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Peut-on tout dire ?

Publié le 27/07/2009

Extrait du document

Nous rencontrons fréquemment des situations qui nous laissent muets. Bien souvent, nous ne pouvons ou ne voulons exprimer une pensée. Confrontés à certains événements ou face à un interlocuteur particulier, nous nous trouvons démunis, incapables de ne rien dire, ou craignant de mal dire. Nous atteignons, nous semble-t-il             alors, la limite de nos capacités d'expression.
Pourtant, toutes les conditions semblent réunies : il y aurait bien quelque chose à dire et quelqu'un à qui le dire. La question se pose donc de savoir ce qui vient ainsi interdire la communication. La possibilité de dire est-elle limitée par le contexte, les circonstances extérieures dans lesquelles se déploie l'acte de parole ? On ne pourrait pas tout dire n'importe quand n'importe où, on ne pourrait tout dire à n'importe qui. Ou bien l'échec de la communication tient-il plus encore  à la structure du langage lui-même ? La question de l'indicible pose donc  le problème des rapports entre langage et communication.
 
I ) Est-il permis de tout dire [1]?
1)      La loi ne nous permet pas de tout dire
Il se trouve bien des situations qui nous interdisent de dire certaines choses. Contester un régime politique totalitaire, qui par définition n'admet aucune remise en cause, peut conduire à mettre sa liberté voire sa vie en péril. Il semble évident, dans de telles circonstances, que l'on ne pourra pas tout dire. Notre capacité et notre volonté d'expression sont alors confrontées à un interdit. Même sans aller jusqu'à l'extrémité d'un régime tyrannique ou totalitaire, on peut voir cette limitation de la liberté d'expression à l'œuvre dans tout régime politique fut-il le plus démocratique. Si, au fond la liberté  de penser peut sembler inaliénable (comment interdire à quelqu'un de penser quoique ce soit ?) celle d'exprimer ces pensées n'est jamais totale. Les thèses révisionnistes qui mettent en doute la réalité du génocide perpétré par les nazis pendant la seconde guerre mondiale sont passibles de condamnations. De même, et plus banalement, l'existence d'un délit de diffamation est le signe qu'il n'est pas permis de tout dire. Certaines prises de position, certaines paroles sont interdites par la loi.
Pour autant, l'affirmation qu'il n'est pas permis de tout dire est-elle équivalente à celle selon laquelle on ne peut pas tout dire ? Si les injures et les calomnies sont interdites c'est bien parce qu'elles sont possibles. Une loi n'a de sens qu'au regard d'une transgression possible.
2) Je ne m'autorise pas à tout dire
C'est qu'en effet, même confronté à une interdiction on peut estimer légitime d'énoncer une thèse, d'élever la voix. Celui qui s'oppose à la censure ne montre-t-il pas que l'on peut tout dire, qu'aucune loi ne parvient à faire taire définitivement ?  aussi se demander si l'on peut tout dire, ce n'est pas tant considérer ce qu'il m'est interdit de dire que ce que je peux m'autoriser à dire. Ma liberté de parole est moins limitée par des contraintes extérieures, sociales ou politiques, que par mon propre jugement moral. Si toute vérité n'est pas bonne à dire, c'est que ma parole est toujours adressée à quelqu'un. Je peux craindre de ne pas être compris ou de blesser, ce qui n'était pas dans mes intentions.
Ainsi par exemple il aur ait pu sembler illégitime pour un homme politique d'expliquer les événements du 11 septembre par la politique étrangère américaine le lendemain des attentats car cela aurait pu être compris (dans le climat émotionnel lié au traumatisme) comme une justification des attentats. Mais ce qui n'était pas possible peut le devenir une fois l'émotion retombée. S'il m'arrive de m'interdire de dire, c'est qu'avant tout je prends en compte l'autre, celui à qui je m'adresse. Non seulement je risque de ne pas être compris mais, mes paroles peuvent produire un effet que je ne souhaitais pas (ainsi dans l'exemple précédent blesser un peuple en souffrance).
3) Ne pas tout dire est affaire de prudence
Cependant la question de la légitimité pose un redoutable problème. Car en effet s'abstenir de dire quelque chose n'empêche pas de le penser. Je veux certes ménager l'autre, ne pas le blesser mais cela ne se fait-il pas au prix d'un mensonge (au moins par omission) ? En ne disant pas est-ce que je ne nie pas, d'une certaine façon mon intention morale. Mon silence se veut la marque d'un certain respect mais ne vient-il pas plutôt signifier ma condescendance. Au fond, que puis-je réellement savoir de ce que va comprendre l'autre ? Est-ce que je ne présume pas de son incapacité ? Ne rien lui dire n'est-ce pas lui nier cette capacité à comprendre ce que je dis et, en fin de compte  son droit de  me répondre d'égal à égal ?
Finalement, ne pas m'autoriser à tout dire serait moins la marque d'une attention, d'un tact relevant d'une éthique que d'une certaine prudence qui conduirait à éviter le dialogue. On pourrait tout dire même si on ne le veut pas toujours
 
