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Peut-on vivre sans techniques ?

Publié le 27/12/2005

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Tous les possibles demeurent une fois que l'action s'est produite. Il faut que les conséquences des actions soient voulues. Il faut pour cela que des principes soient voulus pour que les conséquences soient voulues. Il faut donner à l'agir humain une dimension de volonté et qu'elle soit au principe de ses réalisations. Car la réalité humaine correspond à quelque chose de non- voulu. L'agir a pris des dimensions cosmologique. La menace des civilisations technologiques repose sur l'idée que la technologie domine aussi l'homme comme elle domine la nature. C'est l'étant dans sa totalité qui est menacé. Les sociétés modernes où la technique est omniprésente doivent pour continuer d'exister se protéger contre sa propre disparition en préservant ce qu'il y a de plus fondamentale sans quoi rien d'autre ne puisse exister. Notre avenir dépend de notre attention, cette responsabilité qui doit être prise est ce sans quoi rien ne peut exister, c'est le socle de toute avenir de la civilisation.

La technique, qui vient du mot grec technê signifant « art «, « habilité « ou même littéralement « technique «, désigne ce savoir-faire qui, une fois mis en œuvre, permet d’obtenir un résultat déterminé. Contrairement à la création artistique, qui relève elle aussi d’un savoir-faire mais dont la finalité esthétique est désintéressée, la création technique suppose un résultat visant l’utilité, l’efficacité : ce qui est créé doit servir à quelque chose, ce pourquoi il a été créé.

La question est alors de savoir dans quelle mesure cette capacité technique à créer des objets qui vont lui servir, d’une part, et la maîtrise de ce savoir-faire, d’autre part, sont indispensables à l’homme. Même plus, la question qui nous est ici soumise semble présupposer que l’absence de technique ne permettrait pas à l’homme de vivre. Comment pouvons-nous l’affirmer ?

1- Nous montrerons tout d’abord que la mise au point progressive de techniques, à travers les millénaires, a bien été la condition nécessaire à la survie de l’homme dans la nature.

2- En allant plus loin, on peut même voir dans le perfectionnement de la technique la raison du progrès des sociétés humaines actuelles, au point qu’à présent, personne ne puisse plus s’en passer, ce qui n’est pas sans une certaine ambivalence.

3- Mais, pourtant, si l’homme ne peut vivre sans technique, peut-on réellement affirmer que ces effets lui sont seulement bénéfiques ? Rien n’est moins sûr.

 

 

« Plus qu'un simple moyen d'assurer la survie de l'espèce, la technique a contribué à rendre l'homme « comme maître et possesseur de la nature »,pour reprendre la célèbre formule de Descartes, ce qui a littéralement changésa vie. Dans la sixième partie du « Discours de la méthode » (1637), Descartes met au jour un projet dont nous sommes les héritiers.

Il s'agit de promouvoir une nouvelle conception de lascience, de la technique et de leurs rapports, apte à nous rendre « comme maître et possesseurs de la nature ».

Descartes n'inaugure pas seulement l'ère du mécanisme, mais aussi celle du machinisme, de la domination technicienne du monde. Si Descartes marque une étape essentielle dans l'histoire de la philosophie, c'est qu'il rompt de façon radicale et essentielle avec sa compréhension antérieure.

Dans le « Discours de la méthode », Descartes polémique avec la philosophie de son temps et des siècles passés : la scolastique, que l'on peut définir comme une réappropriation chrétienne de la doctrine d' Aristote . Plus précisément, il s'agit dans notre passage de substituer « à la philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles » une « philosophie pratique ».

La philosophie spéculative désigne la scolastique, qui fait prédominer la contemplation sur l'action, le voir surl'agir.

Aristote et la tradition grecque faisaient de la science une activité libre et désintéressée, n'ayant d'autre but que de comprendre le monde, d'en admirer la beauté.

La vie active est conçuecomme coupée de la vie spéculative, seule digne non seulement des hommes, mais des dieux. Descartes subvertit la tradition.

D'une part, il cherche des « connaissances qui soient fort utiles à la vie », d'autre part la science cartésienne ne contemple plus les choses de la nature, mais construit des objets de connaissance.

Avec le cartésianisme, un idéal d'action, de maîtrise s'introduit au cœur même de l'activité de connaître. La science antique & la philosophie chrétienne étaient désintéressées ; Descartes veut, lui, une « philosophie pratique ».

« Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices qui feraient qu'on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes lescommodités qui s'y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé […] » La nature ne se contemple plus, elle se domine.

