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Platon, apologie

Publié le 03/10/2012

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Apologie de Socrate Platon Traduction, notices et notes par Émile Chambry PhiloSophie © septembre 2009 Table des matières Notice sur la vie de Platon ........................................................ 3 Notice sur l'Apologie de Socrate .............................................. 8 Apologie de Socrate ................................................................. 17 Première partie .......................................................................... 18 Deuxième partie ..................................................................... 46 Troisième partie ..................................................................... 50 À propos de cette édition électronique .................................. 56 Notice sur la vie de Platon Platon naquit à Athènes en l'an 428-427 av. J. -C. dans le dème de Collytos. D'après Diogène Laërce, son père Ariston descendait de Codros. Sa mère Périctionè, soeur de Charmide et cousine germaine de Critias, le tyran, descendait de Dropidès, que Diogène Laërce donne comme un frère de Solon. Platon avait deux frères aînés, Adimante et Glaucon, et une soeur, Potonè, qui fut la mère de Speusippe. Son père Ariston dut mourir de bonne heure ; car sa mère se remaria avec son oncle Pyrilampe, dont elle eut un fils, Antiphon. Quand Platon mourut, il ne restait plus de la famille qu'un enfant, Adimante, qui était sans doute le petit-fils de son frère. Platon l'institua son héritier, et nous le retrouvons membre de l'Académie sous Xénocrate ; la famille de Platon s'éteignit probablement avec lui ; car on n'en entend plus parler. La coutume voulait qu'un enfant portât le nom de son grand-père, et Platon aurait dû s'appeler comme lui Aristoclès. Pourquoi lui donna-t-on le nom de Platon, d'ailleurs commun à cette époque ? Diogène Laërce rapporte qu'il lui fut donné par son maître de gymnastique à cause de sa taille ; mais d'autres l'expliquent par d'autres raisons. La famille possédait un domaine près de Képhisia, sur le Céphise, où l'enfant apprit sans doute à aimer le calme des champs, mais il dut passer la plus grande partie de son enfance à la ville pour les besoins de son éducation. Elle fut très soignée, comme il convenait à un enfant de haute naissance. Il apprit d'abord à honorer les dieux et à observer les rites de la religion, comme on le faisait dans toute bonne maison d'Athènes, mais sans mysticisme, ni superstition d'aucune sorte. Il gardera toute sa vie ce respect de la religion et l'imposera dans ses Lois. Outre la gymnastique et la musique, qui faisaient le fond de l'éducation athénienne, on prétend qu'il étudia aussi le dessin et la peinture. Il fut initié à la philosophie par un disciple d'Héraclite, Cratyle, dont il a donné le nom à un de ses traités. Il avait de grandes dispositions pour la poésie. Témoin des succès d'Euripide et d'Agathon, il composa lui aussi des tragédies, des poèmes lyriques et des dithyrambes. Vers l'âge de vingt ans, il rencontra Socrate. Il brûla, dit-on, ses tragédies, et s'attacha dès lors à la philosophie. Socrate s'était dévoué à enseigner la vertu à ses concitoyens : c'est par la réforme des individus qu'il voulait procurer le bonheur de la cité. Ce fut aussi le but que s'assigna Platon, car, à l'exemple de son cousin Critias et de son oncle Charmide, il songeait à se lancer dans la carrière politique ; mais les excès des Trente lui firent horreur. Quand Thrasybule eut rétabli la constitution démocratique, il se sentit de nouveau, quoique plus mollement, pressé de se mêler des affaires de l'État. La condamnation de Socrate l'en dégoûta. Il attendit en vain une amélioration des moeurs politiques ; enfin, voyant que le mal était incurable, il renonça à prendre part aux affaires ; mais le perfectionnement de la cité n'en demeura pas moins sa grande préoccupation, et il travailla plus que jamais à préparer par ses ouvrages un état de choses où les philosophes, devenus les précepteurs et les gouverneurs de l'humanité, mettraient fin aux maux dont elle est accablée. Il était malade lorsque Socrate but la ciguë, et il ne put assister à ses derniers moments. Après la mort de son maître, il se retira