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PEUT-ON SE SATISFAIRE DU NÉCESSAIRE ?

Publié le 20/09/2011

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Peut-on se satisfaire du nécessaire ? Le mot “nécessaire” est ambigu, déjà paradoxal. Au sens strict il désigne ce qui est inévitable, fatal, ce qui ne peut pas ne pas être : il est nécessaire, par exemple, que les êtres vivants meurent. Va-t-on s’en satisfaire ? Il le faut bien : on s’y résigne donc. Est-il satisfaisant que les choses soient comme elles sont ? La réponse semble aller de soi, c’est celle que l’on fait à l’enfant qui voudrait rêver sa vie : la terre est ronde, nous sommes des êtres vivants, tout cela va de soi. Ces évidences ne posent pas vraiment problème, elle ne réclament pas notre assentiment. Il n’est pas vraiment satisfaisant que deux et deux fassent quatre : c’est un fait avéré, indépendant de nos désirs et de nos besoins, on doit l’accepter.

« la combattirent avec énergie, jusqu'à ce qu'elle change bel et bien ! Utopistes, les travailleurs qui réclamèrent descongés payés (ce qui était inconcevable pour leurs patrons, ce qui n'était pas nécessaire, mais qui était réclamécomme une nécessité, et qui paraît aujourd'hui comme une droit fondamental) : ils ne savaient pas que c'étaitimpossible, donc ils l'ont fait.

“Rêveurs”, ceux qui projetèrent d'assembler des États pour un monde pacifié (SDN,ONU...) : la guerre de tous contre tous était “nécessaire”, “naturelle”, ils la refusèrent obstinément, c'est dire qu'ilsrefusèrent les faits établis : ils réclamèrent mieux, et l'obtinrent !Peut-être n'étaient-ils pas si loin de ce qui est nécessaire, puisque leurs rêves se réalisèrent : s'ils avaient étévraiment fous, leurs délires n'auraient eu aucun effet sur l'inexorable déroulement des événements.

Ils ont vu ce quidoit être l'enjeu de notre problématique : la liberté, inscrite nécessairement dans un monde déterminé, qui rend cemonde déterminable !Ce n'est pas parce qu'une chose est nécessaire qu'on doit l'accepter.

L'acceptation de chacun à ce qui pourraitsembler n'être qu'un destin, dépend en fait de chacun.

Les stoïciens l'ont bien vu, quand ils ont précisé que çan'était pas sur l'enchaînement inexorable des événements que l'homme devait chercher sa satisfaction, mais surl'idée qu'il s'en fait.

Le monde est ce qu'il est nécessairement, mais on peut se le représenter de différentesmanières, satisfaisantes ou non.

Et selon la représentation que l'on s'en fait, il nous convient autrement (parexemple, pour rester stoïcien, en distinguant ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas).La difficulté consiste à concevoir la liberté comme elle-même cadrée par la nécessité : on ne peut vouloir êtreempereur de Chine, arguait Descartes, d'abord parce qu'on ne connaît rien de cet empire, ensuite parce qu'on saittrop pertinemment qu'il échappe à notre pouvoir.

Si l'homme sent en lui l'impétueux désir de devenir “maître etpossesseur du monde”, il sait aussi, à force d'avoir exercé son pouvoir et d'en avoir éprouvé la difficulté, qu'”il estplus facile de changer ses désirs que l'ordre du monde” : se satisfaire du contenu d'un dé à coudre plutôt que d'untonneau, voilà la raison.

Mais cette raison même peut être refusée : Gorgias affirmait préférer un tonneau percé qu'ilfaudrait sans arrêt remplir, plutôt qu'un tonneau bien fermé et empli des plus précieuses matières.

Socrate lui répondque les désirs doivent être ordonnés : il fait ce choix de l'ordre, libre choix, d'une liberté qui détermine touteexistence.C'est ce choix qui donne son critère à la satisfaction : choisir d'adhérer à son destin, c'est opter pour la résignation,la trouver sage, supposer judicieux de la prôner pour parvenir au bonheur.

