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Peut on réduire le romantisme à l'expression du moi ?

Publié le 22/10/2010

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Le romantisme est né en Angleterre et en Allemagne autour de 1795, mais déjà une sensibilité nouvelle s’exprimait avec des œuvres comme les Confessions (1775-1780) dans lesquelles Jean-Jacques Rousseau raconte avec le plus de sincérité possible sa vie et cherche à se justifier. Dans cette œuvre, Rousseau veut se démarquer de ses prédécesseurs et il ouvrira la voie à d’autres en préparant le romantisme. Au début du XIX° siècle, en France, Chateaubriand (1768-1848) et Madame de Staël (1766-1817) annoncent aussi le romantisme, l’un par son goût pour l’introspection et l’autre par sa curiosité envers la littérature allemande, mais ce n’est que vers 1820 que le courant romantique s’impose en France, notamment avec les Méditations Poétiques de Lamartine. Le romantisme se caractérise par le libre cours donné à l’imagination et à la sensibilité individuelle qui le plus souvent traduisent un désir d’évasion et de rêve. On a pris coutume ici de l’identifier au mal du siècle, ce trouble existentiel qui ravagea toute une jeunesse désoeuvrée, avide d’exprimer l’énergie de ses passions et de ses rêves, et consternée de ne trouver dans la société de la Restauration que de maigres canaux. D’Allemagne vinrent pourtant  des sources d’inspiration plus fécondes qui résonnent particulièrement dans le panthéisme de Nerval et Hugo : le romantisme procède à une contestation de la Raison dont il aperçoit l’infériorité sur le cœur et l’imagination dans la connaissance de l’Univers. Il exprime aussi une aspiration à la Liberté politique que manifestent alors la plupart des peuples européens.

 

Le romantisme touche à tous les genres littéraires, la poésie est toutefois le genre littéraire de prédilection. En effet, la poésie n’est plus seulement un art, elle devient aussi un moyen de connaissance. Pour Victor Hugo, le poète romantique doit être un mage, un voyant, qui doit guider le peuple et remplir une mission à la fois politique, religieuse et poétique. Lamartine, Hugo et Nerval orientent la poésie vers la voie de la modernité, et lui donnent pour une mission ambitieuse celle de la « totalité « : « tout est sujet, tout relève de l’art, tout à le doit de cité en poésie « (préface des Orientales). La poésie romantique se veut à la fois intime et universelle, cosmique et inspirée. Le discours poétique romantique aspire à se manifester comme une simple confidence. L’épreuve amoureuse, la confrontation avec le réel, la perte des idéaux. Le poète romantique tente de dire ses sentiments, ses pensées, ses goûts, persuadé que le lecteur y retrouvera ses propres sentiments. L’acte de naissance du lyrisme romantique est en général daté de 1820, lorsque paraissent les Méditations Poétiques de Lamartine. C’est un recueil de vingt-quatre poèmes qui constitua une véritable révolution poétique, exprimant avec force les tourments de l’amour et de l’âme. C’est dans la nature et la poésie que l’âme blessée trouve un réconfort et l’espoir d’une éternité. Lamartine concentre la sensibilité de toute une époque et notamment celle de l’insatisfaction du moi face au monde : son exaltation ne trouve aucun objet à la mesure de sa soif absolue de rêve, de départ. Le poète adopte le ton élégiaque et trouve dans la nature le rêve et des moyens de s’évader que la société ne lui permet pas.

 

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Ensuite, le théâtre romantique a été révolutionné par Victor Hugo avec le scandale qu’a provoqué le drame Hernani (1830), connu sous le nom de la « bataille d’Hernani «. En effet, le drame hugolien engendre une révolution qui remet en question les préceptes dont la tragédie est dotée depuis le Grand Siècle, notamment la règle fondamentale des trois unités. Selon cette règle, l’intrigue devait former un tout (unité d’action), cependant, la scène devait ne présenter qu’un seul lieu (unité de lieu) et la durée des événements représentés ne pas dépasser vingt-quatre heures (unité de temps). Le théâtre de Victor Hugo, dont les pièces les plus connues sont Cromwell (1827), Marion Delorme (1823), Hernani (1830), Lucrèce Borgia (1833) et Ruy Blas (1838), mais aussi celui de Musset, avec La Nuit vénitienne (1830), les Caprices de Marianne (1833), Fantasio (1834), Lorenzaccio (1834) et On ne badine pas avec l’amour (1834), bouleversent toutes ces prescriptions. La dramaturgie romantique multiplie les personnages et les lieux, mêle le vers et la prose, le style haut et le style bas, le sublime et le grotesque, le beau et l’horrible. La préface de Cromwell, qui contient un exposé de la poétique hugolienne, est une véritable défense et une illustration du drame romantique, elle sert de manifeste à la littérature romantique. 