à Mégare, près d'Euclide et de Terpsion, comme lui disciples de Socrate. Il dut ensuite revenir à Athènes et servir, comme ses frères, dans la cavalerie. Il prit, dit-on, part aux campagnes de 395 et de 394, dans la guerre dite de Corinthe. Il n'a jamais parlé de ses services militaires, mais il a toujours préconisé les exercices militaires pour développer la vigueur. Le désir de s'instruire le poussa à voyager. Vers 390, il se rendit en Egypte, emmenant une cargaison d'huile pour payer son voyage. Il y vit des arts et des coutumes qui n'avaient pas varié depuis des milliers d'années. C'est peut-être au spectacle de cette civilisation fidèle aux antiques traditions qu'il en vint à penser que les hommes peuvent être heureux en demeurant attachés à une forme immuable de vie, que la musique et la poésie n'ont pas besoin de créations nouvelles, qu'il suffit de trouver la meilleure constitution et qu'on peut forcer les peuples à s'y tenir. D'Égypte, il se rendit à Cyrène, où il se mit à l'école du mathématicien Théodore, dont il devait faire un des interlocuteurs du Théétète. De Cyrène, il passa en Italie, où il se lia d'amitié avec les pythagoriciens Philolaos, Archytas et Timée. Il n'est pas sûr que ce soit à eux qu'il ait pris sa croyance à la migration des âmes ; mais il leur doit l'idée de l'éternité de l'âme, qui devait devenir la pierre angulaire de sa philosophie ; car elle lui fournit la solution du problème de la connaissance. Il approfondit aussi parmi eux ses connaissances en arithmétique, en astronomie et en musique. D'Italie, il se rendit en Sicile. Il vit Catane et l'Etna. À Syracuse, il assista aux farces populaires et acheta le livre de Sophron, auteur de farces en prose. Il fut reçu à la cour de Denys comme un étranger de distinction et il gagna à la philosophie Dion, beau-frère du tyran. Mais il ne s'accorda pas longtemps avec Denys, qui le renvoya sur un vaisseau en partance pour Égine, alors ennemie d'Athènes. Si, comme on le rapporte, il le livra au Lacédémonien Pollis, c'était le livrer à l'ennemi. Heureusement il y avait alors à Égine un Cyrénéen, Annikéris, qui reconnut Platon et le racheta pour vingt mines. Platon revint à Athènes, vraisemblablement en 388. Il avait quarante ans. La guerre durait encore ; mais elle allait se terminer l'année suivante par la paix d'Antalkidas. À ce moment, Euripide était mort et n'avait pas eu de successeur digne de lui. Aristophane venait de faire jouer son dernier drame, remanié, le Ploutos, et le théâtre comique ne devait retrouver son éclat qu'avec Ménandre. Mais si les grands poètes faisaient défaut, la prose jetait alors un vif éclat avec Lysias, qui écrivait des plaidoyers et en avait même composé un pour Socrate, et Isocrate, qui avait fondé une école de rhétorique. Deux disciples de Socrate, Eschine et Antisthène, qui tous deux avaient défendu le maître, tenaient école et publiaient des écrits goûtés du public. Platon, lui aussi, se mit à enseigner ; mais au lieu de le faire en causant, comme son maître, en tous lieux et avec tout le monde, il fonda une sorte d'école à l'image des sociétés pythagoriciennes. Il acheta un petit terrain dans le voisinage du gymnase d'Académos, près de Colone, le village natal de Sophocle. De là le nom d'Académie qui fut donné à l'école de Platon. Ses disciples formaient une réunion d'amis, dont le président était choisi par les jeunes et dont les membres payaient sans doute une cotisation. Nous ne savons rien des vingt années de la vie de Platon qui s'écoulèrent entre son retour à Athènes et son rappel en Sicile. On ne rencontre même dans ses oeuvres aucune allusion aux événements contempo- rains, à la reconstitution de l'empire maritime d'Athènes, aux succès de Thèbes avec Épaminondas, à la décadence de Sparte. Denys l'Ancien étant mort en 368, Dion, qui comptait gouverner l'esprit de son successeur, Denys le Jeune, appela Platon à son aide. Il rêvait de transformer la tyrannie en royauté constitutionnelle, où la loi et la liberté régneraient ensemble. Son appel surprit Platon en plein travail ; mais le désir de jouer un rôle politique et d'appliquer son système l'entraîna. Il se mit en route en 366, laissant à Eudoxe la direction de son école. Il gagna en passant l'amitié d'Archytas, mathématicien philosophe qui gouvernait