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Peut-on légitimement instituer une langue universelle ?

Publié le 02/01/2004

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langue
C'est ici le verbe « instituer « qui peut nous orienter : s'agit-il en effet d'instituer au sens du décret, et de croire qu'un langage inventé peut s'imposer, ou bien l'évolution des langues relève-t-elle du seul fait ? Bref, le langage est-il quelque chose de donné ou de construit ?
I - Le rêve d'une langue nouvelle
a) C'est dans le cadre d'une recherche sur la pensée que Leibniz a travaillé sur un art comminatoire (l'ars combinatoria) qui se veut être l'instrument d'une grande ambition : établir l'alphabet des pensées humaines. Cela ne va pas sans une certaine tonalité adamique : Leibniz est persuadé de l'existence d'un monde intelligible, et en ce sens, la langue universelle qu'il veut établir renvoie à la fois à la nostalgie d'une communication transparente et à une exigence logique et systématique. Revendiquant cette double légitimité, Leibniz se propose donc bel et bien la production d'une langue universelle : s'il s'agit de réformer les langues, c'est pour réformer les pensées.b) Descartes avait répondu d'avance, en quelque sorte, à ce projet, en examinant, quarante ans auparavant, un projet de langue universelle dans une Lettre à Mersenne. Tout en reconnaissant, en droit, la possibilité de ce projet et l'opportunité de qu'il sous-tend (« je dis que cette langue est possible, et qu'on peut trouver la Science de qui elle dépend «), il est en revanche catégorique sur la possibilité qu'il y a, dans les faits, de l'instituer : « N'espérez pas de la voir jamais en usage ; cela présuppose de grands changements en l'ordre des choses, et il faudrait que tout le Monde fût un paradis terrestre, ce qui n'est bon à proposer que dans le pays des romans «. La tonalité du sarcasme cartésien est claire : instituer une langue universelle relève de l'utopie, c'est-à-dire d'une aspiration à la suppression du temps (on lira en écho le début du texte n° 3 de Merleau-Ponty). Les faits ne sont pas ce qu'ils sont par hasard : ils sont dépositaires d'une durée et d'un usage.c) Même si elle ne va effectivement pas sans utopie, l'idée d'une langue universelle et de son institution paraît revêtir une certaine légitimité morale au-delà des difficultés de sa mise en usage.
En un temps où la notion de communication planétaire occupe tous les esprits, l'idée d'une langue universelle est d'une certaine actualité. Vouloir promouvoir une langue universelle, c'est considérer la diversité des langues comme un obstacle à cette communication. De quel droit peut-on réformer cette diversité de fait ? C'est ici le verbe « instituer « qui peut nous orienter : s'agit-il en effet d'instituer au sens du décret, et de croire qu'un langage inventé peut s'imposer, ou bien l'évolution des langues relève-t-elle du seul fait ? Bref, le langage est-il quelque chose de donné ou de construit ?


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