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Peut on nous reprocher ce que nous sommes ?

Publié le 07/12/2005

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  D'autre part, d'un point de vue intérieur, la définition de l'étendue de la responsabilité à l'égard de lui-même pose de nombreux problèmes : peut-on reprocher à quelqu'un ce qu'il est si l'on accepte l'hypothèse d'un inconscient dont la maîtrise lui échappe ? Peut-on reprocher à quelqu'un d'être dans l'erreur ? La démarche pertinente n'est-elle pas plutôt une démarche de tempérance et de correction des erreurs, sans jugement ?   Freud   Le surmoi dérive de l'influence exercée par les parents, les éducateurs, etc. En général, ces derniers se conforment, pour l'éducation des enfants, aux prescriptions de leur propre surmoi. (...) Le surmoi de l'enfant ne se forme donc pas à l'image des parents, mais bien à l'image du surmoi de ceux-ci ; il s'emplit du même contenu, devient le représentant de la tradition, de tous les jugements de valeur qui subsistent ainsi à travers les générations.   Hume   On ne blâme pas les hommes pour des actions qu'ils accomplissent à leur insu et par accident, quelles qu'en puissent être les conséquences. Pourquoi ? sinon parce que les principes de ces actions sont seulement temporaires et qu'ils s'achèvent sur eux seuls.

Lorsque quelqu'un nous reproche ce que nous sommes, cela suppose au moins deux choses. Premièrement, que ce que nous sommes est lisible, i.e qu'il existe quelque chose en nous d'assez stable, d'assez identique dans la continuité pour que cela puisse être montré du doigt. Deuxièmement, qu'autrui est dans la capacité d'atteindre ce que nous sommes pour le remettre en cause, qu'il a le pouvoir de cerner cette identité personnelle qui nous caractérise. On saisit donc que ce sujet nous renvoie à deux notions, celle d'identité, bien évidemment, mais également, celle de l'accès possible à autrui. Ce second point est tout aussi important puisqu'il nous pousse à nourrir une certaine suspicion quant à la possibilité de véritablement pouvoir connaître autrui. D'autre part, il est possible de penser que ces deux points sont en vérité liés: suis-je assez le même pour supporter le jugement d'autrui, sachant que ce jugement s'appuie précisément sur une potentielle identité de ma personne?

 

« II. Nous l'avons vu, la notion d'identité se fissure quelque peu.

Juger la personnede quelqu'un c'est à coup sûre louper ce qui est toujours en mouvement, cequi est pluriel.

L'autre que je montre du doigt est un pouvoir-être-autre perpétuel.

Nous parlons ainsi de moi , alors que nous ne sommes composé d'une infinité d'éléments, de forces, toujours en déplacement.

Ce moi, c'estune hypostase, une chose imaginée, une unité qui prend fictivement la placed'une complexité.

Pascal, dans les Pensées , va lier étroitement la problématique du moi à celle de l'amour à travers deux questions: qu'est-ce que le moi et m'aime-t-on moi ? Si l'on m'aime à cause de ma beauté, m'aime- t-on vraiment moi? Non, car si la « petite vérole » venait à m'atteindre, altérant ainsi ma beauté, sans pour autant atteindre ma personne, on nem'aimerait plus.

Proposons alors un attrait moins superficiel, et faisons que l'onm'aime pour mon jugement par exemple.

Mais encore une fois, on ne m'aimerapoint pour moi, et cela vaut d'ailleurs pour tout autres qualités puisque « je peux perdre toutes ces qualités sans me perdre moi-même ».

Pascal se demande alors en ce sens où peut être ce moi qui ne réside semble-t-il ni dans l'âme ni dans le corps? C'est ici tout le paradoxe puisque, si l'on m'aimetoujours pour mes qualités, de toutes évidence ces qualités ne font pas lemoi, elles sont périssables.

Et de toute évidence également, on aime jamais unmoi abstraitement, en dehors de toutes ses qualités.

La conclusion est cesens radicale: on aime jamais personne véritablement mais simplement ces qualités qui comme nous le voyons ne sont pas le moi .