Tarente. Mais quand il arriva à Syracuse, la situation avait changé. Il fut brillamment reçu par Denys, mais mal vu des partisans de la tyrannie et en particulier de Philistos, qui était rentré à Syracuse après la mort de Denys l'Ancien. En outre, Denys s'étant aperçu que Dion voulait le tenir en tutelle, le bannit de Syracuse. Tandis que Dion s'en allait vivre à Athènes, Denys retenait Platon, sous prétexte de recevoir ses leçons, pendant tout l'hiver. Enfin quand la mer redevint navigable, au printemps de l'année 365, il l'autorisa à partir sous promesse de revenir avec Dion . Ils se séparèrent amicalement, d'autant mieux que Platon avait ménagé à Denys l'alliance d'Archytas de Tarente. De retour à Athènes, Platon y trouva Dion qui menait une vie fastueuse. Il reprit son enseignement. Cependant Denys avait pris goût à la philosophie. Il avait appelé à sa cour deux disciples de Socrate, Eschine et Aristippe de Cyrène, et il désirait revoir Platon. Au printemps de 361, un vaisseau de guerre vint au Pirée. Il était commandé par un envoyé du tyran, porteur de lettres d'Archytas et de Denys, où Archytas lui garantissait sa sûreté personnelle, et Denys lui faisait entrevoir le rappel de Dion pour l'année suivante. Platon se rendit à leurs instantes prières et partit avec son neveu Speusippe. De nouveaux déboires l'attendaient : il ne put convaincre Denys de la nécessité de changer de vie. Denys mit l'embargo sur les biens de Dion. Platon voulut partir ; le tyran le retint, et il fallut l'intervention d'Archytas pour qu'il pût quitter Syracuse, au printemps de 360. Il se rencontra avec Dion à Olympie. On sait comment celui-ci, apprenant que Denys lui avait pris sa femme, pour la donner à un autre, marcha contre lui en 357, s'empara de Syracuse et fut tué en 353. Platon lui survécut cinq ans. Il mourut en 347-346, au milieu d'un repas de noces, dit-on. Son neveu Speu- sippe lui succéda. Parmi les disciples de Platon, les plus illustres quittèrent l'école. Aristote et Xénocrate se rendirent chez Hermias d'Atarnée, Héraclide resta d'abord à Athènes, puis alla fonder une école dans sa patrie, Héraclée. Après la mort de Speusippe, Xénocrate prit la direction de l'Académie, qui devait subsister jusqu'en 529 de notre ère, année où Justinien la fit fermer. Notice sur l'Apologie de Socrate Socrate était parvenu à l'âge de soixante-dix ans lorsqu'il fut accusé par Mélètos, Anytos et Lycon de ne pas reconnaître les dieux de l 'État, d'introduire de nouvelles divinités et de corrompre la jeunesse. La peine requise contre lui était la mort. Le principal accusateur, Mélètos, était un mauvais poète qui, poussé par Anytos, se chargea de déposer la plainte au greffe de l'archonte-roi. Anytos et Lycon la contresignèrent. Anytos, un riche tanneur, qui avait été stratège en 409 et qui avait combattu les Trente avec Thrasybule, était un orateur influent et l'un des chefs du parti populaire. Si l'on en croit Xénophon (Apologie, 29), il était fâché contre Socrate, parce que celui-ci l'avait blâmé d'élever son fils dans le métier de tanneur. Il avait sans doute d'autres motifs plus sérieux, des motifs politiques : il avait dû se sentir blessé par les critiques de Socrate contre les chefs du parti démocra tique. De Lycon, nous ne savons pas grand-chose. Le poète comique Eupolis lui reproche d'être d'une origine étrangère et Cratinos fait allusion à sa pauvreté et à ses moeurs efféminées. En tout cas, il semble avoir été un personnage de peu d'importance. Dans ce concert d'accusateurs, Mélètos représentait les poètes, Anytos les artisans et les hommes politiques, Lycon les orateurs, tous gens dont Socrate, en mettant leur savoir à l'épreuve, avait choqué l'amour-propre et suscité les rancunes. Socrate, en butte à toutes ces haines, ne se fit pas illusion. Mais, bien qu'il s'attendît à être condamné, il continua à s'entretenir à l'ordinaire avec ses disciples de toutes sortes de sujets étrangers à son procès. Comme son ami Hermogène s'étonnait (Apologie de Socrate, par Xénophon, 3 et 4) qu'il ne songeât pas à sa défense : « Ne te semble-t-il pas, répondit-il, que je m'en suis occupé toute ma vie ? - Et comment ? - En vivant sans commettre aucune injustice. « Et comme Hermogène lui objectait que les tribunaux d'Athènes avaient souvent fait périr