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Peut-on se mettre a la place d'autrui?

Publié le 06/01/2005

Extrait du document

Et de la même façon l'autre homme en tant qu'homme est là pour moi dans la perception. J'exprime en effet sa présence perceptive immédiate en l'accentuant au maximum en disant justement : ici devant moi se trouve donné en chair et en os un homme. Ce n'est pas une déduction, quelque pensée médiate qui conduit à la position de la corporéité étrangère et de mon semblable [...].             Dans le cas de ce dernier [mon corps propre], nous l'avons vu, le corps organique en tant qu'il est un être physique est perçu de manière originaire mais aussi l'être psychique qui s'y incarne, et tel qu'il s'incarne. Ce psychisme n'est-il pas le mien propre ? Par contre, le corps psychophysique étranger est sans doute perçu dans mon environnement spatial et de façon tout aussi originaire que le mien ; mais il n'en va pas réellement et proprement donné lui-même mais simplement visé conjointement avec lui par apprésentation. » Husserl. Je rentre chez moi. Il est tard.

Analyse du sujet :

 

  • La forme de notre sujet est une question fermée : il s’agira d’y répondre par « oui « ou « non « en conclusion, au terme de l’argumentation qui fait l’objet du corps de la dissertation. L’argumentation est toujours la défense d’une thèse, c’est-à-dire, une prise de position par rapport à un problème qu’il s’agit de mettre au jour dans l’introduction. Pour faire surgir le problème qui sommeille dans le sujet, il convient d’analyser les termes qui composent celui-ci :
  • « se mettre à la place d’un autre « peut se comprendre de deux manières : ce peut être d’abord remplacer cet autre, c'est-à-dire assurer la fonction qui lui incombe. Cela peut aussi signifier faire comme si nous étions cet autre, pour agir comme si nous étions lui, comprendre ses décisions, ses dires ou actes, etc. Ne faut-il pas par exemple se mettre à la place de l’auteur dont nous voulons comprendre les thèses ?
  • Dans les deux cas, se mettre à la place d’un autre revient à rechercher la coïncidence de soi avec autrui, quant à sa fonction, sa pensée, etc. Il semble évident qu’une coïncidence absolue est impossible : nous pouvons éventuellement voler l’identité d’autrui, mais jamais son corps ni son esprit. Inutile donc d’essayer de défendre cette thèse. Le sujet invite plutôt à réfléchir sur la limite jusqu’à laquelle il est possible de coïncider avec autrui et les conditions sous lesquelles cette extrême coïncidence est possible.

 

 

Problématisation :

 

Rappelons que la problématique est l’ensemble des problèmes qui gisent sous le sujet, hiérarchisés en vue de leur résolution dans le corps de la dissertation. Si, comme notre intuition nous le laisse pressentir, la coïncidence de soi avec autrui est limitée, il convient de trouver ce qui ne pourra justement jamais coïncider, autrement dit, ce qui appartient en propre à autrui et jamais ne nous appartiendra. Remarquons qu’il ne s’agit que d’une intuition. Notre première direction de recherche prend donc la forme d’une question :

Autrui a-t-il quelque chose qui lui est propre ?

Nous nous demanderons ensuite jusqu’à quel point et comment coïncider avec autrui.

« l'existence des choses), pure immédiateté, mais qu'elle est seulement un pur être-pour-soi, une personne qui a unevaleur, une dignité : « L'individu qui n'a pas mis sa vie en jeu peut bien être reconnu comme personne, mais il n'apas atteint la vérité de cette reconnaissance comme reconnaissance d'une conscience de soi indépendante.

» • Mais le « déplacement » (se mettre à la place de) envisagé implique également que les consciences, quelquedifférentes qu'elles soient ordinairement, ont la possibilité de se rapprocher l'une de l'autre jusqu'à deveniréquivalentes.• Un tel rapprochement n'est concevable que si l'on admet en principe une communauté radicale de toutes lesconsciences : chaque moi ne dessinerait qu'une « variante » sur un sous-sol commun définissant toute conscienceen général.• Dans cette optique, « se mettre à la place » de l'autre aboutirait seulement à éprouver comme lui un mode d'êtreau monde sans caractères distinctifs.

On peut de ce point de vue rappeler que ce que Hegel nomme la « mêmeté »,et qui désigne précisément ce que deux consciences ont de semblable, ne constitue encore qu'un « moment abstrait», qui ne peut satisfaire aucune des deux consciences, attachées qu'elles sont l'une et l'autre à ce qui lesparticularise. II.

