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Peut-on ôter à l'homme sa liberté ?

Publié le 05/01/2004

Extrait du document

-          Quant à celui qui croit qu'être libre c'est faire ce que l'on veut, celui-là est un insensé, car il voudrait avoir le pouvoir sur ce qui ne dépend pas de lui, et il est donc incapable de liberté. -          Pour ces raisons, Epictète se trouve justifié de raconter que le stoïcien Latéranus, jeté aux fers par un sbire de Néron, tint alors ce discours : « Que dis-tu mon ami, est-ce moi que tu menaces de mettre aux fers ? Je t'en défie. Ce sont mes jambes que tu y mettras, mais pour ma volonté elle sera libre, et Jupiter même ne peut me l'ôter. » -          Ainsi pourrait-on affirmer que, même sous les plus insignes tortures, chacun reste libre, car personne ne peut faire changer notre volonté qui ne dépend que de nous. Mais la volonté libre est elle-même une illusion. -          Toutes ces considérations se basent sur l'hypothèse selon laquelle la liberté serait quelque chose de réel, toutefois, faut-il vraiment croire à l'existence de la liberté ? -          Peut-être la liberté n'est-elle qu'un sentiment illusoire : celui d'avoir décidé. Agir librement, ce serait alors agir tel que le font ces hommes qui sont « conscients de leurs actions et inconscients des causes qui les déterminent. » (Spinoza, Ethique, II, proposition 35, scolie) -          La liberté n'existe peut-être pas réellement, et il se peut qu'elle ne soit que l'expression de l'orgueil humain qui se flatte de se croire libre pour pouvoir se prétendre exceptionnel.

Analyse du sujet :

Homme : « Homme « est le nom commun qu’on donne à l’Homo sapiens sapiens. Ce dernier est un  mammifère appartenant à l’ordre des primates, qui est doué d’intelligence et d’un langage articulé. Il se caractérise également par un cerveau volumineux et capable d’abstraction, ainsi que par des mains préhensibles et la station verticale. « Sapiens « est un adjectif latin qui signifie « intelligent «, « sage «, « raisonnable «, ou encore « prudent «. Le trait saillant qui définit l’homme semble donc être le fait que c’est un être vivant doué de raison. Cette hypothèse résulte d’une longue tradition philosophique qui a construit le concept d’humanité en opposition à celui d’animalité. Ainsi, on a tendance à considérer que l’homme se distinguerait du reste des créatures vivantes parce qu’il serait capable de pensée, de conscience, de langage et de liberté, alors que les animaux n’en auraient pas la capacité. Cela confèrerait à l’homme une dignité particulière : seul d’entre les créatures à posséder la raison, il serait également le seul à pouvoir se représenter une fin, et à ce titre, il serait en lui-même une fin, c’est-à-dire une personne que l’on devrait respecter, et non pas une simple chose dont on pourrait disposer. Toutefois, loin d’être tranchée, la question de savoir ce qu’est un être humain et dans quelle mesure il nous est loisible d’obtenir une réponse à cette question constitue un des problèmes majeurs de la philosophie moderne. Le fait qu’on caractérise également l’homme par sa capacité d’agent libre le rend en effet rebelle à toute définition objective. Trouver une définition de l’homme impliquerait de pouvoir effectuer une synthèse globale de tous les aspects de l’homme par laquelle on saisirait ce qui resterait toujours identique à lui-même en l’homme.

Liberté : On essaye souvent de définir la liberté négativement, comme une absence de contraintes mais on peut aussi la considérer positivement, comme constituant l’état de celui qui fait ce qu’il veut. La liberté pourrait alors être vue comme la capacité à réaliser ses désirs, toutefois, nous remarquons bien que quelqu’un qui cède à ses moindres désirs ne nous paraît pas libre : serait plutôt libre celui qui choisit entre ses désirs et opte pour celui qui lui paraît le plus sage. Dans la liberté intervient donc l’idée de choix : on est libre quand on est capable de choisir, mais se pose alors la question de savoir sur quoi se fonde ce choix ? La tradition philosophique accorde généralement la préséance à la raison : serait libre celui qui se déciderait toujours suivant des motifs rationnels, celui qui, ayant pesé le pour et le contre, opterait pour la raison et résisterait à l’influence de ses passions. Mais choisir la raison contre la passion, c’est également choisir de s’inscrire avec harmonie dans le monde plutôt que sous le joug chaotique des passions, car c’est souscrire aux exigences de la nécessité naturelle plutôt que de prendre ses désirs pour la réalité. La liberté consisterait alors à avoir la sagesse de changer ses désirs plutôt que de changer le monde. L’homme libre serait alors celui qui adopte une attitude active, qui participe au cours des choses au lieu de subir la situation.

Problématisation :

Considérer que l’on puisse ôter à l’homme sa liberté pose deux problèmes majeurs : tout d’abord cela présuppose que l’homme est libre, car on ne pourrait le priver de ce qu’il ne possède pas ; mais en second lieu, cela suppose que la liberté n’est pas quelque chose qui constitue la nature propre de l’être humain, comme si l’on pouvait ôter la liberté à quelqu’un de la même manière qu’on lui volerait son vélo. Le problème peut donc finalement se résumer en ces termes : la liberté est-elle inhérente à la nature humaine ?

