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Peut-on renoncer librement à sa liberté ?

Publié le 08/01/2004

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Rousseau commence ici à démontrer les arguments fallacieux qui justifient l'emprise du pouvoir sur les hommes, et les privent de leur bien le plus précieux au nom d'une prétendue sécurité. Mais il va plus loin en montrant que même un contrat de soumission est, en fait, juridiquement nul, moralement inconcevable. Un contrat suppose un échange de biens entre contractants, or renoncer à sa liberté, c'est renoncer à tout, c'est échanger un bien un bien infini (ma liberté) contre un avantage qui sera par définition disproportionné. Si je donne tout, que pourra-t-on me restituer en échange ? Ce contrat est un contrat de dupe. Je renonce à tous mes droits, je les donne à une autre qui en use à sa guise. Qu'aurais-je à réclamer contre lui ? Que pourrais-je faire s'il veut me nuire ? « C'est une convention vaine et contradictoire de stipuler d'une part une autorité absolue et de l'autre une obéissance sans borne. « Renoncer librement à ma liberté revient à promettre d'obéir inconditionnellement à un autre, donc à me considérer comme un simple instrument, un simple objet, une chose dont l'autre peut disposer à sa guise.

À première vue, la liberté est une valeur pour laquelle les hommes n'ont cessé de se battre, au cours de l'histoire. Toutefois, Kant faisait déjà remarquer que beaucoup d'hommes qui pourraient être indépendants ne le sont pas parce qu'ils ne le veulent pas : un livre leur tient lieu d'intelligence, un médecin décide de leur régime, etc. ("Qu'est-ce que les Lumières ?"). C'est pourquoi l'on peut se demander si l'homme, capable de lutter pour sa liberté, ne serait pas aussi capable d'y renoncer, et d'y renoncer librement.  

« demeurent après elle perdent entièrement leur goût et leur saveur, corrompus par la servitude : la seule liberté, leshommes ne la désirent point, non pour autre raison, ce semble, sinon que s'ils la désiraient, ils l'auraient, comme s'ilsrefusaient de faire ce bel acquêt, seulement parce qu'il est trop aisé » L'homme ne peut nier sa liberté sans nier son humanité Dans le chapitre 4 du Contrat Social , Rousseau soulève une question d'importance : est-il possible, pour un homme ou pour un peuple, d'aliénerc'est-à-dire de donner ou de vendre sa liberté ? Pour Rousseau, une telle convention, par laquelle un homme, ou tout unpeuple, aliène sa liberté, en échange de sa vie, de sa subsistance ou detranquillité ne peut être qu'un marché de dupes, car l'autorité à laquelle il sesoumet ce faisant n'a aucun droit sur la première, et ne garantit jamais lesdeux autres.

Quant à engager la liberté de ses propres enfants, cela ne sepeut dans la mesure où ils naissent hommes libres ; leur liberté leurappartient, nul n'a droit d'en disposer qu'eux » , Du Contrat Social. Fondamentalement, « renoncer à sa liberté c'est renoncer à sa qualitéd'homme, aux droits de l'humanité, même à ses devoirs.

Il n'y a nuldédommagement possible pour quiconque renonce à tout.

Une tellerenonciation est incompatible avec la nature de l'homme, et c'est ôter toutemoralité à ses actions que d'ôter toute liberté à sa volonté ». De plus l'on ne peut aucunement justifier l'aliénation de la liberté par le prétendu droit de tuer le vaincu en temps de guerre.

Car pour Rousseau « la guerre ne donnant point au vainqueurle droit de massacrer les peuples vaincus », « ce droit qu'il n'a pas ne fonder celui de les asservir », au risque detomber dans un cercle vicieux », Du Contrat Social , Livre 1, Chapitre 4. Plus encore il ne faut confondre le fait et le droit : « Aristote avait raison, mais il prenait l'effet pour la cause.

Touthomme né dans l'esclavage, rien n'est plus certain.

Les esclaves perdent tout dans leurs fers, jusqu'au désir d'ensortir ; ils aiment leur servitude comme les compagnons d'Ulysse aimaient leur abrutissement.

S'il y a donc desesclaves par nature, c'est parce qu'il y a eu des esclaves contre nature.

La force a fait les premiers esclaves, leurlâcheté les a perpétués », Du Contrat Social , Livre 1, chapitre 2. C'est dans le « Contrat social » que l'on trouve l'une des affirmations les plus radicales de Rousseau concernant la liberté comme bien inaliénable, définissant l'homme en propre: « Renoncer à sa liberté, c'est renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de l'humanité et même à ses devoirs.

Il n'y a nul dédommagement possible pour quiconque renonce à tout.

Une telle renonciation est incompatible avec la nature del'homme.

». L'idée que la liberté est un bien inaliénable, et que nul ne peut consentir à y renoncer pour appartenir à l'Etat, est une thèse centrale de la penséepolitique de Rousseau .

Elle sous-tend tout le « Contrat social », où il s'agit de déterminer comment les hommes peuvent véritablement s'associer, obéir à un pouvoir commun, à des lois valant pour tous, sans abdiquer leur imprescriptible liberté. Cette fameuse formule s'inscrit dans un contexte polémique.

Rousseau vient de montrer, en accord avec Hobbes et les partisans de l'école du droit naturel, que toute société, tout Etat, ne peut reposer que sur des conventions : « Puisqu'aucun homme n'a une autorité naturelle sur son semblable, et puisque la force ne produit aucun droit, restent donc les conventions pourbase de toute autorité légitime parmi les hommes. » Rousseau entend maintenant se démarquer de ses prédécesseurs en refusant toute espèces de pacte de soumission qui lierait le peuple à des gouvernants, qui soumettrait la liberté des hommes à celle d'un autre.

C'est pourquoi il entend prouver que renoncer à sa liberté conduit à sedétruire en tant qu'être humain, et que, par suite, nul ne peut le vouloir. Mais sans doute faut-il comprendre que la liberté pour Rousseau est constitutive de l'humanité : être humain, c'est être libre.

On peut aller jusqu'à dire que la liberté pour Rousseau prend la place du cogito chez Descartes .

Descartes considérait les animaux comme de simples automates, des machines, et la pensée seule assurait l'homme de sa différence essentielle avec les bêtes.

A cela Rousseau rétorque, faisant sienne les thèses sensualistes : « Tout animal a des idées puisqu'il a des sens […] et l'homme ne diffère à cet égard de la bête que du plus ou moins. » Mais, alors que l'animal est régi par l'instinct, par des règles de comportement innées, fixées par la nature, l'homme est libre : « et c'est surtout dans la conscience de cette liberté que se montre la spiritualité de son âme ».

Ce qui fait la grandeur de l'homme , sa spécificité, sa spiritualité, ce qui le définit en propre, ce n'est plus la raison, c'est la liberté. A partir de ces fondements, mis à jour dans le « Discours sur l'origine et les fondements parmi les hommes » (1755), Rousseau va s'employer à démontrer tous les arguments qui tentent de justifier l'esclavage privé et la sujétion politique. Il entend d'abord réfuter le parallèle établi par Grotius (1583-1645) entre l'esclavage privé et la soumission des peuples.

Si l'on pouvait comprendre qu'un homme se vende pour pouvoir survivre, il n'en resterait pas moins incompréhensive qu'un peuple se donne à un maître qu'il devra nourrir.Rétorquer que le peuple gagne au moins sa sécurité revient à dire, selon Rousseau , que les compagnons d' Ulysse étaient en sécurité dans l'antre. »

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