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Peut-on penser ce qu'on ne saurait pas dire ?

Publié le 20/12/2005

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Jacques Monod, Le hasard et la nécessité Descartes donne une acceptation très large : penser, c'est aussi bien douter, comprendre, porter de jugements qu'imaginer ou sortir. La pensée chez lui se confond pratiquement avec la conscience. La pensée peut donc être considérée comme le flux de la conscience et dans ce sens là elle peut exister sans mot sous la forme de conscience immédiate. Ainsi les sentiments font parti de cette conscience et il est possible de ressentir un sentiment, une émotion avant de pouvoir la verbaliser. Il est même possible qu'un ressenti ne trouve pas de mots pour s'extérioriser. Il me faudra trouver les mots et si je cherche mes mots, c'est que la pensée précède le langage. Pour Bergson, les mots sont distincts, juxtaposés, généraux et ils ne peuvent rendre compte de toute la vie de nos pensées, sa continuité et son originalité. « Chacun d'entre nous a sa manière d'aimer et de haïr et cet amour, cette haine reflète sa personnalité tout entière. Cependant, le langage désigne ces états par les mêmes mots chez tous les hommes ; aussi n'a-t-il pu fixer que l'aspect objectif et impersonnel de l'amour, de la haine et des mille sentiments qui agitent l'âme ». Le passage de la pensée au langage est un passage de l'immédiat du vécu de la conscience au médiat du langage et du particulier au général.

Il est courant de dire, tel Descartes, que le langage n'appartient qu'à l'homme parce qu'il est le seul à penser. Cette idée fait donc de la pensée la condition nécessaire au langage. Mais il s'agit de voir ici si ce n'est pas l'inverse qui a réellement lieu, à savoir si le langage n'est pas la condition de la pensée. Le mot "pensée" ne renvoie pas à un sens constant et unique. Il peut en effet au sens large définir l'ensemble des phénomènes produits par l'action de l'esprit et dans un sens restreint aux phénomènes de la connaissance. Au sens large, comme vécu de l'esprit, il semble que la pensée préexiste au langage, qu'elle lui donne quelque chose à dire. Le langage ne serait alors que l'expression extérieure d'une pensée. Comment en effet une pensée personnelle subjective pourrait n'être que des mots généraux et objectifs? D'un autre côté peut-on vraiment dire qu'une pensée qui ne peut être exprimée à autrui, qui ne peut être dite est vraiment une pensée? N'est-elle pas qu'une vague perception? Dès lors, le langage n'est-il que penser? L'homme ne peut-il pas signifier par d'autres moyens?

« Hegel aussi désigne l'avant langage comme un flou imaginaire.

C'est le mot qui fait apparaître la pensée en ladéterminant.

"Vouloir penser sans les mots, c'est une tentative insensée." "Nous n'avons conscience de nospensées, nous n'avons des pensées déterminées et réelles que lorsque nous leur donnons la forme objective, quenous les différencions de notre intériorité, et que par suite nous les marquons de la forme externe" (Phénoménologiede l'esprit). « C'est dans le mot que nous pensons.

Nous n'avons conscience de nos pensées, nous n'avons de penséesdéterminées et réelles que lorsque nous leur donnons la forme objective, que nous les différencions de notreintériorité […].

C'est le son articulé, le mot, qui seul nous offre une existence où l'externe et l'interne sontintimement unis.

Par conséquent, vouloir penser sans les mots est une tentative insensée.

On croit ordinairement,il est vrai, que ce qu'il y a de plus haut, c'est l'ineffable.

Mais c'est là une opinion superficielle et sans fondement ;car en réalité, l'ineffable, c'est la pensée obscure, la pensée à l'état de fermentation, et qui ne devient claire quelorsqu'elle trouve le mot.

Ainsi le mot donne à la pensée son existence la plus haute et plus vraie.

» Hegel, in « Philosophie de l'esprit ». Hegel engage sa réflexion sur la possibilité de la synthèse entre l'aspect subjectif et l'aspect objectif de la conscience.