On ne m'aime donc jamais. Celui qui aime quelqu'un à cause de sa beauté, l'aime - t -il ? Non : car la petite vérole, qui tuera la beautésans tuer la personne, fera qu'il ne l'aimera plus.Et si on m'aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m'aime - t - on moi ? Non, car je puis perdre cesqualités sans me perdre moi - même.

Où donc est ce moi, s'il n'est ni dans le corps ni dans l'âme ? etcomment aimer le corps ou l'âme, sinon pour ces qualités, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu'ellessont périssables ? car aimerait - on la substance de l'âme d'une personne, abstraitement, et quelquesqualités qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste.

On n'aime donc jamais personne, maisseulement des qualitésQu'on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n'aimepersonne que pour des qualités empruntées. Dans ce texte, Pascal s'interroge sur les causes de l'amour : selon lui, aucune des causes traditionnellementavancées, la beauté, le caractère ou encore le brio intellectuel ne sont capables de fonder un amour véritable,c'est-à-dire durable, parce que ces causes sont éphémères et instables.

Pour aimer quelqu'un de manièreauthentique, il faudrait l'aimer pour son essence ; or, le moi d'autrui m'est inconnaissable.

Pascal peut donc formulersa thèse: "on n'aime donc jamais personne, mais seulement des qualités".En niant ainsi la possibilité de s'attacher à quelqu'un par attirance pour ce qui subsiste en lui en permanence, Pascalnous livre également une réflexion sur la nature du moi et sur ce qui le constitue.

La vivacité du ton pascaliensuscite facilement l'adhésion, pourtant, nous verrons que l'opposition mise en place par Pascal entre l'apparence etl'être, entre l'accident et la substance, entre l'éphémère et le permanent, est une opposition artificielle qui nonseulement empêche de penser l'identité de la personne, mais en plus rend impossible la réflexion sur l'origine del'amour. Afin de mettre en évidence ce qui chez autrui suscite notre amour, Pascal passe en revue ses causes possibles, qu'ilregroupe sous deux aspects de la personne : le corps et l'âme.

Pour Pascal la personne humaine est en effetcomposée d'une partie matérielle et d'une partie spirituelle ; cependant ce dualisme ne suffit pas à définir lapersonne dans son essence : c'est pourquoi Pascal va opposer ce qui est changeant en nous à ce qui estpermanent, le moi étant ce qui est défini par l'identité, c'est-à-dire par ce qui reste toujours le même, même sousles changements.C'est à partir de cette opposition radicale entre le périssable et le permanent que Pascal va penser la nature del'amour : l'amour authentique et véritable sera celui qui s'attachera à ce qui reste identique chez l'être aimé, au lieude se fixer sur des caractéristiques éphémères.

Qu'un tel amour soit possible, c'est là tout l'enjeu du texte.La première cause de l'amour avancée par Pascal est la beauté : ce seraient la perfection esthétique de la personneaimée, l'harmonie de ses traits ou l'attrait de son corps qui nous le feraient aimer.

Mais un amour suscité par labeauté de quelqu'un est-il un amour véritable ? Non nous dit Pascal, parce que la disparition de la beauté anéantiral'amour.

Or nous savons que la beauté est un caractère fragile et éphémère : la vieillesse ou la maladie suffisent à ladétruire.

Pascal nous donne l'exemple de la petite vérole, une maladie éruptive qui laisse sur le visage des cicatricesindélébiles.

Celui qui est atteint par cette maladie ne meure pas mais est frappé dans son intégrité physique et perdsa beauté.

Du coup, celui qui l'aimait ne l'aimera plus puisque son apparence physique aura perdu son attrait.

Un telamour, aussi éphémère que ce qui l'a suscité, n'est pas un amour authentique car pour Pascal l'amour est unsentiment qui doit s'inscrire dans la durée. Puisque la beauté ne peut pas être à l'origine de l'amour tel qu'il l'entend, Pascal envisage alors une seconde cause. »

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