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Peut-on se représenter la mort ?

Publié le 24/12/2005

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En effet, tant que les autres meurent et que moi je suis en vie, je repousse la certitude de la mort, elle disparaît de la vie. C'est que rendre présente la mort dans la vie, c'est donner toute sa valeur à l'existence même. Pour Heidegger, les hommes fuient la mort en lui laissant au "on", à l'anonymat. La vie est définie comme "l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort" par Bichat. Cette formulation a pour but de nous faire prendre conscience que c'est la mort la généralité et la vie l'exception. C'est donc la mort qui nous donne à penser la vie comme un don, un cadeau. Pour Schopenhauer, la représentation de la mort, même incomplète est ce qui permet tout étonnement et donc toute possibilité de philosopher. "Si notre vie était infinie et sans douleur, il n'arriverait à personne de se demander pourquoi le monde existe, et pourquoi il a précisément telle nature particulière."( Le monde comme représentation et comme volonté) Épictète de son côté nous invite à avoir tous les jours à porter notre regard vers la mort pour profiter pleinement de chaque instant de notre existence. La représentation de la mort semble donc nécessaire non seulement pour penser la vie mais aussi pour penser et réfléchir le monde qui nous entoure et en profiter.

Nous savons tous ce qu'est la mort, l'arrêt des fonctions biologiques et de la vie. Et pourtant cela est-ce si évident? L'homme est le seul animal qui sache qu'il doive mourir, mais il y a dans ce savoir quelque chose d'obscur et de mystérieux. Représentation vient du latin repraesentare qui signifie "rendre présent". La représentation est identifiée en philosophie mais aussi en psychologie à l'acte par lequel l'esprit se rend présent des objets, des actions. La représentation est donc liée à l'idée d'image mentale. Comment peut-on se former une image de la mort, la rendre présente à l'esprit? Il semble dans un premier temps que cette représentation soit impossible puisque personne n'a fait l'expérience de la mort et personne n'a pu la relater une fois mort( logique!). Et pourtant la mort est bien présente dans notre vie, puisqu'il y a sur terre plus de morts que de vivants et que nous avons tous connu au moins une fois la perte d'un être cher. Mais est- ce vraiment une représentation? Et à quoi peut-il nous servir de nous rendre la mort présent à l'esprit?

« Dès lors je peux vivre, agir et profiter de cette vie sans redouter aucune punition post-mortem.

Et je sais que c'estici et maintenant qu'il me faut être heureux, en cette vie, car je n'en ai aucune autre.

Mon bonheur dans la vie estune affaire sérieuse qui ne souffre aucun délai.

Tel est l'enseignement de la sagesse matérialiste. "La pensée "je ne suis pas" ne peut absolument pas exister; car si je ne suis pas, je ne peux pas non plus êtreconscient que je ne suis pas."( Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique)"La pensée a beau reprendre son élan pour tenter de faire de la mort un objet, elle ne parvient pas à l'insérer et elleglisse impuissante sur ce monstrueux a priori"( Vladimir Jankélévitch, La mort)"Le fait est qu'il nous est absolument impossible de nous représenter notre propre mort, et toutes les fois que nousl'essayons, nous nous apercevons que nous y assistons en spectateur[...] dans son inconscient chacun estpersuadé de sa propre immortalité"( Freud, essais de psychanalyse ) 2.

Je fais l'expérience de la mort d'autrui Ma propre mort ne saurait avoir de représentation, mais nous pouvons faire l'expérience de la mort d'autrui ou lamort "en seconde personne" comme la qualifie Jankélévitch.

Elle est en effet perte d'un être irremplaçable et unique.De même, pour Pascal, nous savons la mort inévitable parce que nous l'expérimentons par l'entremise d'autrui.

C'estla vue de la mort d'autrui qui nous renseigne sur notre propre condition.

" Qu'on s'imagine un nombre d'hommes dansleurs chaînes, et tous condamnés à la mort, dont les uns étant chaque jour égorgés à la vue des autres, ceux quirestent voient leur propre condition dans celle de leurs semblables."( Pensées et opuscules)Il est donc possible de se représenter la mort des autres, comme absence définitive de cette autre, alors qu'on nepeut penser sa propre absence.

La mort a donc une représentation qui se construit d'un point de vue extérieur, parles traits empruntés à celle d'autrui.

Il n'y a pas de représentation directe de la mort comme expérience intime, maisindirect.

3.

Il faut tenter de se représenter la mortPourtant cette représentation extérieure de la mort pour Freud ne peut m'obliger à me représenter la mort commeune réalité.

En effet, tant que les autres meurent et que moi je suis en vie, je repousse la certitude de la mort, elledisparaît de la vie.

C'est que rendre présente la mort dans la vie, c'est donner toute sa valeur à l'existence même.Pour Heidegger, les hommes fuient la mort en lui laissant au "on", à l'anonymat.La vie est définie comme "l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort" par Bichat. Chirurgien militaire, puis professeur, Bichat fait partie d'un courant de pensée appelé "vitalisme".

Pour aller àl'essentiel, on peut dire que le vitalisme considère que le vivant possède des caractéristiques spécifiques etirréductibles à une approche simplement mécanique ou physico-chimique.

Par ailleurs, il postule que la vie s'inscritdans une lutte permanente contre les lois physiques qui ne tendent naturellement ni à l'équilibrer, ni à la préservermais à la détruire.

C'est précisément cette dimension qui est évoquée dans la citation puisque la vie y est définiedans son opposition avec son contraire : la mort.

Derrière une définition apparemment simpliste (la vie c'est tout cequi résiste à la mort), Bichat nous permet de comprendre que la vie est "un ensemble de fonctions" qui s'opposent àl'inertie du monde de la matière.

La nutrition, la reproduction, la respiration, les échanges entre organes, lesdéfenses immunitaires etc.

constituent autant de "phénomènes de vie", si l'on peut dire, et grâce à eux, la vieperdure dans un environnement matériel hostile et foncièrement étranger.

Bichat distingue deux sources d'agression,renvoyant à des conditions externes et internes au vivant.

Les premières sont liées aux stimuli de tous ordres quicontraignent l'organisme à s'adapter à son milieu, lequel tend à le faire mourir sans cette adaptation (Bichat parle de"principe de réaction").

Les secondes résultent des forces physiques internes à la matière organique et quiconvergent vers sa décomposition.

Dans ces conditions, la mort apparaît bien sûr comme l'autre du vivant, maisaussi comme ce contre quoi le vivant se détermine : vie et mort sont deux forces contradictoires, continuellementen tension.

Mais qu'est-ce qui fait la spécificité de la vie à l'égard de la matière inanimée ? Cette formulation a pour but de nous faire prendre conscience que c'est la mort la généralité et la vie l'exception.C'est donc la mort qui nous donne à penser la vie comme un don, un cadeau.Pour Schopenhauer, la représentation de la mort, même incomplète est ce qui permet tout étonnement et donctoute possibilité de philosopher.

"Si notre vie était infinie et sans douleur, il n'arriverait à personne de se demanderpourquoi le monde existe, et pourquoi il a précisément telle nature particulière."( Le monde comme représentation et comme volonté ). »

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