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La philosophie de Platon nous éloigne-t-elle de la réalité ?

Publié le 23/02/2004

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Dans quelle mesure pouvons-nous être fondés à tenir la philosophie de Platon pour un éloignement de la réalité ? Parce que, pour le dire d'un mot, elle correspond à ce que l'on appelle la théorie des Idées. Le platonisme est donc un idéalisme et, à ce titre, l'ensemble de la doctrine se réduirait à un discours sur des entités qui n'ont pas de réalité intrinsèque, des abstractions, qui, au lieu de nous rapprocher de la réalité tangible et consistante qui nous entoure, nous ferait faire un pas dans l'autre direction. Or, qu'en est-il de la théorie platonicienne sur ce point-là ? Les Idées que défend Platon sont-elles les concepts vides et généraux que l'on veut bien croire qu'elles sont ? Pour répondre à cette question, nous devons envisager le platonisme selon une double perspective, à la fois génétique et doctrinale. Génétique, puisqu'il nous faut d'abord rendre compte du surgissement de la réflexion platonicienne. Celle-ci se rattache à la fois aux conditions politiques, sociales et économiques que connaît la Grèce du 4ème siècle (av J.-C.) et à la Weltanschauung (la vision du monde) grecque, selon laquelle le concept de réalité a une compréhension différente de la nôtre. Doctrinale, puisque la théorie des Idées permet de résoudre un ensemble de problèmes précis : Comment peut-on connaître quelque chose en vérité et quelle organisation politique adopter ? Ces problèmes nous obligent donc à opérer le détour par les Idées afin d'informer la réalité que nous percevons avec nos sens et qui, au demeurant, n'épuise pas le concept de réalité.
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« hommes, détournant leur regard des ombres que représentent les choses matérielles et sensibles, découvrent lesIdées de ces choses, c'est-à-dire ce qu'elles sont en vérité.

L'image de la ligne, à laquelle Platon recourt au livre VIIde La République soutient ce schéma.

Imaginons une ligne, que nous sectionnons en deux parties inégales, puis reportons la même partition sur les deux segments obtenus : nous avons alors quatre segments, en ordre croissantde grandeur (et d'importance) qui correspondent à quatre degrés de réalité.

En premier lieu, nous trouvons lesreflets des objets sensibles sur des surfaces polies ou dans l'eau.

Ensuite, viennent les objets sensibles eux-mêmes.À partir de là, nous quittons le monde sensible, pour atteindre le premier segment du monde intelligible, quicorrespond aux idéalités mathématiques, puis le second segment, celui des Idées proprement dites.

C'est donc parune progression degré après degré que nous arrivons à la contemplation des Idées ( theoria en grec, qui a donné théorie).

Afin de comprendre cela, aidons-nous d'un exemple précis en analysant l'Idée de Beau.

III – L'Idée de Beau Dans le dialogue intitulé Hippias majeur , Socrate interroge Hippias sur le Beau.

Sa question se résume ainsi : « Qu'est-ce que le beau ? » Il s'agit, au moyen de la discussion, qui illustre la méthode propre à Socrate que l'onnomme dialectique, de mettre à jour les contradictions des idées reçues quant à la nature du Beau et,progressivement, en suivant un mouvement ascendant, déterminer ce qu'elle est en elle-même.

Or, à une tellequestion, Hippias se contente de répondre : « Le beau, c'est une belle jeune fille ».

Hormis le fait qu'Hippias utilise,dans sa définition, le terme à définir, celui-ci confond la définition et l'exemple.

Il dit ce qui est Beau et non cequ'est le Beau.

Socrate lui fait donc remarquer que par contraste avec une marmite, une jeune femme estassurément belle ; en revanche, par comparaison avec une déesse, la plus belle des jeunes femmes apparaît laide.La difficulté que met à jour la discussion est donc le recours à des critères relatifs de beauté, alors que nouscherchons à exprimer le Beau, c'est-à-dire ce qui est beau en tous temps et qui confère leur beauté aux objetsdotés d'une telle qualité. Cependant, Socrate lui-même ne donne pas de définition positive du Beau ; il se contente d'éliminer les fausses solutions.

Ainsi, le beau n'est pas le simple attribut d'un objet que je puisse repérer dans la réalité, quandbien même je passerais en revue toutes les choses existant dans le monde.

Nous devons plutôt concevoir qu'« ilexiste un beau en soi qui orne toutes les autres choses et les fait paraître belles quand cette forme s'y estajoutée.

» Quoi qu'il en soit, puisque aucune chose du monde n'est belle de manière satisfaisante, il faut admettreque c'est l'Idée de Beau qui exprime la beauté par excellence.

Comme elle ne dépend pas de la diversité des objetsconcrets, mais que c'est eux qui dépendent d'elle quant à leur beauté, elle n'est pas relative, mais absolue.

Ellesurvit de fait à toute chose périssable, irriguant le monde de beauté : en ce sens, elle est éternelle.

Or, c'est à cetitre que l'Idée, en l'occurrence le Beau, constitue la seule réalité . Ces remarques concernant le Beau ont un impact direct sur la vision politique de Platon, puisque la Cité doit s'édifier sur un modèle de justice.

En cela, déterminer quelles sont les meilleures lois pour régir la vie politiqueimplique de découvrir dans quelle mesure elles se rattachent à l'Idée de justice, celle-ci déterminant en quoi leschoses justes sont justes.

Alors que les sophistes tirent profit de la nature émotive de la foule et de l'inconsistancede ses passions, Platon dirige notre regard vers les Idées, seule à même de fournir un modèle stable deconnaissance, à partir de laquelle organiser le monde sensible. L'idée est donc, pour Platon, d'élever l'âme à la considération des Idées au moyen de la « dialectique ascendante », c'est-à-dire de l'amener à contempler ce qu'est la réalité en elle-même.

Cette contemplation – et laprécision est de taille – ne vaut pas pour elle-même et, contre ceux qui persistent à tenir la réalité sensible pour laseule réalité, Platon annonce que la connaissance des Idées doit en définitive permettre de réorganiser le monde etla vie des hommes.

C'est ce mouvement de retour que l'on appelle « dialectique descendante ».

Après avoir dépasséune réalité soumise aux passions sensibles pour atteindre une réalité consistante et stable, nous devons rebrousserchemin pour « informer » la réalité sensible, c'est-à-dire à la fois annoncer (informer à information) l'existence des Formes (Idées) éternelles et ordonner (informer à mise en forme) le monde en accord avec elles. Conclusion : Ainsi, nous avons vu que le platonisme ne nous éloigne pas de la réalité au prétexte qu'il serait un idéalisme, bien au contraire.

Les Idées représentent en effet le degré le plus accompli de l'être, c'est-à-dire l'ultime niveau deréalité.

Or, si nous avons compris à quelle exigence cette théorie répond (réorganiser le monde, alors en proie à deformidables dissensions), comment elle y répond, il ne faut pas oublier que, même si les Idées nous introduisent à unniveau supérieur de réalité, le but de la connaissance qui les contemple est de revenir au cœur de la réalité sensiblepour mettre en application le savoir désormais acquis.

On peut donc dire en un sens que le platonisme nous éloignede la réalité sensible afin de dévoiler la réalité intelligible, c'est-à-dire la rationalité essentielle du monde dont lenôtre n'est qu'une copie, mais que cela ne vaut que pour autant que nous faisons retour à la réalité sensible.

Lechemin qui mène du sensible au sensible en passant par l'intelligible n'est donc en rien une perte de notre emprisesur le réel, mais une manière de la perfectionner.. »

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