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Le plaisir doit-il être recherché pour lui même ?

Publié le 19/09/2010

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En affirmant que le plaisir est le bien suprême, on peut facilement justifier l'égoïsme, voire la cruauté. Don Juan jouit en séduisant et en abandonnant ses conquêtes, les héros du Marquis de Sade en faisant souffrir ses victimes. A l'opposé, celui qui rejette les plaisirs du corps risque de verser dans la mortification. Où donc situer le juste milieu entre la débauche et l'ascétisme ? Peut-être faut-il refuser d'emblée toute distinction trop tranchée entre le corps et l'esprit, toute prétendue supériorité de l'un sur l'autre. On peut en effet penser que corps et esprit ne font qu'un. L'homme n'est, dans ce cas, ni une machine désirante soumise aux pulsions, comme le pensent, entre autres, les libertins, ni un pur esprit désincarné, comme le croient les ascètes. Le plaisir authentiquement bon serait alors celui qui satisfait à la fois le corps et l'esprit, la part animale et la part raisonnable qui est en nous. Celui que l'on peut partager et qui ne nous isole pas des autres dans une jouissance égoïste.

 

« Le plaisir, c'est l'absence de douleurEpicure dit bien que «le plaisir est le but de la vie».

Mais c'est pourrestreindre aussitôt sa définition du plaisir: «Le plaisir que nous avonsen vue est caractérisé par l'absence de souffrances corporelles et detroubles de l'âme».

Le plaisir du sage n'est pas celui des débauchés oudes ambitieux; c'est le plaisir tranquille de celui qui évite les occasionsde souffrir. Une des constances de la philosophie d'Epicure est de vanter le plaisir.On retrouve la formule « Le plaisir est notre bien principal et inné »dans la « Lettre à Ménécée ».

Mais l'épicurisme ne correspond guère àl'image populaire que l'on en garde : celle du « bon vivant ».

Dans cettelettre, on lit : « Tout plaisir est de par sa nature propre un bien, maistout plaisir ne doit pas être recherché ».

C'est à une compréhensionvéritable du plaisir, et à une gestion rationnelle des désirs que laphilosophie d'Epicure nous invite, philosophie des « sombres temps », del'époque troublée, violente, des successeurs d'Alexandre le Grand.La « Lettre à Ménécée » est une description de la méthode apte à nousprocurer le bonheur.

Car si tous les hommes cherchent le bonheur, ilssont, selon le mot d'Aristote, comme des archers qui ne savent pas oùest la cible, incapables de la définir et de l'atteindre.Epicure commence par expliquer que nous n'avons rien à redouter desdieux, vivants bienheureux qui ne se soucient pas des hommes, et que la mort n'est rien pour nous.Débarrassés du souci du jugement divin et de la survie de l'âme, nous sommes alors aptes à bien vivre notrevie présente.

Bien vivre notre existence veut dire parvenir au bonheur ici-bas, et cela n'est possible que parun bon usage des plaisirs et des désirs.L'homme est un être de désir, et selon qu'il parvient ou échoue à satisfaire ses désirs, il est heureux oumisérable.Or, le bonheur est d'abord l'absence de souffrance physique ou psychologique.

C'est pourquoi Epicure déclare: « Une théorie non erronée des désirs sait rapporter tout choix à la santé du corps et à la tranquillité del'âme puisque c'est là la perfection même de la vie heureuse.

Car tous nos actes visent à écarter lasouffrance et la peur.

»Eprouver du plaisir, c'est d'abord combler un manque : boire quand on a soif, se rassurer quand on a peur.

Ensoi, un plaisir est toujours bon, une souffrance, un désir non comblé, toujours mauvais.Ainsi Epicure nous incite à classer nos désirs, et à adopter face à eux une stratégie telle que nous seronsfacilement comblés et rarement insatisfaits.Il y a d'abord les désirs naturels (dont certains sont naturels et nécessaires et d'autres seulement naturels) ;et ensuite les désirs vains.

Les désirs naturels et nécessaires comprennent tous les désirs tels que, s'ils nesont pas satisfaits, nous mourons (boire, manger, dormir).

Les désirs seulement naturels peuvent être le désirde manger tel ou tel plat, ou encore le désir sexuel, etc.Mais il importe de comprendre qu'il y a des désirs vains ; désir de richesse, de gloire, d'immortalité, etc.

Cesdésirs ont une particularité importante ; ils sont insatiables, illimités, ils n'ont jamais de fin.Quand je connais un désir naturel, il cesse d'être dès qu'il est satisfait.

Une fois que j'ai mangé, je n'ai plusfaim.

Ces plaisirs sont naturels parce qu'ils sont bornés : ils ont une limite naturelle.

A l'inverse, les désirs nonnaturels peuvent être dits vains parce qu'ils ne seront jamais comblés ; ils résident dans le principe du «toujours plus », l'illimité.

L'homme qui veut être riche, admiré, aimé, n'en a jamais fini de son désir.Il est facile de comprendre que si je veux parvenir au bonheur, à la santé du corps et à la tranquillité de l'âme,je dois éliminer les désirs vains.

Le plaisir naît de ce qu'un désir est comblé.

Mais les désirs vains sont pardéfinition illimités.

Le plaisir que leur satisfaction procure est illusoire et ne sert qu'à les relancer.

A peinecomblé, je veux autre chose, je veux plus ; je ne cesse de désirer, donc de manquer, donc de souffrir.L'homme des désirs vains, du « toujours plus », Platon le comparait déjà à un panier percé ; se condamner àne jamais être comblé.La première et principale leçon d'Epicure est donc celle-ci : ne pas céder aux désirs vains ; se contenter desdésirs naturels.

Vivre en accord avec la nature consiste d'abord à ne pas céder au vertiges des désirsillusoires.

Epicure les nomme vains, notre époque parlerait d'une course à la consommation.Il y a plus.

Certes tout plaisir est un bien en soi.

Mais certains plaisirs peuvent se révéler nuisibles.

Certestoute souffrance est un mal, mais endurer certaines douleurs peut se révéler utile.

Il ne faut pas recherchertout plaisir, ni fuir toute douleur : il faut savoir raisonner, calculer les conséquences.

Il ne faut pas céder àl'attrait de l'immédiat, mais avoir une certaine intelligence du plaisir.

On voit que nous sommes loin de l'imagedu « bon vivant », de celui qui jouit de façon primaire de tous les plaisirs qui s'offrent à lui.Epicure va même jusqu'à prôner une certaine austérité.

Il faut dit-il « savoir se suffire à soi-même » ; celaveut dire savoir se contenter de peu.

Car « Tout ce qui est naturel est aisé à se procurer, mais tout ce quiest vain est difficile à avoir.

»L'habitude de vivre simplement met à l'abri des coups du sort, tandis que l'habitude de vivre richement y rendplus vulnérable.

De plus l'habitude, par exemple, d'une bonne table, de mets précieux, transforme ce qui étaitau départ un plaisir (manger tel plat raffiné) en habitude voire en besoin.

Privé de ce superflu dont je me suisrendu dépendant, je vais en souffrir par ma propre faute.

Par contre, le sage épicurien se réjouira d'une tablesomptueuse, mais ne souffrira pas de son absence ; car il a compris que ce n'est pas l'objet qui crée le plaisir,. »

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