Mais ce choix, cette liberté, ne sont-ilspas eux-mêmes déterminés ? Comme Spinoza , on peut arguer du fait que nous ne sommes jamais libres que dechoisir ce qui nous convient le mieux : nous choisirons nécessairement ce qui nous paraîtra le meilleur.

Alorsavouons que nous ne sommes jamais libres que d'aller nécessairement vers ce que notre raison nous présentecomme préférable.“Quand on fait un choix, les jeux sont faits” affirme Sartre : je ne peux préférer que ce qui m'apparaît commeévidemment préférable.

Les choses sont ce qu'elles sont -ou du moins ce que l'on suppose qu'elles sont : des élèvesà qui un professeur donne le choix entre une pièce de un euro et un chèque de cent milliards pourront préférer lapièce, “parce que le chèque j'y crois pas”...En fait les hommes ne sont pas ce qu'ils sont : il a fallu l'existentialisme de Sartre pour parvenir à ce constatahurissant.

L'homme qui ne se contente que d'être dans un monde nécessaire n'existe pas, tant qu'il endure cetteexistence factice qu'on lui présente comme nécessaire.

Qu'il ose exister par lui-même, et dès lors il quittera toutenécessité pour se définir lui-même enfin : “vousn'êtes pas responsables de ce qu'on a fait de vous, mais vous êtesresponsables de ce que vous allez faire de ce qu'on a fait de vous”. Il est possible de dépasser les faits, de ne pas s'y cantonner.

De n'être pas un simple homme, mais de faire de soi-même une œuvre, son œuvre.

L'art, justement, ne semble pas nécessaire -dans les deux sens du mot : une toilen'est pas peinte aussi nécessairement que la Terre tourne, et une toile ne se mange pas, on peut donc s'en passer,et pourtant...

pourtant aucune civilisation humaine ne s'en passe.

Cela semble pur caprice : celui qui prétendrait nepouvoir se passer de son lecteur mp3 confondrait-il ses désirs et ses besoins ? Se divertir, est-ce indispensable ?C'est justement parce que l'art paraît superflu qu'il est essentiel : on ne vit pas sans poésie, sans musique, sans seconsacrer à la beauté.

Ou plutôt on pourrait vivre, au sens biologique du terme, mais on ne le veut pas.

Car vivre,pour un être humain, ça n'est pas avoir un paquet d'organes qui fonctionnent selon un ordre biologique nécessaire.La “vraie vie” est spirituelle.

Chacun ressent en lui, comme une nécessité, le besoin de créer, de s'élever au-dessusd'une existence “bête”.

L'art est nécessaire pour nous ramener à l'essentiel : nous ne pouvons nous satisfaire d'êtreseulement vivants, il nous faut nous évader du conformisme, progresser encore et toujours.

Avec l'art l'hommedépasse les bornes, se donne le droit d'échapper au statut d'une simple chose bornée, en chantant, en dansant, enpeignant, en écrivant...

en existant ! On peut autant se passer d'art que de liberté. La satisfaction peut s'obtenir avec le nécessaire.

Mais nous ne voulons pas de cette satisfaction.

Nous sommesobligés de reconnaître que nous vivons dans un monde de contraintes où il convient de se résigner, de faire denécessité vertu; mais nous constatons qu'une vie ainsi bornée est misérable.

Parce que le désir est essentiel àl'homme, il ne peut se satisfaire du nécessaire, il cherche à se divertir de choses superficielles.

Le superflu sansl'essentiel ne fait pas le bonheur : un homme qui meurt de faim ne se satisfera pas ‘d'un concert).

Mais uneexistence ne saura se cantonner à la simple nécessité : ce qui distingue le désir du besoin, c'est qu'il ne se satisfaitpas de ce qu'il réclame, qu'il réclame ce qu'il n'est pas contraint d'obtenir,et, enfin, qu'il est insatiable.. »

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