loi (et non à tel ou tel individu).

Or puisqu'il a lui-même contribué à l'établissement de la loi en tantqu'il est membre de la volonté générale, l'individu n'obéit ainsi qu'à lui-même et il est véritablement libre.

Rousseaupense que celui qui refuse d'obéir méconnaît sa liberté, et qu'on a donc le droit de « le forcer à être libre », c'est-à-dire à respecter les lois.

Cette position comporte néanmoins le danger d'un Etat tyrannique, qui sous prétexte derendre les gens libres malgré eux, les asservit. On le forcera d'être libre (Rousseau). On trouve cette formule énigmatique au septième chapitre du premier livre du« Contrat social ».

Rousseau affirme que celui qui refuse d'obéir aux lois peuty être contraint par le corps social, mais il ajoute que cette contrainte serten fait la liberté de celui qui y est soumis.

Ce paradoxe met en évidence latension qui existe entre notre existence d'individu et notre existence decitoyen, et interroge sur la conciliation de l'obéissance civique avec la liberté.Rousseau partage avec les partisans du droit naturel l'idée que l'être humainest naturellement libre et autonome, chacun d'entre nous a naturellement ledroit de décider de ses propres actions, dans son propre intérêt.

Or,l'intégration à un Etat nécessite une organisation sociale, des lois, un pouvoircommun.

Le problème central qu'examine le « Contrat social » est de savoirce qu'est une loi légitime, ou encore de déterminer à quoi chacun de nouss'engage en vivant sous un pouvoir commun.

Qu'est-ce que je donne de monpouvoir de me diriger moi-même ? à qui ? en l'échange de quoi ? Ou encore,dans quel but véritable les hommes décident-ils de s'associer, de se donnerdes lois communes ?Alors que Hobbes pense que le souci d'être en sécurité est le principal moteurde la vie sociale, Rousseau affirme que « renoncer à sa liberté, c'est renoncerà sa qualité d'homme ».

Non seulement la liberté est inaliénable, et nul nepeut vouloir être soumis à un autre, mais surtout les hommes s'associent pourconserver leur liberté et se préserver des rapports de dépendancepersonnelle.Le problème de la création de l'Etat légitime peut donc s'énoncer ainsi : « Trouver une forme d'association quidéfende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun. »

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