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Peut-on penser la vie sans référence à la mort ?

Publié le 10/01/2004

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Non pas...La mort est une naissance à l'envers. Comme le suicide, une pulsion positive. La Mort, inversement de naissance, naissance inversée! Et aucunement, absence de naissance: naissance opposée, dans un autre sens, dans une autre direction, une force inverse. Comme la haine est amour (et non absence de) négatif; la laideur, beauté négative; l'erreur, vérité négative. En ce sens, la mort n'est pas que négative, mais négatrice.L'essence de l'existant est d'exister comme de mourir. Heidegger se rappelle à notre souvenir: "Cette fin que l'on désigne par la mort, ne signifie pas, pour la réalité humaine -à la fin, être finie-; elle désigne un être par la fin qui est l'être de cet existant. La mort est la manière d'être que la réalité humaine assume, dès qu'elle est: dès qu'un humain vient à la vie, déjà il est assez vieux pour mourir". En l'homme, l'existence est peut-être essence, comme l'affirment les existentialistes; et son essence est d'une seule et même coulée d'exister comme de mourir, car l'homme est un être-pour-la-mort.
"L'homme est mortel. Socrate est un homme. Donc, Socrate est mortel." A travers cette figure syllogistique transparaît tout le tragique de la condition humaine. Car, Socrate, c'est toi, c'est moi, c'est nous... La mort ne saurait admettre d'exceptions pour confirmer sa règle, fussent-elles de belles et rayonnantes individualités. La ciguë nous tue tous et nous le savons. Cette conscience de et du devoir mourir, comme nature intrinsèque et horizon indépassable de notre existence, concourre-t-elle à lui soustraire toute signification ou, à l'inverse, lui confère-t-elle sa signification la plus profonde, son essentialité la plus authentique? Aussi, la diversité événementielle, la quotidienneté objective, le vécu subjectif, envisagés par le prisme de la mort, ne tendent-ils à se relativiser, à se répartir sur une autre échelle de valeurs? Nous sommes conscients d'être mortels; pourtant une vie qui s'orienterait totalement dans la perspective de la fin, ne serait pas une attitude satisfaisante. Ce pressentiment de notre létalité n'est-il pas l'instrument opératoire d'une distanciation salutaire et féconde, libérant l'homme de l'accessoire, du contingent, des séductions trompeuses du "divertissement" dont parle Pascal?

« Épicure a souligné la disjonction exclusive, l'anachronisme absolu qu'il existaitentre la mort et la vie: "Le plus terrifiant des maux, la mort, n'est rien pournous, puisque quand nous sommes, la mort n'est pas là et quand la mort estlà nous ne sommes plus". Dans la Lettre à Ménécée, Épicure conduit une réflexion opposée à celle duplatonisme : elle s'en tient à un strict matérialisme.

La mort n'est pas uneévasion de l'âme, elle est un pur non-être qui ne nous concerne en rien,puisque vivants, nous appartenons à l'être.

"Tout bien et tout mal résidentdans la sensation ; or, la mort est la privation complète de cette dernière."Ensuite, sachant que notre durée de vie est limitée, nous seronsheureusement pressés de jouir raisonnablement des biens de la vie.

La penséede la mort dissipe l'angoisse d'une vie illimitée, en laquelle nous aurions àchoisir et agir en vue de l'éternité.

Pour l'existence humaine, l'éternel n'estjamais en jeu : il n'y a rien de si grave qui mérite un souci sans limites.

Deplus, les dieux immortels, qui jouissent d'une béatitude infinie, ne se soucientpas des affaires humaines.

Si la mort n'est rien pour nous, nous ne sommes,mortels, rien pour les dieux : leur jugement n'est pas à craindre.

Il ne fautdonc se soucier ni de la mort elle-même, ni de l'attente de son heure.

Unechose absente ne peut nous troubler, et quand la mort advient, c'est quedéjà nous ne sommes plus là pour en souffrir.

L'homme ne rencontre jamais sapropre mort, et le "passage" est aussi irréel et inconsistant que l'instant présent qui sépare le passé du futur.

La mort n'est rien, comme le pur instant présent, sans passé ni avenir : "Lamort n'a par conséquent aucun rapport avec les vivants, ni avec les morts, étant donné qu'elle n'est rien pour lespremiers, et que les derniers ne sont plus." La mort ne doit être pensée ni comme un mal, ni comme une délivrance.Si ne pas exister n'est pas un mal, la vie comporte des joies qui peuvent être très agréables.

