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Peut-on réfuter une croyance ?

Publié le 26/03/2009

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Peut-on réfuter une croyance ?

On réfute un raisonnement, des arguments, une prétendue démonstration, une prétendue preuve. La réfutation se situe sur le terrain de la discussion raisonnée, et donc dans le champ de ce qui est susceptible d'être démontré comme vrai ou d'être démontré comme faux, d'être logiquement ou empiriquement "vérifié" ou "falsifié". Réfuter une croyance suppose que la croyance qu'on réfute est susceptible, non de rester une croyance, mais de devenir une connaissance. Dans les exemples cités ci-dessus, il apparaît qu'il est sans doute possible de réfuter la croyance en la non-évolution des espèces, en l'existence des o.v.n.i., mais sans doute impossible de réfuter la croyance en l'existence de Dieu.

La question du sujet nous invite ainsi à départager les croyances qui relèvent du champ de ce qui est susceptible de devenir une connaissance, c'est-à-dire qui relèvent du champ de la rationalité, et puis les croyances qui relèvent du champ de ce qui n'est jamais susceptible d'être démontré ou vérifié, et par la même occasion de devenir une connaissance, et donc qui relèvent d'un horizon de préoccupations irrationnelles.

Mais la résolution de cette question se heurte à une difficulté de taille : croire, ce n'est pas simplement tenir pour vrai; dans ce cas une croyance ne serait pas distincte d'une opinion; croire, ce n'est pas seulement admettre comme vrai ceci ou cela, à défaut d'en être parfaitement certain, c'est donner son assentiment, c'est adhérer à cette opinion. Je m'implique dans ma croyance. Toute croyance comporte une part importance de subjectivité qui fait que je tiens à ma croyance; c'est pourquoi elle peut bel et bien résister alors à la réfutation. Par exemple, lorsque je crois (au sens où je fais confiance) "à", ou mieux, "en" d'autres hommes dont j'attends beaucoup (je crois en ce gouvernement, je crois en mon père, je crois à l'avenir du parti communiste... etc.); l'avenir peut me désavouer, mais je peux m'accrocher à cette croyance, même si les faits me donnent tort; dans ce cas je préserve mes illusions.

Nous avons vu que le contenu d'une croyance est, à certaines conditions, réfutable. Et il nous faut préciser ces conditions. Mais peut-être l'attitude même de la croyance, dont l'enjeu est important pour l'existence et les espérances du "croyant", l'empêche de se prêter à la réfutation. Dans quelle mesure une croyance peut-être réfutable et qu'est-ce qui dans une croyance peut-être réfutable ? L'attitude ou la posture de la croyance l'empêche-t-elle absolument d'être réfutable ?

 

« caractère relatif du mouvement pour montrer qu'il était impossible de distinguer dans l'absolu un corps enmouvement uniforme d'un corps au repos.

Ou, plus connu, Galilée avançait des arguments tirés de l'observation(offerte par la lunette astronomique qu'il a réussi à mettre au point) pour montrer que Vénus était éclairée par lesoleil et tournait donc autour de lui, que Jupiter avait des satellites, comme la terre avait le sien (la Lune), etc.

Lesarguments de Galilée étaient tels qu'il réfutait donc la croyance que la terre était au centre du monde.L'idéal de la science est bien de nous faire renoncer au maximum de croyances possibles.

Cet idéal est parfaitementexprimé par le Discours de la Méthode de Descartes : renoncer aux arguments d'autorité (Aristote l'a dit...),s'affranchir du poids d'un enseignement qui nous donne l'illusion d'un savoir érudit, ne compter que sur sa raison pourêtre assuré de savoir ce que l'on sait et être le moins possible dans la position de celui qui croit savoir.Il est bien évident que Descartes le premier ne prétendait pas atteindre un savoir complet de toutes choses, et qu'ilétait inévitable qu'il y ait des parts d'ombre dans tout ce qu'il pouvait connaître.

Mais l'important est d'être danscette disposition qui consiste à ne pas se contenter de croire savoir et d'être prêt à être réfuté dans sescroyances.

Une telle attitude est celle de l'esprit scientifique.Mieux, l'esprit scientifique consiste à se méfier aussi de ce qui peut nous faire tenir à de faux savoir, de ce qui peutnous faire tenir à des croyances.

Bachelard montre qu'il y a des résistances, au sens psychanalytique du terme, quitravaillent constamment pour s'opposer au progrès de la connaissance, et qu'il appelle des obstaclesépistémologiques, par exemple l'attachement à un certain imaginaire, à des concepts comme celui de la substance,à des modèles comme ceux de la machine, à des théories qui soient les plus synthétiques possibles et quisoumettraient à une même formule l'ensemble des phénomènes.Bachelard sur les traces de Descartes, et dans le sillage des Lumières, partage cet idéal de la rationalité quiconsiste à espérer pouvoir réfuter lentement mais sûrement toute croyance qui n'est que l'attachement à de fauxsavoirs ou à des savoirs incomplets.