 

Comme pour le théâtre, la prose trouve dans le romantisme un épanouissement exceptionnel. Le romantisme est aussi l’âge d’or de la prose. Trois principaux types de romans marquent cette époque : le roman autobiographique, le roman historique ainsi que le roman social. Dans les années 1800-1820 apparaissent les « romanciers du moi « : il s’agit entres autres de Senancour, Madame de Staël, B. Constant et de Chateaubriand. Les romanciers parlent à la première personne et s’attachent à décrire les émois et les passions de leurs héros. Delphine et Corinne de Madame de Staël sont par exemple deux héroïnes emportées par leur passions mais qui trouveront la mort pour avoir voulu passer outre aux préjugés du monde et aux contraintes de la société. Peu à peu, le roman autobiographique cède la place au roman historique, qui dès 1820 connaîtra un succès énorme et grandissant. Le roman historique naît d’une nouvelle conception de l’Histoire. Le XIX° siècle voit en effet naître l’histoire nationale, avec des historiens comme Augustin Thierry, Guizot et Michelet. Cela engendre un goût pour le passé dans son authenticité, c’est-à-dire les récits d’époque, les monuments témoins d’au autre âge. Chateaubriand disait lui-même : « tout prend aujourd’hui la forme de l’histoire, polémique, théâtre, roman, poésie «. Le roman historique est inspiré des romans de l’écossais Walter Scott et il a produit, entre autres romans connus, Cinq Mars de Vigny (1826), Notre Dame de Paris (1831), Quatre Vingt treize (1874) de Victor Hugo ou Les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas. Dans ce nouveau type de roman, le cadre historique permet d’introduire du pittoresque, un arrière plan exotique où se livrent les aventures du héros. C’est ainsi que Prosper de Mérimée utilise la Corse dans Colomba (1840) ou l’Espagne dans Carmen (1858), de même que Théophile Gautier se sert de l’Egypte dans le Roman de la Momie (1858). De plus, le genre a une fonction didactique, du moins selon Vigny : ce sont les vérités morales que le livre donne à lire qui doivent prévaloir sur la vérité du réel, lequel s’exprime à travers le destin des grandes figures de l’Histoire. Ce genre connaîtra l’apogée de son succès à partir de la parution de romans sous la forme de feuilletons, dans des journaux comme La Presse ou Le Siècle. Le roman social apparaît quant à lui à partir de 1840 et possède des œuvres d’une grande facture tels que Les Misérables (1862) de Victor Hugo, La Mare au Diable (1846) de George Sand. Il s’agit de prendre en compte les nouvelles données de la réalité socio-historique du demi-siècle. Les écrivains sont engagés et militants, et offrent les prémices d’une littérature populaire : le peuple entre dans le roman et c’est une réelle nouveauté. Ceci est un peu étonnant de la part de George Sand, qui professe le pacifisme, la solidarité des classes ou l’équité dans le partage des terres : c’est pour cela que l’on qualifie ce type de roman « social «.

 

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Enfin, la mélancolie romantique traduit un malaise de l’individu qui ne parvient pas à vivre dans la société. La sensibilité romantique se révolte contre un système politique qui anéantit l’artiste en se consacrant à la gloire de la nation. C’est la révolte par dégoût de l’avidité bourgeoise, de la société moderne, dégoût pour un présent qui n’a plus de passé ni encore d’avenir à la fois plein de semblants de ruines et d’espoirs incertains : « on ne sait, à chaque pas que l’on fait, si on marche sur une semence ou sur un débris « (Musset, Confession d’un enfant du siècle). Ainsi, Victor Hugo écrit plusieurs œuvres engagées dont les Misérables et les Châtiments. Les Châtiments est un recueil de poèmes satiriques publié en 1853. Ces vers sont pour le poète, une arme à abattre le régime de Napoléon III auquel Hugo voue une haine et un mépris sans bornes.  

 

Les auteurs romantiques sont engagés dans leurs œuvres certes, mais aussi dans leurs vies. En effet, Victor Hugo est un réformiste qui souhaite changer la société. S’il justifie l’enrichissement, il dénonce violemment le système d’inégalité sociale. Il est contre les riches qui capitalisent leurs gains sans les réinjecter dans la production. De même, il s’oppose à la violence si celle-ci s’exerce contre un pouvoir démocratique mais il la justifie (conformément à la déclaration des droits de l’Homme) contre un pouvoir illégitime. Hugo est un farouche abolitionniste. Dans son enfance, il a assisté à des exécutions capitales et toute sa vie, il luttera contre Le dernier jour d’un condamné (1829) et Claude Gueux (1834), qui soulignent à la fois la cruauté, l’injustice et l’inefficacité du châtiment suprême. Lamartine est lui aussi un poète engagé dans sa vie. En effet, après la mort de sa fille, il s’engage dans le combat politique, il se fait député en 1834 et joua dans la Chambre le beau rôle d’un orateur poète que la générosité de son cœur et l’élévation de la pensée mettent au dessus des partis. Il y présente de nombreuses interventions comme l’abolition de la peine de mort. Un peu plus tard, il se mit à la tête du mouvement révolutionnaire. Il est un des acteurs des journées de la République de 1848. Il devient membre du gouvernement provisoire et ministre des affaires étrangères, il fut ainsi l’un des protagonistes de l’abolition de l’esclavage.

 

En conclusion, nous pouvons répondre non à la question posée dans l’introduction à savoir : peut-on réduire le romantisme à l’expression du moi ? En effet, le romantisme est avant tout un mouvement artistique qui touche à toute forme d’art. Il remet en question la société du XIX° siècle sous la Restauration et la Monarchie de Juillet. En plus de nous faire part de leurs sentiments, les auteurs romantiques s’engagent dans la vie politique afin de faire changer les choses qui leur semblaient injustes. Le romantisme prend officiellement fin aux alentours de 1850, cependant, il a survécu par l’influence, affichée ou souterraine, qu’il exerce sur les chois thématiques et sur la sensibilité des auteurs modernes.

 

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