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PIAGET (Jean)

Publié le 17/06/2012

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piaget

 

Psychologue suisse né à Neuchâtel en 1896. Ses premières études de zoologie l'amenèrent à s'intéresser à la psychologie ; il suit les cours de l'Institut J.-J. Rousseau qui vient d'être fondé à Genève par Claparède. Après des études à Paris, il devient professeur de psychologie de l'enfant (1922) puis, directeur de l'Institut. Il est nommé professeur à la Sorbonne en 1952. Il vit actuellement retiré à Genève. Il se consacre à la rédaction de nombreux ouvrages d'épistémologie génétique.

Piaget étudia simultanément les fondements de la logique et la formation de l'intelligence chez l'enfant ; sa culture scientifi-que lui permit d'aborder la psychologie génétique d'une manière absolument nouvelle. Il observe ses propres enfants, puis les élèves des écoles primaires ; il les regarde jouer, les fait parler, leur propose de petits problèmes pratiques. Il établit ainsi que l'acquisition des connaissances se fait selon deux processus complémentaires : l'accommodation (ajustement du sujet aux conditions extérieures) et l'assimilation (incorporation des don¬nées de l'expérience dans les structures innées du sujet). L'enfant ne se contente pas de recevoir des impressions ; il construit activement son psychisme. Il trouve ses matériaux en

 

lui-même et au-dehors. Lorsqu'un étage est achevé, il est possi¬ble d'édifier l'étage suivant. Pour cela, les acquisitions antérieu¬res sont réutilisées dans une nouvelle synthèse.

Piaget distingue plusieurs stades dans cette construction. Une période « sensorimotrice « (jusqu'à dix-huit mois) est caractéri¬sée par les « réactions circulaires « où l'enfant cherche à repro¬duire un résultat obtenu par hasard ; viennent ensuite les condui¬tes intentionnelles — par exemple, déplacer un obstacle pour atteindre un objet —; puis les expériences « pour voir « ¬jeter un objet, découvrir de nouveaux moyens de le ramener à soi.

A deux ans, naît la pensée « préopératoire « : l'enfant peut se représenter les mouvements, sans les exécuter. C'est l'époque du « faire semblant « du jeu symbolique, correspondant à l'acquisition du langage. Mais l'enfant est encore enfermé dans son égocentrisme ; il procède du particulier au particulier et ne peut encore acquérir des concepts : un même objet portera des noms différents selon la situation où il est engagé.

A quatre ans, apparaît la « pensée intuitive «. L'observation du réel est juste ; mais la logique reste liée à la perception intuitive : un morceau de pâte à modeler paraîtra différent en grandeur, selon qu'il sera transformé en galette ou en boule.

A partir de sept ans, c'est la période des « opérations concrè¬tes « (classification, sériation, etc.)

A douze ans, la période des « opérations formelles « mène au raisonnement abstrait ; les opérations concrètes peuvent s'appli¬quer à des concepts verbaux et se développer librement, sans point d'appui. L'enfant peut se poser des problèmes et les résoudre. Sa pensée se suffit à elle-même, elle acquiert sa cohérence interne.

Les découvertes de Piaget lui ont valu d'être un des psycho-logues de langue française qui ont la plus grande audience mondiale.

Ouvrages essentiels : Le Langage et la pensée chez l'enfant, 1923 (Delachaux et Niestlé) ; La Représentation du monde chez l'enfant, 1926 (P.U.F.) ; La Naissance de l'intelligence chez l'enfant, 1936 (Delachaux et Niestlé) ; Traité de logique, 1949 (Armand Colin) ; Introduction à l'épistémologie génétique, 1950 (3 vol. P.U.F.).

LA NAISSANCE DE L'INTELLIGENCE

Chercher comment naît l'intelligence à partir de l'activité

assimilatrice qui engendre auparavant les habitudes, c'est montrer comment cette assimilation sensorimotrice se réa¬lise en structures toujours plus mobiles et d'application toujours plus étendue, à partir du point où la vie mentale se dissocie de la vie organique

Selon le niveau de développement de l'individu, les échanges qu'il entretient avec le milieu social sont de nature fort diverse et modifient par conséquent en retour la structure mentale individuelle de manière également différente.

Durant la période sensorimotrice, le bébé est naturelle¬ment déjà l'objet d'influences sociales multiples : on lui dispense les plus grands plaisirs que connaisse sa jeune expérience — de la nourriture à la chaleur des affections ambiantes —, on l'entoure, lui sourit, l'amuse, le calme on lui inculque des habitudes et des régularités liées à des signaux et à des paroles, on lui défend déjà certaines conduites, on le gronde. Bref, vu du dehors, le nourrisson est au centre d'une multitude de relations qui annoncent les signes, les valeurs et les règles de la vie sociale ulté¬rieure. Mais, du point de vue du sujet lui-même, le milieu social ne diffère pas encore essentiellement du milieu physique ; du moins jusqu'au cinquième des stades que nous avons distingués dans l'intelligence sensorimotrice. Les signes dont on use à son égard ne sont pour lui que des indices ou des signaux. Les règles qu'on lui impose ne sont pas encore des obligations de conscience et se confon¬dent pour lui avec les régularités propres à l'habitude. Quant aux personnes, ce sont des tableaux analogues à tous ceux qui constituent la réalité, mais spécialement actifs, imprévus et sources de sentiments plus intenses. Le bébé agit sur eux comme sur les choses, par gestes efficaces, leur faisant continuer les actions intéressantes, et par des cris divers ; mais il n'y a là encore aucun échange de pensée, puisque l'enfant de ce niveau ignore la pensée, ni par conséquent aucune modification profonde des structures intellectuelles par la vie sociale ambiante.