Reste que cet idéal place la croyance dans l'horizon du savoir, mais peut-êtretoute croyance ne peut être dissipée à la lumière de la connaissance.

Deuxième partie Peut-il exister des croyances qui résistent à toute réfutation, non du fait de l'ignorance et de notre inertie, maisparce qu'elles restent imperméables à l'influence de la science ?Nous pensons ici spontanément aux croyances religieuses, à la foi.

Nous aurions tendance à penser que la croyanceen l'existence de Dieu échappe au domaine de la réfutation, contrairement à la croyance en l'existence de telsphénomènes naturels, ou dans la valeur de tel système scientifique expliquant tout un ensemble de phénomènesnaturels (mécanique céleste newtonienne, théorie darwinienne, théorie de la relativité générale, etc.).Reste à savoir en quoi et pourquoi telle croyance religieuse échapperait au contrôle de la raison.

Nous oublions unpeu vite que les théologiens du Moyen Age, que ce soit Averroès ou saint Thomas d'Aquin par exemple, ne voyaientnulle contradiction entre la foi et la raison.

Mieux la raison s'accomplit parfaitement dans la foi, pour Averroès, aupoint que le philosophe est plus à même de comprendre la parole de Dieu que celui qui se contente de lire le Coranet d'écouter les théologiens; et la foi achève l'élan de la raison pour comprendre toute chose, selon saint Thomasd'Aquin, étant entendu que la raison est limitée si elle n'est pas éclairée par la révélation.

A la limite les croyancessont toutes réfutables à la lumière de la raison et de la révélation, chacun - le théologien musulman ou le théologienchrétien - ayant la raison avec lui !Mieux, un philosophe comme Descartes, fait reposer sur la certitude de l'existence de Dieu - certitude rationnelle etdémontrable - l'ensemble de la connaissance : "la vérité de toute science dépend de la seule connaissance du vraiDieu".

L'existence de Dieu n'est pas aux yeux de Descartes de l'ordre de la croyance, mais de l'évidence rationnelle.Est-ce à dire que pour Descartes, il n'y a rien qui ne se situe dans le champ de la rationalité, et qu'il n'existe pas decroyance irréfutable ?Il existe bien pour Descartes toute sorte de croyances qui guident les hommes dans leur conduite, relevant decoutumes, de moeurs et de religions particulières et changeantes, et il est impossible, du moins tant qu'on aura pasassis la morale sur des bases rationnelles (médicales et physiques précises) de prétendre être dans la vérité dans undomaine aussi complexe et aussi riche que celui l'action, étant donnée aussi la diversité des hommes et dessituations.

Dès lors Descartes s'en tient à des croyances communes, toujours réfutables en droit, mais valables parla possibilité qu'elles donnent de vivre paisiblement en société.

"Entre plusieurs opinions également reçues, je nechoisissais que les plus modérées...

tout excès ayant coutume d'être mauvais." (extrait de la 2e maxime de lamorale provisoire, Discours de la Méthode, III).On ne réfute pas des coutumes, et donc des croyances en tant qu'elles sont à l'origine de pratiques diverses.

On neréfute que des croyances qui relèvent du champ théorique de la connaissance.

On ne réfute donc pas une religion,avec tout ce qu'elle peut comporter de pratiques, de rites, de coutumes, on réfute tout au plus le contenuthéorique d'une croyance.

Aussi la croyance religieuse a-t-elle donné lieu à des débats contradictoires dans lechamp de la théologie.

Saint Thomas d'Aquin a écrit la Somme Théologique en vue de réfuter les positions entreautres d'Averroès, les positions théologiques ou philosophiques d'infidèles, ou de chrétiens hétérodoxes...

` Est-ce àdire que le contenu d'une croyance religieuse est susceptible d'être réfutée ? La théologie est-elle une disciplinerationnelle ? Appartient-elle au champ de la science ? Nous aurions tendance à penser aujourd'hui que non.

Qu'est-ce qui nous permet alors de dire que la foi n'est pas réfutable ? Troisième partie Car il nous apparaît important de penser qu'on ne peut réfuter une croyance religieuse, ne serait-ce que pour desraisons morales et politiques.

Nous savons trop à quelle intolérance a conduit les oppositions doctrinaires en matièrede religion, et ce dès avant les guerres de Religion, au Moyen-Age, et par exemple dans la civilisation musulmane.Le risque est pourtant de tomber dans un autre type d'intolérance et de prétendre que toute croyance religieuse. »

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