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Peut-on se passer d'autrui ?

Publié le 26/04/2013

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«Peut-on se passer d'autrui ?« Sommaire Introduction Robinson Crusoé : une solitude choisie I. Une solitude corrosive et déshumanisante II. Une solitude propice à la méditation III. Conclusion Les moines une solitude choisie I. Une solitude choisie II. La vie monastique III. Le règne du silence IV. Conclusion La solitude dans la société contemporaine I. La solitude subie II. Les tentatives de remède à la solitude moderne III. Conclusion Conclusion 2 Introduction Le sentiment de solitude est sans nul doute le phénomène psychologique le plus fréquemment vécu par l'humain aux différents âges de la vie. Il est souvent vécu comme un manque, un vide à combler, une souffrance. Pour certaines personnes, la solitude est une démarche intérieure voulue et choisie, tandis que pour d'autres, elle est un poids d'une force implacable. Pour chacun, quoiqu'on en fasse, elle est une réalité de la naissance jusqu'à la mort. La solitude est pour certains en étroite relation avec la maturité affective, il existe une forme de solitude qui contribue à élargir la conscience d'être, à consolider son sentiment d'identité et à enrichir sa vie. Nous avons la liberté de profiter pleinement de nos sentiments de solitude pour nous recréer intérieurement. Pourtant, la plupart du temps ce sentiment est perçu comme un sentiment pénible et obsédant. Il est donc tout à fait légitime de se demander: peut-on se passer d'autrui ? C'est une question ouverte et une réponse en oui/non serait bien mal venue, de nombreux auteurs partagent des avis divers et variés et ne parviendront jamais à s'entendre sur un point de vue particulier, c'est pourquoi nous avons choisi de présenter plusieurs aspects de la solitude dans le but d'en découvrir les bienfaits et méfaits. Nous verrons tout d'abord comment la solitude s'impose à Robinson Crusoe et comment il y fait face; par la suite à travers l'exemple des moines trappistes, nous parlerons de la solitude choisie et du silence dans lequel ils s'abandonnent; et enfin nous aborderons le sujet de notre société actuelle, société propice à l'individualisation, la compétition et la solitude. Sous différents angles, nous allons réfléchir ensemble à cette question existentielle de tout temps. 3 Robinson Crusoé : une solitude subie En 1967, Michel Tournier publie Vendredi ou les Limbes du Pacifique, une réécriture du roman de Daniel Defoe, Vie et aventures de Robinson Crusoe (1719), qui s'inspire de l'aventure réelle d'Alexandre Selkirk, marin écossais du XIXe siècle. Isolé sur une île dont il est devenu le maître absolu, orphelin de l'humanité toute entière pendant vingthuit ans, Robinson, héros de roman et plus encore personnage mythologique, lutte des années contre le désespoir, la crainte de la folie et la tentation du suicide. Dans son journal (le log-book), il consigne ses méditations. Pour lui, l'écriture est un «acte sacré« qui l'aide à combattre le processus inexorable de déshumanisation dont la solitude le menace. 4 I. Une solitude corrosive et déshumanisante Robinson Crusoe subit une installation lente et mortifère dans la solitude. C'est un véritable processus mental destructeur et déshumanisant auquel le lecteur assiste. En effet, Robinson est passif: ce dernier affirme dans l'ouvrage de M. Tournier: «la solitude est un milieu corrosif qui agit sur moi lentement mais sans relâche, et dans un sens purement destructif«. De même qu'il parle de «travail d'érosion« de la solitude sur son âme d'homme civilisé. L'échange direct, l'esprit d'à propos, la vivacité mentale ne se développent qu'au contact immédiat des hommes. Des expériences littéraires et humaines ont montré comment l'absence prolongée de contact avec les autres est facteur de régression mentale chez l'individu. Michel Tournier, dans la première partie de Vendredi ou les limbes du Pacifique, va plus loin dans l'analyse des effets régressifs impliqués par le prolongement de la solitude. Il montre comment s'opère un rétrécissement du champ de conscience : il explique que la pensée sans l'intervention d'autrui devient «mono thématique«: «Il s'avisa ainsi qu'autrui est pour nous un puissant facteur de distraction, non seulement parce qu'il nous dérange sans cesse et nous arrache à notre pensée actuelle, mais aussi parce que la seule possibilité de sa survenue jette une vague lueur sur un univers d'objets situés en marge de notre attention, mais capable à tout instant d'en devenir le centre.« Ainsi, la peur de perdre la raison incite Robinson à entreprendre une activité qui, dans cette voie rétrospective, ne pourrait être autre chose que la construction d'un bateau, l'Évasion, qui lui permettra de remonter son passé vers la communauté humaine. On remarque donc que Robinson perçoit le travail comme un antidote à l'angoisse et à la défaillance; en effet, l'anticipation de son retour parmi ses frères est tout ce qui le rattache à la vie: «En vérité, une sourde angoisse le retenait, la peur d'un échec, d'un coup inattendu qui réduirait à néant les chances de réussite de l'entreprise sur laquelle il jouait sa vie.« 5 Le nom du bateau symbolise donc une fuite physique et morale de l'île, du présent, vers la communauté humaine, le passé. Il est donc significatif que cette entreprise soit inspirée par le passé, par l'archétype mythique de l'arche de Noé, et que Robinson trouve dans cet épisode raconté dans la Bible «une allusion évidente au navire de salut qui allait lui salir des mains«. Pourtant, la construction du bateau se révèle une folle entreprise: les efforts inlassables qu'elle exige font que Robinson vit dans «une sorte de torpeur de somnambule, au-delà de la fatigue et de l'impatience«, où il ne se soucie plus de se nourrir ni de s'abriter. Son corps devient couvert de croûtes de terre et de crasse, et ses cheveux, «collés en plaques luisantes« qui ressemblent aux poils d'un phoque d'or, témoignent de la régression physique qui accompagne sa rétrospection. Cette remontée physique et spirituelle du temps, qui est une sorte d'aveuglement face au présent, condamne son entreprise à l'échec: Robinson est obnubilé à la fois par le rétrécissement de son champ d'intérêt, son champ de vision dans l'absence d'autrui, cette «structure qui rend la perception possible«, et par l'exemple de l'arche biblique de Noé qui a attendu que l'eau monte jusqu'à elle. Ainsi, il perd de vue la question de la mise à flot du bateau. La folie menace: Robinson aperçoit sur un bateau longeant la côte une jeune fille qu'il identifiera plus tard comme étant sa soeur morte il y a vingt ans. L'absence d'échange verbale produit non seulement un appauvrissement du vocabulaire mais aussi une perte de la capacité d'abstraction. Cette déch&eac...

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