 
 
II) Le langage permet-il l’expression de toutes les pensées
1) transition : la crainte de mal dire[2]
Choisir de ne pas dire révélerait donc, en fin de compte, plus une crainte qu'un véritable souci éthique, Elle ne nous en indique pas moins l'aspect problématique du langage.
Dire c'est certes  parler mais c'est avant tout exprimer quelque chose à quelqu'un. Ainsi dire vise bien à communiquer à autrui ses pensées. Même lorsque \"je me dis quelque chose\" c'est que, en quelque sorte, je me prends comme interlocuteur, je me considère comme moi et autre tout à la fois. S'il peut arriver que l'on ne veuille pas dire, est-ce seulement parce que l'on doute de la capacité de son interlocuteur ? N'est-ce pas plutôt que l'on craint de mal dire ?
2) On ne peut pas tout dire car le langage échoue à exprimer toutes nos pensée
C'est alors la possibilité même d'expression  du langage qui serait remise en cause. Y a-t-il des pensées que l'on souhaiterait exprimer et qui semblent ne pas pouvoir rencontrer de mots ? A bien des égards le langage peut sembler réducteur. Dire \" je t'aime\" à l'être aimé peut apparaître d'une platitude extrême au regard de la complexité des sentiments et des idées que l'on voudrait réellement exprimer. L'amour est un mot bien trop général qui semble échouer à représenter cet amour singulier que je ressens pour cet être précis. La réalité de ce que je pense, de ce que je ressens semble toujours déborder le langage.
C'est bien en ce sens que Bergson conçoit le langage comme un appauvrissement de l'expérience singulière. S'il peut affirmer dans l'Essai sur les données immédiates de la conscience  que : la pensée demeure incommensurable avec le langage\" c'est qu'il oppose la pensée comme expérience éminemment singulière au langage qui la réduit à des signes généraux. \" Chacun de nous, ajoute-t-il, a sa manière d'aimer, de haïr cependant le langage désigne ces états par les mêmes mots chez tous les hommes\".  C'est que le langage est lié avant tout à l'utilité il sert à désigner ce qui est nécessaire à l'action et donc n'exprime que des généralités. Aussi n'est il guère étonnant que parfois : \" les mots nous manquent, on voudrait bien dire mais c'est impossible, nous nous heurtons aux limites du langage\"
3) le langage ne peut échouer à exprimer notre pensée, il n'y a pas de pensée sans langage
La critique bergsonnienne du langage nous conduit donc à affirmer qu'il y a de l'ineffable. Nous ne pouvons pas tout dire car le langage est inadéquat à l'expression de nos pensées singulières ? Mais nous nous heurtons alors à une question difficile. Que sont ces pensées qui échappent aux mots ? Comment pouvons-nous tout bonnement en avoir connaissance ? L'idée d'une pensée informulée a-t-elle un sens ? Hegel  a posé ce problème au paragraphe 462 de L'encyclopédie des sciences philosophiques. En effet dire qu'il y a de l'ineffable, c'est selon Hegel se payer de mots. Qu'a-t-on dit une fois que l'on a parlé d'indicible? On ne désigne finalement qu'une \"non-pensée.\" C'est que toute vraie pensée peut se dire : \"c'est dans les mots que nous pensons (…) L'ineffable, c'est la pensée obscure, la pensée à l'état de fermentation et qui ne devient claire que lorsqu'elle trouve le mot. Ainsi le mot donne à la pensée son existence la plus haute et la plus vraie.\" Le langage ne peut être inadéquat ou venir limiter la pensée puisqu'il en est la condition.
 
