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Peut-on penser la vie sans se référer à la mort ?

Publié le 10/02/2011

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Les traditions philosophiques les plus diverses ont développé une réflexion sur la vie et sur la mort. Cette question, constamment renouvelée, met en jeu le problème de la signification de l'existence humaine et, par là même, implique une évaluation des principes de conduite. Ainsi, dans la philosophie grecque, la pensée de la vie et de la mort n'est pas dissociable de la définition d'un « art de vivre «, comme le montrent, chacun à leur manière, Platon [Apologie de Socrate, 40d-41 d, Éditions Garnier-Flammarion, pages 53-54), Épicure (Lettre à Ménécée, Éditions Hermann), et Épictète (Manuel, Éditions Garnier-Flammarion). Fondamentalement, la position distinctive de l'homme ne peut être définie sans référence à la totalité cosmique, au devenir de la réalité saisie dans son ensemble. Plus près de nous, Montaigne (Essais, I, 20 et III, 12 et 13) et Pascal (Pensées, édition Brunschvicg, 206 à 210 et 194) ont repris et prolongé la pensée des Grecs, en mettant davantage l'accent sur les données de la subjectivité humaine face à une existence relativisée. De nos jours, la réflexion sur « l'absurde «, menée par l'existentialisme, a contribué elle aussi à renouveler la question.   

« — D'où vient la référence à la mort? Celle-ci n'est pas objet d'expérience directe, du moins au niveau de lasensation présente et personnelle. Cf.

Épicure (Lettre à Ménécée) : « La mort n'est rien pour nous, car tout bien et tout mal résident dans la sensation; or la mort est la privationcomplète de cette dernière.

» — Seule compte la vie, puisque seul compte le présent de la sensation. — Comment rendre compte des multiples références à la mort ? Celles-ci ne sont, selon Épicure et Lucrèce (De lanature, troisième partie, pages 113 et suivantes de l'édition Garnier-Flammarion), que des fantasmes dus àl'ignorance ou à une situation de détresse passagère. — Peut-on admettre une perspective aussi réductrice, et évacuer ainsi l'importance effective que la pensée de lamort a revêtue dans notre culture? (N.B.

Cette question, développée, constituera la transition avec la partie suivante). • Troisième partie.

La référence à la mort est indispensable pour penser la vie. — La crainte de la mort, comme donnée affective et purement passionnelle, ne peut être surmontée que par uneprise en charge de la mort dans la représentation que se fait le sage de la totalité cosmique où s'insère l'existence.La sagesse pratique a pour instrument la connaissance.

La signification cosmique de la mort doit être bien comprise,et la conduite de la vie n'en sera que plus parfaite. — Première illustration : Socrate et la mort d'après le fameux texte de Platon (Apologie de Socrate).

Ou la mort estnéant; ou elle est passage vers une autre vie, avec évaluation des conduites de chacun.

Dans les deux cas, elledoit être saisie sereinement; dans le deuxième, la perspective d'un «jugement» doit servir de guide à toutel'existence.

Ainsi la mort permet-elle une « décantation » des véritables valeurs; sa prise en charge invite à lalucidité. — Deuxième illustration: Les Stoïciens et la mort.

Le sage doit rechercher l'accord avec la nature.

Il sait qu'uncertain nombre de choses ne dépendent pas de l'homme (cf.

Épictète, Manuel, début).

Il ne cherchera donc pas àles contrarier.

La mort, inscrite dans la nature des choses, peut même être bénéfique, lorsque la «faculté dedisposer de soi» se trouve altérée (cf.

théorie du « suicide rationnel », Marc Aurèle, Pensées pour moi-même).

Lamort ne doit pas être occultée, mais maîtrisée, comme tout ce qui advient à l'homme selon une rigoureusenécessité. • Quatrième partie: problématisation de la distinction. La mort n'est plus seulement vécue comme « référence ».

Elle devient angoisse, donnée subjective. — La dérision tragique. Pascal : « Le dernier acte est sanglant, quelque belle que soit la comédie en tout le reste: on jette enfin de la terresur la tête, et en voilà pour jamais» (Pensées, édition Brunschvicg, 210). Celui qui pense la vie en s'efforçant «d'oublier» la mort s'engloutit dans l'inessentiel.

Il sombre dans lescompensations dérisoires du « divertissement » — perdant de vue l'essentiel : « le repos dans cette ignorance estune chose monstrueuse, et dont il faut faire sentir l'extravagance et la stupidité à ceux qui y passent leur vie...»(Pascal, même passage). — L'exaltation du devenir, comme « mélange » de vie et de mort: l'affirmation tragique selon Nietzsche.

Le devenircosmique est un processus contradictoire de création et de destruction, où alternent des phases d'« individuation »et de retour à l'indifférenciation.

La vie implique donc la mort, qui n'est plus une référence extérieure, mais unedonnée sous-jacente qui l'attire et la valorise tout à la fois chez ceux qui osent s'affirmer, courir des risques,affronter le danger.

« L'affirmation religieuse de la vie » (Nietzsche, Volonté de puissance) prolonge lareconnaissance et la prise en charge de la mort.

Dionysos, héros tragique par excellence, symbolise cetteindissociabilité (cf.

Nietzsche, La naissance de la tragédie, Éditions Gonthier, collection «Médiations», page 70). — Par-delà l'angoisse existentielle: l'obsession de la mort comme signe d'impuissance. Spinoza: « L'homme libre ne pense à rien moins qu'à la mort, et sa sagesse est une méditation non de la mort, maisde la vie » (Éthique, livre IV, proposition 67). L'homme qui affirme son désir d'être et agit de façon à s'accomplir ne pense pas à la mort.

Une telle pensée,entourée de craintes et d'angoisses, est l'indice d'une certaine impuissance, qui produit les « passions tristes ».

La. »

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