Peut-on mal agir si l'on agit que par respect du devoir ?
Publié le 26/07/2005
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Par le terme restrictif ‘’que’’, le sujet semble insinuer qu’il existe plusieurs autres manières d’agir, que d’autres paramètres que celui de l’obéissance au devoir peuvent déterminer la valeur de l’action. Mais il insinue aussi que l’action peut être menée à la fois par le sens du devoir, et à la fois par autre chose. Quoi qu’il en soit, la formulation semble étrange puisque en général, lorsque l’on agit par devoir, on agit sans prendre en compte son intérêt particulier, et que de ce fait, l’action ne peut être que bonne.
Se pose donc la question de savoir si agir par devoir peut avoir des conséquences négatives, et dans ce cas comment y remédier. Autrement dit, est-ce qu’une action peut être bonne si elle ne se conforme pas au devoir ?
«
qu'un seul impératif catégorique d'où tous les impératifs du devoir peuvent être dérivés et que Kant énonce ainsi : «Agis uniquement d'après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle ».De cette formule, Kant en déduit trois autres :• « Agis comme si la maxime de ton action devait être érigée par ta volonté en loi universelle de la nature.
»• « Agis de telle sorte que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre,toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen.
»• « Agis toujours de telle sorte que tu puisses te considérer comme législateur et comme sujet dans un règne desfins rendu possible par la liberté de la volonté.
» II/ La bonne action morale n'est pas possible dans ce monde : ● Les impératifs catégoriques de Kant indiquent la forme que doit prendre l'action en toute circonstance.Ainsi, la formulation de cet impératif est la suivante « agis de telle sorte que la maxime de ta volonté puisse enmême temps toujours valoir comme le principe d'une législation universelle.
» CRPratique, I, §7.
Mais cette loi estpurement théorique, et elle ne s'applique peut être pas à tous les cas pratiques.
● C'est ce que met en évidence Benjamin Constant dans Du droit de mentir, lettre qu'il adresse à Kant, etdans laquelle il prend pour exemple une situation délicate où la stricte obéissance à la loi morale n'est pas forcémentbonne à suivre.
Imaginons ainsi qu'un ami poursuivi par des brigands vienne se réfugier chez moi, et que cesbrigands viennent frapper à ma porte.
Ils me demandent si mon ami est là, et si je suis l'impératif catégorique, je nedois pas mentir, et je dois donc dénoncer mon ami.
Dans ce cas, il semble évident que mentir soit plus approprié, etque agir par pur respect du devoir ne conduise pas à une action bonne, mais plutôt à l'inverse.
● C'est ce que met en évidence Hannah Arendt dans Eichmann à Jérusalem.
Elle analyse l'attitude du naziEichmann lors de son procès à Jérusalem, et montre la bonne conscience avec laquelle il appliquait la loi du 3 ème Reich.
Cet homme était d'autant plus dangereux qu'il était convaincu d'être le défenseur d'une cause absolumentmorale.
En effet, en considérant que l'obéissance au Führer était un devoir, il s'ensuivait qu'il fallait suivre tous cesordres, et qu'y désobéir serait immoral.
III/ Le devoir ne doit pas être seul critère de notre action : ● Comme nous venons de le montrer avec les exemple précédents, il semble évident que agir uniquement par respect du devoir ne conduit pas toujours à faire des actions bonnes.
On peut mal agir si l'on agit que par respectdu devoir.
Il faut donc maintenant voir s'il existe d'autres moyens pouvant guider l'action.
● Ce qui pose problème chez Kant, est le fait qu'il ne prend pas du tout en compte la fin de ses actions.Autrement dit, le point de vue kantien est déontologique, parce qu'il se conçoit indépendamment de touteconséquence qui pourrait résulter l'action.
Or, pour éviter de mal agir, il faudrait peut-être mettre l'accent sur lesbuts et les finalités d'une décision ou d'une action.
Dans cette optique, toute action ne peut être jugée bonne oumauvaise qu'en raison de ses conséquences.
C'est ce qu'explique Paul Ricoeur lorsqu'il met en évidence l'existencedes « conflits de devoirs » que la loi morale suscite et qu'elle est impuissante à résoudre. ● Selon lui, il faut alors se tourner vers « l'agir éthique ».
Ricoeur définit l'éthique d'un point de vue téléologique : le bien réside dans une fin visée comme ce qui est digne d'estime.
« C'est par convention que jeréserverai le terme d' « éthique » pour la visée d'une vie accomplie sous le signe des actions estimées bonnes, etcelui de « morale » pour le côté obligatoire, marqué par des normes, des obligations, des interdictions caractériséesà la fois par une exigence d'universalité et par un effet de contrainte.
» ● Agir de la manière la plus correcte possible, c'est non seulement prendre en compte le devoir et la loi morale, mais c'est aussi aller plus loin que ce plan théorique pour voir le réel dans lequel l'action va s'insérer, etfaire en sorte que l'action soit effectivement bonne..
»
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