Elle ne chante plus les louanges de Dieu, elle est offerte à l'homme pour qu'il l'exploite et s'en rende « comme maître & possesseur ». Or, non seulement la compréhension de la science se voit transformée, mais dans un même mouvement, celle de la technique.

Si la science peut devenir pratique (et non plus seulement spéculative), c'est qu'elle peut s'appliquer dans une technique.

La technique n'est plus un art, unsavoir-faire, une routine, elle devient une science appliquée. D'une part, il s'agit de connaître les éléments « aussi distinctement que nous connaissons les métiers de nos artisans ».

Puis « de les employer de même façon à tous les usages auxquels ils sont propres ».

Il n'est pas indifférent que l'activité artisanale devienne le modèle de la connaissance.

On connaît comme on agit ou on transforme, et dans un même but.

La nature désenchantée n'est plus qu'un matériau offert àl'action de l'homme, dans son propre intérêt.

Connaître et fabriquer vont de pair. D'autre part, il s'agit « d'inventer une infinité d'artifices » pour jouir sans aucune peine de ce que fournit la nature.

La salut de l'homme provient de sa capacité à maîtriser et même dominer techniquement, artificiellement la nature. Ce projet d'une science intéressée, qui doive nous rendre apte à dominer et exploiter techniquement une nature désenchantée est encore le nôtre. Or la formule de Descartes est aussi précise que glacée ; il faut nous rendre « comme maître et possesseur de la nature ».

« Comme », car Dieu seul est véritablement maître & possesseur.

Cependant, l'homme est ici décrit comme un sujet qui a tous les droits sur une nature qui luiappartient (« possesseur »), et qui peut en faire ce que bon lui semble dans son propre intérêt (« maître »). Pour qu'un tel projet soit possible, il faut avoir vidé la nature de toute forme de vie qui pourrait limiter l'action de l'homme , et poser des bornes à ses désirs de domination & d'exploitation.

C'est ce qu'a fait la métaphysique cartésienne, en établissant une différence radicale de natureentre corps & esprit.

Ce qui relève du corps n'est qu'une matière inerte, régie par les lois de la mécanique.

De même en assimilant les animaux à desmachines, Descartes vide la notion de vie de tout contenu.

Précisons enfin que l'époque de Descartes est celle où Harvey découvre la circulation sanguine, où le corps commence à être désacralisé, et les tabous touchant la dissection, à tomber. Car ce qu'il y a de tout à fait remarquable dans le texte, c'est que le projet de domination technicienne de la nature ne concerne pas que la nature extérieure et l'exploitation des ressources naturelles.

La « philosophie pratique » est utile « principalement aussi pour la conservation de la santé ».

Le corps humain lui aussi, dans ce qu'il a de naturel, est objet de science, et même objet principal de la science.

« S'il est possible de trouver quelque moyen qui rende les hommes plus sages et plus habiles qu'ils n'ont été jusqu'ici, je crois que c'est dans la médecine qu'on doit lechercher. »La véritable libération des hommes ne viendrait pas selon Descartes de la politique, mais de la technique et de la médecine.

Nous deviendrons « plus sages & plus habiles », nous vivrons mieux, en nous rendant « comme maîtres & possesseurs de la nature ».

La science n'a pas d'autre but. Au fil des siècles, il a en effet été moins question de trouver des moyens de se protéger de la nature que de chercher à s'y implanter le plus confortablement possible jusqu'à en tirer le meilleur grâce à de nouveaux procédéstechniques.

La recherche sur l'optimisation des techniques a d'ailleurs toujours été un des moteurs de l'humanité, unmoyen de permettre à ses génies de s'exprimer, et au progrès de s'incarner dans la vie de tous les jours.

Que l'onpense à Gutenberg, Léonard de Vinci, ou encore aux frères Lumières, tous ont inventé des objets, dans différentsdomaines, ou mis au point des techniques permettant de changer la vie des hommes. De manière positive, si l'on affirme ici que l'homme ne peut pas vivre sans technique, on sous-entend qu'il n'aurait pas atteint son degré de connaissance et de maîtrise s'il avait été privé de toutes les innovationstechniques qui ont vu le jour au fil des siècles, reflet du génie émanant parfois de l'esprit humain. Pourtant, on peut voir certains aspects négatifs à cette dépendance humaine à la technique, qui vont cependant eux aussi de pair avec le progrès des sociétés.

En effet, au niveau de l'organisation du travail, la. »

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