« L'homme est libre à l'état de nature, mais il peut perdre cette liberté à l'état social. 1. - « L'homme est né libre, et partout il est dans les fers » écrit Rousseau dans le Contrat Social . La formule de Rousseau est marquante en ce qu'elle énonce magistralement un paradoxe : l'homme est naturellement libre, il naît libre, mais il est toujours politiquement et socialement asservi.

Saisir l'enjeu de cette phrase contraint à la replacerdans son contexte, et à comprendre qu'elle inscrit Rousseau dans la lignée du « droit naturel », qui s'inscrit contre les théoriciens du « droit divin ». Dire que « l'homme est né libre » est répondre à une phrase de Bossuet (1627-1704) : « Les hommes naissent tous sujets ».

Bossuet affirmait que cette sujétion de l'homme est naturelle dans un ouvrage dont le titre est un programme et un manifeste : La politique tirée des propres paroles de l'Ecriture sainte ». Depuis le XVI ième, la théorie politique voit s'affronter deux courants ; la théorie du droit divin, voire de la monarchie de droitdivin, dont Bossuet est un représentant, et la théorie dite du « droit naturel » à laquelle Rousseau se rallie. La théorie du droit divin se fonde sur un passage de la Bible, et plus précisément sur ce passage de l' « Epîtres aux Romains » de Saint Paul : « Que toute âme soit soumise aux puissances supérieures, car il n'y a point de puissance qui ne vienne de Dieu et celles quiexistent ont ètè instituées par lui.

Ainsi qui résiste à la puissance, résiste à l'ordre de Dieu […].

Il est nécessaire d'être soumisnon seulement par crainte, mais encore par l'obligation de conscience ». Toute autorité politique vient de Dieu, et donc qu'il existe aucun droit de résistance face aux autorités en place, qui n'ont decompte à rendre qu'à la divinité.

Quel que soit le régime, on lui doit une obéissance inconditionnelle. Ce courant s'est vu concurrencé par un autre, (né avec la Réforme de Luther et la contestation des autorités politiques et religieuses), qui affirme, comme le fera Rousseau , que l'homme est naturellement libre, qu'il a naturellement droit de se gouverner lui-même, de décider lui-même ses actions.

La conséquence majeure est que le pouvoir, l'Etat, l'autorité, sont doncdes créations volontaires, artificielles, des hommes.

Rousseau et ses prédécesseurs admettent que l'homme est naturellement libre et indépendant, et donc que les hommes décident volontairement, et dans un but précis, de se soumettre à une autoritécommune qu'ils ont eux-mêmes créée. Un auteur partisan du droit divin, Ramsay (1686-1743), décrit les principes de ses adversaires et les points sur lesquels portent le désaccord des deux courants : « Rien n'est plus faux que cette idée des amateurs d'indépendance que toute autorité réside originairement dans le peuple, etqu'elle vient de la cession que chacun fait, à un ou plusieurs magistrats de son droit inhérent à se gouverner soi-même.

Cetteidée n'est fondée que sur la fausse supposition que chaque homme est né pour soi, hors de toute société, est le seul objet deses soins et sa règle à lui-même ; qu'il naît absolument son maître, et libre de se gouverner comme il veut. » Ce qu'admet l'école du droit naturel, et que rejettent les partisans du droit divin, ce sont toutes les conséquences de « L'hommeest né libre » : chaque homme étant libre et indépendant des autres, mu par son propre intérêt, toute autorité s'exerçant sur ungroupe d'hommes a été créée par eux volontairement, et donc le pouvoir réside originairement en chacun de nous ; dans lepeuple.

On retrouve ici les fondements de notre démocratie. Mais reste à expliquer comment il peut se faire que, naturellement libre, l'homme soit « partout dans les fers ».

Rousseau poursuit : « Comment ce changement s'est-il fait ? Je l'ignore.

Qu'est-ce qui peut le rendre légitime ? Je crois pouvoir résoudre cette question.

» L'effort théorique de Rousseau et de ses prédécesseurs ne consiste pas à rechercher comment, historiquement, les hommes ont pu devenir esclaves ou asservis.

La question n'est pas une question de fait à trancher rationnellement ; qu'est-ce qu'une autoritélégitime ? Qu'a-t-on le droit d'exiger de moi ? Si je suis naturellement libre, à qui ai-je promis d'obéir, dans quel but, dans quellelimite ? Si l'on arrive à ce paradoxe d'un homme libre vivant dans les fers, si l'on voit un ordre social injuste, ou des guerres civiles, c'estque les fondements politiques ne sont pas assurés, c'est qu'on a construit des Etats sur du sable ou de la boue.

On ne peutdonc s'appuyer sur la pratique des hommes pour savoir quelle est la forme légitime de l'Etat, car comme le déclare Hobbes dans. »

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