Extrait de :La Psychologie de l'intelligence © Armand Colin, 1947, p. 120 et p. 188.

LA FORMATION DU SYMBOLE CHEZ L'ENFANT (extrait)

OBS. 16. — J., à 0 an 7 mois, secoue le toit de son berceau en tirant le cordon suspendu, toutes les fois que je le fais moi-même à titre d'exemple.

 

A 0 an 8 mois, elle est assise devant le battant de la fenêtre. Je remue celui-ci devant elle : elle s'en empare aussitôt et fait de même.

OBS. 9. — A 0 an 6 mois, J. invente un son nouveau, en insérant sa langue entre ses lèvres : quelque chose comme pfs. Sa mère reproduit alors ce son ; J., enchantée, le répète à son tour en riant. Il s'ensuit une longue imitation réciproque... Même réaction le lendemain, dès le matin (avant d'avoir émis spontanément le son en question) et toute la journée.

A 0 an 7 mois, il suffit que je fasse pfs pour qu'elle m'imite aussitôt et correctement. Elle imite ce son sans nie voir ni comprendre d'où il sort... Je lui fais hha (son familier) : elle rit et, dès que je m'interromps, elle ouvre lu bouche comme pour me faire continuer ; mais elle ne cherche à émettre aucun son. En revanche, lorsque je cesse de faire hha. c'est elle qui émet ce son en l'imitant correctement (...).

Pour constater combien est lente la formation de con¬cepts véritables à partir des schèmes sensorimoteurs, il n'est que de noter l'emploi des premiers signes verbaux servant d'expression à l'enfant et d'analyser les types d'assimilation auxquels ils correspondent.

Voici quelques exemples de ces schèmes liés à des signes semi-verbaux, contemporains du stade VI de l'intelligence sensorimotrice :

OBS. 101. -- A 1 an I mois, J. emploie l'onomatopée classique, tch, tch pour désigner un train qui passe devant sa fenêtre et la répète à chaque train, après sans doute qu'on le lui a suggéré une première fois. Mais elle dit ensuite tech, tech dans deux sortes de situations distinctes. D'une part, elle généralise son usage en présence de véhi¬cules vus d'une autre fenêtre : autos, voitures à chevaux et même un homme à pied. Vers 1 an 1 mois, n'importe quel bruit de la rue déclenche tech, tech de même, toujours, que les trains eux-mêmes. Mais, d'autre part, lorsque je fais cache-cache (j'apparais et disparais sans rien dire), J. dit aussi tech, tech par analogie sans doute avec les appari¬tions et disparitions soudaines des trains.

Delachaux et Niestlé, 1964, pp. 27, 32, 230.

LA PSYCHOLOGIE DE L'INTELLIGENCE (extrait)

Avec l'acquisition du langage, en revanche, c'est-à-dire avec les périodes symbolique et intuitive. de nouvelles relations sociales apparaissent. qui enrichissent et transfor¬ment la pensée de l'individu. Néanmoins. le signe comme tel, conventionnel et tout construit, ne suffit pas comme moyen d'expression à la pensée du petit enfant : il ne se contente pas de parler. il lui faut « jouer « ce qu'il pense. symboliser ses idées au moyen de gestes ou d'objets. représenter les choses par imitation, dessin et construction. Bref... l'enfant demeure au début dans une situation intermédiaire entre l'emploi du signe collectif et celui du symbole individuel, tous deux étant d'ailleurs toujours nécessaires, mais le second l'étant bien davantage aux petits

qu'à l'adulte. Armand Colin, P. 189.

LA FORMATION DU SYMBOLE CHEZ L'ENFANT (extrait)

OBS. 77. — A 1 an 10 mois, J. met une coquille sur le bord d'une-grande boîte et la fait glisser en disant : Chat sur le mur, puis arbre et enfin (en mettant la coquille sur sa tête) : Tout en haut (de l'arbre : elle a vu la veille le chat grimper sur un pin).

A 2 ans I mois, elle met une coquille au bout de son index et dit Dé (= dé à coudre), puis elle la frotte contre une autre comme si elle cousait et dit Raccommodé.

Delachaux et Niestlé, p. 132.

SIX ÉTUDES DE PSYCHO' OGIE (extrait)

La représentation naît donc de l'union de « signifiants « permettant d'évoquer les objets absents avec un jeu de signification les reliant aux éléments présents. Cette con¬nexion spécifique entre des « signifiants « et des « signi¬fiés « constitue le propre d'une fonction nouvelle, dépas¬sant l'activité sensorimotrice et que l'on peut appeler de façon très générale la « fonction symbolique «. C'est elle qui rend possible l'acquisition du langage ou des « signes « collectifs.

Comme le langage n'est qu'une forme particulière de la fonction symbolique et comme le symbole individuel est certainement plus simple que le signe collectif, il est permis de conclure que la pensée précède le langage, et que celui-ci se borne à la transformer profondément en l'aidant à atteindre ses formes d'équilibre par une schéma¬tisation plus poussée et une abstraction plus mobile.

Gonthier, éd., Genève, 1964, p. 105.

 

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