Ce que sous-entend l'autre comme « humain » • Si l'autre se manifeste d'abord comme corps, je lui prête une conscience «ressemblant » à la mienne en fonctionde ma propre expérience : c'est parce que je m'intuitionne comme conscience inscrite dans un corps qu'à partir ducorps qui me fait face, et qui resemble au mien, je déduis qu'il est également incarnation d'une conscience (cf.Husserl, Méditations cartésiennes). « Si je me demande comment des corps étrangers comme tels, c'est-à-dire des animaux et d'autreshommes en tant que tels, sont donnés dans mon expérience et comment ils peuvent l'être dans lecadre universel de ma perception du monde, alors la réponse est celle-ci : mon corps propre jouedans ce cadre [...] le rôle du corps primordial dont dérive l'expérience de tous les autres corps ; etainsi je ne cesse d'être pour moi et mon expérience l'homme primordial dont l'expérience de tousles autres hommes dérive son sens et sa possibilité perceptive [...]. La perception d'un corps organique étranger est perception pour autant que je saisisseprécisément l'existence de ce corps comme étant immédiatement là « en personne ».

Et de la mêmefaçon l'autre homme en tant qu'homme est là pour moi dans la perception.

J'exprime en effet saprésence perceptive immédiate en l'accentuant au maximum en disant justement : ici devant moi setrouve donné en chair et en os un homme.

Ce n'est pas une déduction, quelque pensée médiatequi conduit à la position de la corporéité étrangère et de mon semblable [...]. Dans le cas de ce dernier [mon corps propre], nous l'avons vu, le corps organique en tantqu'il est un être physique est perçu de manière originaire mais aussi l'être psychique qui s'yincarne, et tel qu'il s'incarne.

Ce psychisme n'est-il pas le mien propre ? Par contre, le corpspsychophysique étranger est sans doute perçu dans mon environnement spatial et de façon toutaussi originaire que le mien ; mais il n'en va pas réellement et proprement donné lui-même maissimplement visé conjointement avec lui par apprésentation.

» Husserl. Je rentre chez moi.

Il est tard.

Je vois un homme dans l'entrée à qui j'adresse un « bonsoir ». Personne ne me répond et je m'aperçois que ce que j'avais pris pour un homme n'était qu'un portemanteau chargé d'habits.

Descartes nous avait bien dit que seul un échange de paroles pouvait nous donner la certitude de la présence d'autrui.

Husserl reprend cette problématique, mais à un niveau plus primordial : quand j'ai cru reconnaître cet homme dans l'entrée, quelle fut l'opération de conscience qui m'a donné, ne serait-ce qu'uninstant, l'évidence d'une présence humaine ? C'est ainsi qu'il examine les présupposés de la perception du corps de l'autre. Le premier mouvement du texte affirme la primauté absolue de mon corps propre dans le processus d'identification du corps de l'autre : je ne peux,dans le domaine de la perception, faire l'expérience d'autres corps que parce que moi-même je suis un corps vivant.

L'expérience de moi-mêmecomme corps constitue donc un principe primordial à partir duquel je puis affirmer l'existence d'autres corps vivants. La deuxième partie du texte insiste sur le caractère immédiat de cette reconnaissance qui, loin de mettre en jeu des processus intellectuels, nesuppose que la présence physique (l'homme « en chair et en os » de Husserl contre l'homme « de parole » de Descartes ). Enfin, Husserl indique ce qui constitue la spécificité de la perception d'autrui (de l'autre homme, et pas seulement d'un autre corps vivant).

Ce qui m'est donné absolument et immédiatement (dans la perception de mon propre être), ce sont mon corps et mon « psychisme » (mon monde intérieur).

Dans la perception de l'autre (ce que Husserl appelle son « apprésentation »), son corps physique m'est bien donné immédiatement, mais son psychisme m'est seulement annoncé comme ce qui existe, mais ce à quoi je ne pourrai jamais être présent qu'indirectement : je ne pourraijamais vivre l'intériorité de l'autre. • Cette présence physique de l'autre m'amène en effet, si l'on suit l'analyse de Husserl, à saisir en lui une « vision dumonde » qui, sans correspondre à la mienne puisque nous n'avons pas le même point de vue, s'effectue de la mêmefaçon que celle que je connais.

Je me mets ainsi à sa place en tant que producteur d'une perspective sur le monde— mais cela ne signifie aucunement qu'au-delà de notre capacité commune à élaborer cette dernière, je puissementalement coïncider avec ce qu'il construit : il y a communauté de « forme », mais non de contenu.. »

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