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Peut-on penser la mort ?

Publié le 31/01/2004

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La mort n'est-elle pas inscrite au plus profond de nous, comme une certitude inséparable de notre destin? N'est-ce pas, dès lors, elle qui donne un sens et une valeur à notre vie ?  "La mort n'est rien pour nous... " EPICURE. - On trouve la formule «Habitue-toi à penser que la mort n'est rien par rapport à nous» dans la Lettre à Ménécée qu'Épicure (341-270 avant J.-C.) envoie à l'un de ses disciples pour lui enseigner la philosophie, c'est-à-dire le moyen de se procurer le bonheur.En effet, Épicure écrit dans une période extrêmement sombre, où les cités grecques connaissent le déclin, où la misère politique et économique s'instaure. Le but que poursuit notre auteur est de permettre à l'individu d'accéder au bonheur. - Dans les « sombres temps » où écrit Épicure, si les hommes se proposent toujours comme but le bonheur, ils ne peuvent plus le penser, comme le faisait la tradition grecque, au sein d'une cité harmonieuse.

« conspire à nous rendre la mort odieuse et redoutable.

Mais c'est essentiellement la religion qui joue ce rôle.

Croyantque les dieux s'occupent des affaires humaines, nous avons peur de les offenser par notre conduite, surtout nousavons peur de leur jugement, de survivre en enfer.Or tout ceci compromet notre vie actuelle.

Cela nous empêche de goûter le présent, ou nous précipite dans le soucide la renommée, de la gloire, de la richesse, comme si ces moyens pouvaient conjurer notre mortalité !A tout ceci Épicure oppose la connaissance vraie de la nature et des dieux.

La vraie divinité n'a rien à voir avec cequ'en raconte la mythologie populaire : les dieux sont des vivants bienheureux qui ne se soucient pas des hommes.Nous n'avons à en attendre ni joie ni peine, ni récompense, ni châtiment.Mais surtout, tout le bien et le mal de notre vie réside dans la sensation, dans la joie ou la douleur.

Or Épicureaffirme que l'âme est matérielle, corporelle, elle disparaît donc à notre mort ; rien ne nous survit, il n'y a pasd'immortalité.«Habitue-toi à penser que la mort n'est rien par rapport à nous, car tout bien et tout mal réside dans la sensation :or la mort est privation de sensation [...] Ainsi le plus terrifiant des maux, la mort, n'est rien par rapport à nous,puisque quand nous sommes, la mort n'est pas là, et quand la mort est là, nous ne sommes plus.

Elle n'est donc enrapport ni avec les vivants, ni avec les morts.»Cesser de vivre, c'est cesser d'être et de sentir.

Ce n'est donc, littéralement, rien.

Rien pour nous, rien qui nousconcerne.

Quand la mort est là nous ne sommes plus.

Il est donc absurde de vouloir l'immortalité, comme deredouter les enfers ; rien ne nous survit.

Il est donc absurde de se lamenter sur le sort de sa famille, etc.

: c'est sefaire contemporain de son propre cadavre, et oublier que cela ne nous concernera plus en rien.Ne plus craindre les dieux et leur jugement, comprendre que la mort n'est rien pour nous, cela permet non seulementde se débarrasser des deux principales sources d'angoisse qui pourrissent notre vie, mais aussi de prendre enfincette vie en compte et de se demander comment bien vivre.

Cela fait partie des deux autres remèdes épicuriens,qui concernent la gestion des plaisirs et des souffrances.L'attitude d'Épicure peut se résumer par deux de ses Maximes capitales:«Il n'est d'aucune utilité de se procurer la sécurité vis-à-vis des hommes, si on laisse subsister les doutesangoissants au sujet des choses d'en haut, de celles qui sont sous la terre, etc.

»« Il n'est pas possible de dissiper la crainte au sujet des choses les plus importantes sans savoir quelle est la naturedu tout, mais en vivant dans une incertitude anxieuse de ce que disent les mythes : de sorte qu'il n'est paspossible, sans la science de la nature, d'avoir de plaisirs purs.

»Il faut d'abord nous protéger des doutes et des fausses imaginations concernant la mort et les dieux, sans cela,aucune sécurité ne vaut.

Or, pour nous délivrer de l'incertitude portant sur ces sujets de première importance, ilfaut refuser les mythes, la religion vulgaire, et comprendre la nature, grâce à la science. - Dire « La mort n 'est rien pour nous » n'est pas, pour Épicure, méconnaître l'angoisse qu'elle engendre chez laplupart des hommes.

A l'inverse, c'est montrer que cette angoisse ne repose sur rien de réel, mais sur des imagespernicieuses.

Grâce à la science de la nature, à la connaissance de la matérialité de l'âme, Épicure espère nousdélivrer de la peur de la mort.

Si rien de nous ne survit, la mort ne concerne ni les vivants, ni les morts.On a souvent dit que la lecture des philosophes qui prétendent nous délivrer de l'angoisse de la mort n'a jamais guéripersonne de cette crainte.

Peut-être.

Mais la lecture d'Épicure permet au moins de dissiper quelques illusions, et denous forcer à comprendre les véritables enjeux de notre attitude face à la religion et à l'immortalité.

De même qu'ellesouligne, au troisième siècle avant Jésus-Christ, que ce ne sont pas les mythes et l'irrationalité qui nous délivrerontde nos angoisses, mais bien la science et la lucidité. « Philosopher c'est apprendre à mourir.

» Montaigne, Essais, 1580-1588. Montaigne prône ici la « pré-méditation » de la mort.

Pour combattre la crainte qu'elle suscite en nous, il fautl'apprivoiser, nous faire à son idée, nous habituer à elle : «N'ayons rien si souvent en tête que la mort », dit-il plusloin. « La préméditation de la mort est préméditation de la liberté.

Qui a appris à mourir, il a désappris à servir.

»Montaigne, Essais, 1580-1588.S'accoutumer à l'idée de notre propre mort, c'est nous libérer de la frayeur qu'elle nous inspire.

Ainsi, apprendre àmourir, c'est proprement nous libérer progressivement de la servitude en laquelle nous tient la crainte de la mort. « Un homme libre ne pense à aucune chose moins qu'à la mort; et sa sagesse est une méditation non de la mortmais de la vie.

» Spinoza, Éthique, 1677 (posth.) « On ne cesse de penser à la mort qu'en cessant de penser.

» Marcel Conche, La Mort et la Pensée, 1973. « Que la mort, l'exil et tout ce qui te paraît effrayant soient sous tes yeux chaque jour; mais plus que tout, la. »

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