Le langage est un moyen terme entre ces deux aspects, ce par quoi la conscience obtient l'existence. Le langage permet à l'homme de concevoir la nature.

Et on ne peut la concevoir sans lui, quel que soit l'envie qu'onen a.

De même, il n'est pas possible d'exprimer la conscience autrement que par le recours au langage, quelle quesoit la prétention de l'ineffable. Hegel lie le mot et la pensée : 1.

Penser par le mot, c'est lier intériorité et extériorité. 2.

Il est impossible de penser sans les mots. 3.

Le langage clarifie la pensée. D'emblée, la thèse de Hegel est affirmée clairement, en une phrase lapidaire : « C'est dans le mot que nous pensons. » L'ensemble du texte vise à l'analyse des deux termes : la pensée, le mot, et à leur articulation.

D'où formellementdeux possibilités : penser avec les mots (penser « dans le mot ») ; penser sans les mots (c'est la tentation de l'ineffable).

Cette seconde tentative est écartée, par Hegel , comme une erreur.

Ainsi, seule, la première possibilité demeure, d'où l'affirmation renouvelée, sous une autre forme, de la thèse : « le mot donne à la pensée son existence la plus haute et la plus vraie. » 1.

La thèse est examinée en chacun de ses éléments.

D'abord la pensée.

Penser c'est avoir conscience depenser, ce qui implique un dédoublement.

Si naïvement toute pensée, en tant que personnelle (« nos pensées »), est crue de l'ordre de notre intériorité (et strictement seulement de cet ordre), philosophiquement, elle est aussi de l'ordre de l'extériorité (et donc différenciée de l'intériorité).

Penser est une activité (« donner »à nos pensées) qui assure le passage d'un ordre à un autre, où l'on passe en même temps de l'abstrait(« penser » dans le vague en général) au concret, de la subjectivité à l'objectivité (des pensées « déterminées », cad qui sont celles-ci ou celles-là).

Enfin, avec une réflexion particulière qui doit être consacrée à l'idée de forme (la « forme » objective) qui, en tant que forme, assure une universalité de la pensée applicable dans la diversité et la multiplicité des situations – s'opposant implicitement à un plein qui ne peut seréférer qu'à l'unique particularité du contenu de ce qui est ici et maintenant.

Forme claire opposée à l'obscur duplein. En suite le mot.

Si pour la pensée, il convenait de distinguer intériorité et extériorité, il faut reconnaître au mot (défini au passage comme « son articulé ») le statut concret (« l'existence ») d'une synthèse de l'intériorité (« l'interne ») et de l'extériorité (« l'externe »).

D'un rapport privilégié du mot et de la conscience, puisque c'est le mot qui est le seul à pouvoir à chaque fois unir (intimement) les deux positions de la pensée. La pensée n'est ni l'intériorité seule (l'intériorité est insuffisante il en faut plus) ni l'extériorité seule (il n'y a d'extériorité que seconde, puisqu'elle est le produit, le résultat d'une activité qui prend naissance dans l'intériorité).Mais seul le mot articule en même temps, à la fois, l'intériorité (c'est moi, je, qui parle) et l'extériorité (la « forme » du langage me permet de dire l'universel). 2.

Penser, cad tenir à la fois l'intériorité et l'extériorité, n'est possible qu'avec les mots.

D'où logiquement(« par conséquent ») la réfutation d'une thèse, qui pourtant a cours, et selon laquelle, croit-on, il serait possible de « penser sans les mots ». Prétention démesurée d'un vouloir (« vouloir » penser) qui s'oppose à un pouvoir limité, et qui prend la figure d'une tentative (qui est peut-être même une tentation) impossible et insensée.

Tout à la fois dans le sens de tentativefolle (désespérée), qui n'a pas de sens (qui ne s'oriente nulle part, car sans issue) et vide (ça ne veut rien dire,puisque justement pour penser il faut des mots…).. »

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