Philosopher, est-ce tout connaître?
Publié le 15/01/2013
Extrait du document
III) La philosophie peut-être définie comme une attitude critique: philosopher, c’est chercher comment
bien vivre.
- Si la philosophie n’est pas une somme de connaissances à propos d’objets qui lui seraient propres, que
peut-elle bien être? Elle n’est pas une discipline parmi d’autres, mais pas non plus un savoir totalisant.
Elle relève en effet d’une attitude critique vis-à-vis de toutes les connaissances. Sans posséder d’objets
spécifiques, elle les examine tous. Ainsi, philosopher consiste à démasquer les faux savoirs. L’état
spontané, celui de l’homme qui ne philosophe pas, n’est pas un état d’ignorance consciente. Au contraire,
nous croyons toujours savoirs: nous avons des opinions. Et la croyance en une proposition fausse est
bien plus grave et plus dangereuse qu’une ignorance reconnue. La philosophie cherche donc avant tout à
examiner ces pseudo connaissances pour en manifester la fausseté. Voyons, par
«
- Nous pourrons sans doute trouver le sens de l’activité philosophique si nous remontons jusqu’au désir
qui l’a fait naître.
Comment naît alors la philosophie? Pour répondre à quelle attente?
Au début de sa Métaphysique (A;1), Aristote trace la genèse de la philosophie en réponse à un désir
particulier: « Tous les hommes ont, par nature, le désir de
connaitre ».
C’est ce désir qui sous-tend le développement progressif des différentes sciences: les
sciences immédiatement nécessaires dans un premier temps (agriculture, médecines), puis les sciences
désintéressées (mathématiques), et enfin la philosophie.
La philosophie est donc, pour Aristote, la
science suprême.
En ce sens, c’est elle qui doit permettre mieux que les autres de satisfaire notre désir
de savoir.
Pourquoi ?
- Comme l’affirme Aristote dans le même chapitre: nous appelons connaissance le savoir qui porte sur
l’universel (ex: tout homme est mortel).
Celui qui porte sur le singulier ne relève que de l’expérience (ex:
Socrate était mortel).
La philosophie, suprême connaissance, porte donc sur les principes les plus
généraux, les principes premiers: « la philosophie est généralement conçue comme ayant pour objet les
premières causes et les principes des êtres ».
La spécificité des objets de la philosophie est alors qu’ils
permettent de déduire les autres.
En effet, celui qui sait que « Socrate est mortel » ne peut rien en
conclure concernant le reste de l’humanité, mais celui qui sait que « Tout homme est mortel » peut tirer
des conclusions concernant Socrate, Callias, et n’importe quel autre homme.
La connaissance des
principes nous donne donc la capacité d’acquérir un savoir sur un grand nombre d’objet.
En poussant ce
raisonnement à l’extrême, on peut conclure que la philosophie,
savoir des premiers principes, tient tous les autres principes et tous les objets sous sa coupe.
- Nous sommes ainsi parvenu à penser une possibilité d’acquérir la connaissance de tout, même pour un
individu limité.
En effet, si philosopher consiste à acquérir le savoir des principes premiers, alors le
philosophe possède bien, en puissance, la connaissance de tout.
« En puissance » signifie que le
philosophe ne possède pas actuellement en tête toutes les vérités (ce qui serait inconcevable, comme
nous l’avons dit dans l’intro).
Mais il peut tout déduire de ses principes, il possède donc la puissance de
tout connaître.
Transition:
Dans cette première partie, nous avons montré que philosopher pouvait bien être conçu comme une
activité qui vise à tout connaître.
Elle n’est pas une prétention vaine pour un homme si nous concevons
que cette connaissance n’est qu’en puissance: ce que le philosophe connaît actuellement, ce sont les
premiers principes, desquels il peut tout déduire.
En attribuant à ce savoir le statut de « puissance »,
nous avons pu le concilier avec certaines limitation de l’esprit humain: mémoire restreinte, nécessité pour
l’entendement d’enchaîner les propositions les unes après les autres, expérience partielle, etc.
Mais ces limitation sont-elles les seules? N’en existent -ils pas de plus profondes qui nous interdirait de
prétendre tout connaître, même en puissance ?
En effet, nous n’avons jamais l’expérience des premiers principes: notre sensibilité ne nous donne accès
qu’à des réalités singulières.
Les premiers principes ne sont donc trouvés que par un raisonnement
inductif: nous partons des faits que nous constatons et, à l’aide de nos principes logiques, nous
remontons jusqu’aux principes qui doivent en être la cause.
Cependant, rien ne nous garantie que nous
puissions atteindre ainsi une quelconque vérité.
La limitation essentielle de notre esprit consiste en ce
que rien ne assure de l’existence réelle de ce qui est logiquement cohérent.
La réalité extérieure n’a peut
être pas la même structure que l’esprit humain, au quel cas un raisonnement logique ne nous permet en
aucun cas de conclure quoi que ce soit la concernant.
Il n’y a donc pas de connaissance possible des
premiers principes tels qu‘ils existeraient en dehors de l‘esprit.
D’ailleurs, une telle recherche
métaphysique n’a jamais été conclusive: il existe une pluralité de systèmes possibles, différents et
incompatibles les uns avec les autres..
»
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