 
 
III ) Dire c'est communiquer du sens
1)           Transition : Toute pensée n'est pas une pensée conceptuelle
Cependant, s'il est vrai que la pensée conceptuelle n'a de sens que dans son expression, il n'est pas certain que l'objection de Bergson se laisse si facilement écarter. La pensée ne se limite pas à la pensée conceptuelle. Descartes dans Les principes de la philosophie (première partie, art 9) nous dit que : \" (…) non seulement entendre, vouloir, imaginer, mais aussi sentir, est la même chose que penser\"  Bergson a bien conscience que la pensée conceptuelle est liée au langage, mais c'est évidemment ce lien qui rend problématique la capacité du langage d'exprimer d'autres formes de pensée (puisque conceptualiser c'est généraliser) Toute la pensée n'est pas une pensée conceptuelle, loin s'en faut.
2) on peut dire autrement qu'avec des mots
Mais dire,  ce n'est pas fondamentalement s'exprimer par des mots mais communiquer un sens. Et c'est peut-être là, la signification essentielle du verbe dire. La faculté de communiquer, (par quoi il faudrait moins entendre l'acte de transmettre un message que celui de mettre en commun un sens ), dépasse largement les seules limites du langage articulé. On peut dire de bien des façons qui échappent au langage. Une minute de silence vient dire beaucoup plus qu'un long discours sur le deuil ou la solidarité. Lorsque nous nous heurtons aux limites du langage nous ne sommes pas à bout de ressources pour nous exprimer. Nous pouvons dire en montrant, en nous taisant, voir en agissant. L'intention signifiante semble toujours pouvoir s'exprimer. Ainsi si l'amour ne se laisse pas exprimer par des mots, ceux qui aiment savent bien qu'il y a mille façons de le dire (par un regard, des gestes…)
3)le paradoxe du langage poétique : le poète  retourne l'incapacité du langage à exprimer la pensée pour faire partager du sens.
Le Geste, le silence, sont autant de façons de dire mais on pourrait affirmer que la mise en échec de la fonction signifiante du langage lui-même peut permettre de dire. C'est ainsi que les poètes usent des mots en les forçant à dire ce qu'ils ne peuvent exprimer dans le langage courant.  Le sens émerge dans la langue poétique de l'incapacité des mots à désigner correctement une pensée ou un objet, de la plurivocité des  significations. Et c'est bien en ce sens que Novalis peut dire que \"la poésie est la représentation de l'âme représentation du monde intérieur dans sa totalité\"
Conclusion :
Même si l'on ne dit pas tout on pourrait tout dire. La faculté de communication et d'expression déborde largement les limites du langage conçu comme faculté de faire usage de la langue. C'est en jouant sur ces limites même que le poète peut encore dire au-delà du langage. Si parfois les mots nous manquent, notre capacité à communiquer du sens ne s'épuise pas dans l'inadéquation du langage à exprimer toutes nos pensées.  
[1] Les titres sont présents  afin de montrer la structure, mais ils ne doivent pas apparaître  pas dans le travail fini
[2] La transition est ici intégrée à la seconde partie mais dans une copie de terminale il est préférable de la séparer.

« a pas la pos sibi lité de tout dire.

Inve rseme nt, quand il y a possibi lité, y a­ t-il permission ? ll fa ut donc examiner tous les types d'obstacles, sans quoi le sujet ne ser a pas totalement traité.

É labor er le plan In troduc tion : Pa rt ir des exempl es d'émi ssions télévisées où il s'ag it de tout dir e de sa vie.

I .L a di sponibili té totale du lang age 1.

Les mots sont les signes des pens ées Le lang age est un instru ment d'express ion et de communicati on de la pensée.

2.

La parole est un acte de volonté Déf inition de la par ole comme acte individuel de libr e·arbi tre.

3· La langue est une resso urce infinie d'énonc és Ana lyse lingu istique des poss ibilités infinies de disc ours.

Tra nsition : Dir e, c'est parler à quelq u 'un , à plusieur s ; le problème apparaît donc du côté de la permis sion.

Il .

Les limites de l'expr ess ion 1.

Lim ites morales et polit iques La condui te en socié té est soum ise à des règles, ou à des lois.

2.

Ob stacles psychol ogiques Le car actère, mais aussi l'inconscient font ob stacle.

3· Contr aintes linguis tiq ues Anal yse des imper fections du lang age pour signif ier correcte ment nos états d'âme.

Tra nsition : Comment exprimer ce que l'on ne peut pas dire ? Ill .

Les conditions de l'expr ession 1.

Le monde du lang age ll n'e xiste pas de sign ificat ion hors du lang age.

Le silence volontair e est, lui aussi, un signe.

2.

Condi tions linguistiques et psy chol ogiq ues Ce n'est pas la lang ue qui est limi tée, mais l'usage qu'en fait le locute ur.

3- Conditions morales On peut tout dire dans la limi te où l'on ne nie pas la par ole de l'autre.

Co nclusion : ll n'est ni pos sible, ni permis de tout dire sans contrainte ni limi te.

Mais n'est-ce pas variable selon les interlocute urs ?. »

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