Vivre sagement, cen'est pas chercher à jouir le plus longtemps possible, mais le plus agréablement qu'il se peut. La métaphysique matérialiste va aussi permettre de délivrer l'humanité d'une de ses plus grandes craintes : lacrainte de la mort.

Les hommes ont peur de la mort.

Mais que redoutent-ils en elle ? C'est précisément le saut dansl'absolument inconnu.

Ils ne savent pas ce qui les attend et craignent confusément que des souffrances terribles neleur soient infligées, peut-être en punition de leurs actes terrestres.

Les chrétiens, par exemple, imagineront quequiconque à mal agi et n'a pas obtenu le pardon de Dieu ira rôtir dans les flammes de l'enfer.

La peur de la mort apartie liée avec les superstitions religieuses dont la métaphysique matérialistes nous libère.

De plus, si tout dansl'univers n'est fait que de matière, si nous, comme tous les êtres vivants, ne sommes que des agrégats d'atomes,lorsque nous mourons, ce ne sont que nos atomes qui se séparent, qui se désagrègent, ce n'est que notre corps quise décompose, en un point d'abord (celui qui est blessé ou malade), puis en tous.

Dès lors, rien de notre être nesurvit, il n'y a rien après la mort, « la mort n'est rien pour nous ».

Ceux qui pensent que la vie du corps, la pensée,la sensation, le mouvement viennent de l'âme, et que cette âme pourrait survivre après la mort du corps, ont tort.Car l'âme elle-même est faite de matière, certes plus subtile, puisque invisible ; mais si elle n'est qu'un agrégatd'atomes, elle aussi se décompose lorsque la mort survient, et même, selon l'expérience la plus commune, il fautpenser qu'elle est la première à se décomposer puisque le mort apparaît immédiatement privé de vie, de sensation,de pensée et de mouvement, alors que le reste de son corps semble encore à peu près intact et mettra plus detemps à commencer à se décomposer.

Aussi, la mort se caractérise bien en premier lieu par l'absence de sensation :« Habitue-toi à la pensée que le mort n'est rien pour nous, puisqu'il n'y a de bien et de mal que dans la sensation, etque la mort est absence de sensation.

»En effet, les sensations que nous avons de notre corps et, à travers lui, des choses du monde sont la source detoute connaissance, et aussi de tout plaisir et de toute douleur, donc le vrai lieu de tout bien et de tout mal,puisque le bien réel n'est que le plaisir et le mal la douleur.

Nous pouvons désigner la pensée d'Epicure comme unsensualisme qui fonde toute la vie intérieure sur la sensation.

La mort étant la disparition des sensations, il ne peuty avoir aucune souffrance dans la mort.

Il ne peut pas y avoir davantage de survie de la conscience, de la penséeindividuelle: « Ainsi le mal qui effraie le plus, la mort, n'est rien pour nous, puisque lorsque nous existons, la mortn'est pas là, et lorsque la mort est là, nous n'existons plus.

»Dès lors je peux vivre, agir et profiter de cette vie sans redouter aucune punition post-mortem.

Et je sais que c'estici et maintenant qu'il me faut être heureux, en cette vie, car je n'en ai aucune autre.

Mon bonheur dans la vie estune affaire sérieuse qui ne souffre aucun délai.

Tel est l'enseignement de la sagesse matérialiste. La mort, qu'en dire? Je ne peux rien en dire, rien en écrire.

Elle se refuse au dire comme à l'écrire.

Aucun vivant neconnaît rien à la mort.

Il n'en a pas fait l'expérience.

Vivre l'expérience de la mort ne signifie rien: toute signifianceétant de la sphère du vivant.Tout au plus, si les larmes ne me brouillent pas les yeux et si les sanglots ne transforment pas mes phrases enéructations; je peux observer la mort d'autrui: le "il" ou le "tu".

Toutefois, la leçon d'anatomie ne s'opère pas sur desmourants, sur des vivants moribonds, mais sur des cadavres.Quant à moi, si je suis mort.

Je ne peux plus parler; si je me meure, certes, je peux le locuter, mais alors, ce n'estpas encore la mort, l'absolue mort.

En ce sens, parler de la mort implique contradiction.

Ce passage infinitésimal tantqu'il est tel est encore vie.

Dire notre mort relève de l'aporie: comment se figurer un monde où tout à la fois et defaçon concomitante nous serions présence et absence?Comment penser la mort? C'est, ce serait penser le Néant, le Rien.

Or, penser, n'est-ce pas toujours faire advenir à. »

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