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Peut-on interpréter ce que l'on n'a pas déjà compris ?

Publié le 26/01/2004

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Discussion : Comprendre, interpréter, appliquer, c'est la triade classique. Ces différentes opérations de l'intelligence se superposent-elles, se substituent-elles l'une à l'autre, sont-elles complémentaires ou irréductibles l'une à l'autre ?   Suggestion de plan :   Première partie : La compréhension L'opération de compréhension implique la saisie d'un sens déterminé et commun aux divers interlocuteurs : elle est soumission à des normes. La compréhension se présente comme un impératif univoque, qui s'utilise normalement au singulier. Comme l'indique son étymologie, comprendre signifie «prendre ensemble», la compréhension possède un caractère fondamentalement totalisant. Il y a quelque chose d'automatique dans la compréhension. Valéry, qui s'intéressait aux phénomènes cognitifs, notait que « Tout homme tend à devenir machine. Habitude, méthode, maîtrise, enfin -cela veut dire machine », cela signifie que les phénomènes de compréhension mettent en jeu des mécanismes systématiques et reproductibles. La compréhension repose sur le fonctionnement du langage tel qu'il est intériorisé dans une communauté donnée : ce sont les règles syntaxiques, l'organisation sémantique de la langue et l'ensemble des règles discursives en usage qui garantissent la validité de ma compréhension immédiate et me permettent de la partager avec d'autres. Cependant, l'acte même de comprendre ne doit pas s'en trouver déprécié car, ainsi que le souligne Bachelard : « Comprendre est l'acte même du devenir de l'esprit.

« Troisième partie : Les échanges Malgré ces oppositions, les opérations désignées par les verbes comprendre et interpréter relèvent d'une mêmevolonté de saisir le sens.

Mais elles n'ont pas le même statut.

L'interprétation entre en jeu lorsque la compréhensionse trouve en défaut, que l'esprit est dans une impasse, qu'il bute sur un matériau irréductiblement énigmatique : oninterprète les rêves, les messages volontairement obscurs ou rédigés en une langue inconnue.

Pour ce faire, lapratique interprétative recourt à une table de correspondances plus ou moins rigoureuse et fiable : par exemple, levol des corbeaux qu'interprétaient les augures romains.

Dans la plupart des cas, l'interprétation permet dedéboucher sur une compréhension plus large, plus éclairée (au moins subjectivement), d'une donnée particulière.Interpréter semble donc bien se situer ici en amont de la compréhension. La distinction entre comprendre et interpréter ne relève pas de la seule capacité à communiquer en un même point (ce qui se vérifierait dans la compréhension et non dans l'interprétation ), mais se rapporte au degré de consciencedu sujet.

Si ce dernier a une pleine notion des relations qu'il établit entre les données pour en extraire du sens, desvides qu'il est obligé de combler, et des incertitudes inhérentes à ces opérations, il est en train d'interpréter.

Si desrelations de sens s'établissent facilement, à l'aide de processus automatiques, sans obliger le sujet à effectuer descalculs conscients, celui-ci dira qu'il a compris ; ce qui peut se produire aussi, à la suite d'une interprétation jugée satisfaisante.

Dans l'interprétation, au contraire, le sujet interprétant peut délibérément contester le langage, enfausser le fonctionnement, s'éloigner des acceptions courantes, inventer ses propres définitions.

D'où la connotationnégative facilement attachée à ce terme.

Quand quelqu'un applique un traitement tendancieux à des paroles, il nemanque pas de se faire dire qu'il interprète , ce terme servant alors à discréditer une lecture obtenue par suite d'un dévoiement des règles communes de production du sens. Conclusion : La question reste ouverte : on interprète ce que l'on n'a pas compris, mais interpréter c'est s'efforcer à lacompréhension.

Ricoeur pour sa part tient à garder une radicale différence de nature entre comprendre etinterpréter : «En tout signe un véhicule sensible est porteur de la fonction signifiante qui fait qu'il vaut pour autrechose.

Mais je ne dirai pas que j'interprète le signe sensible lorsque je comprends ce qu'il dit.

L'interprétation seréfère à une structure intentionnelle de second degré qui suppose qu'un premier sens est constitué où quelquechose est visé à titre premier, mais où ce quelque chose renvoie à autre chose qui n'est visé que par lui.». »

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