des innocents, il répondit qu'il avait par deux fois essayé de composer une apologie, mais que son signe divin l'en avait détourné. D'après Diogène Laërce, Lysias lui aurait proposé un plaidoyer qui aurait sans doute emporté l'acquittement. Il le refusa en disant : « Ton discours est fort beau, mais ne me convient pas. « Ce discours était sans doute composé suivant les règles de la rhétorique et visait à exciter la pitié des juges. C'est ce que Socrate ne voulait pas. Il se défendit luimême dans un discours qu'il n'écrivit pas, mais qu'il avait dû néanmoins méditer à l'avance. Il y montra une fierté de langage qui frappa ses amis aussi bien que ses juges. « D'autres, dit Xénophon, ont écrit sur son procès, et tous ont bien rendu la fierté de son langage, ce qui prouve que c'est bien ainsi qu'il parla. « Condamné à soixante voix de majorité sur cinq cents ou cinq cent un votants1, et invité à fixer sa peine, il refusa de le faire, pour ne pas se reconnaître coupable, dit Xénophon. Il demanda même, d'après Platon, à être nourri au prytanée. Cette demande parut être une bravade au jury, qui le condamna à mort à une majorité plus forte. Conduit en prison, il dut y attendre un mois le retour de la théorie envoyée à Délos ; car il n'était pas permis de mettre quelqu'un à mort entre le départ et le retour des députés qui allaient sacrifier chaque année dans l'île sainte. Il eût pu s'évader de sa prison. Il refusa de le faire. Il continua à s'entretenir avec ses disciples admis dans sa prison jusqu'au retour de la galère sacrée. Il but alors la ciguë et mourut avec une sérénité qui couronnait dignement une longue carrière consacrée à la science et à la vertu. La condamnation de Socrate ne pouvait manquer d'être discutée. S'il avait contre lui des juges prévenus dès longtemps contre les sophistes avec lesquels on le confondait, et des démocrates qui ne lui pardonnaient pas ses critiques contre le régime de la fève, il avait pour lui tous ceux qui le connaissaient bien et en particulier des disciples fervents comme Antisthène, Eschine, Xénophon et Platon. Ceux-ci ne tardèrent pas à prendre la défense de leur maître, et c'est pour le faire connaître tel qu'il était que Platon écrivit son Apologie. Il est bien certain - les divergences entre l'apologie de Platon et celle que composa plus tard Xénophon le montrent d'une manière assez claire - que Platon, pas plus que Xénophon, ne reproduit pas les paroles mêmes de Socrate devant ses juges. Il a dû pourtant en reproduire 1 Le tribunal des Héliastes qui jugea Socrate se composait de 6000 membres élus par le sort, 600 par tribu. Mais ils ne siégeaient pas tous à la fois ; d'ordinaire la cour se formait de 500 ou 501 juges, quelquefois de 1000, quelquefois de 300 ou 400. Le jury devant lequel Socrate comparut comprenait 500 ou 501 juges. l'essentiel et réfuter à peu près comme lui les griefs des accusateurs ; autrement le nombreux public qui avait entendu Socrate aurait pu l 'accuser de mensonge et ruiner ainsi l'effet de son ouvrage. D'ailleurs Platon ne pouvait mieux faire pour défendre son maître que d'en présenter à ses lecteurs une image aussi exacte que possible. On sait par les pastiches qu'il a faits de Lysias, de Protagoras, de Prodicos et d'autres, combien il était habile à contrefaire les talents les plus divers. Aussi l'on peut croire qu'en s'appliquant à faire revivre la figure de son maître vénéré, il en a reproduit les traits avec une grande fidélité. L'Apologie se divise en trois parties bien distinctes. Dans la première, de beaucoup la plus importante, Socrate discute le réquisitoire de ses accusateurs ; dans la seconde, il fixe sa peine ; dans la troisième, il montre aux juges qui l'ont condamné le tort qu'ils se sont fait et il s'entretient avec ceux qui l'ont acquitté de la mort et de l'au-delà. Première partie. - Dès l'exorde de la première partie, on reconnaît Socrate à sa feinte modestie. Il est, dit-il, entièrement étranger au langage des tribunaux. Aussi se bornera-t-il à dire simplement la vérité. Il indique ensuite les deux grandes divisions de son plaidoyer : il répondra d'abord aux calomnies propagées depuis longtemps contre lui ; il discutera ensuite les griefs de ses accusateurs récents. On l'accuse depuis des années de chercher à pénétrer les secrets de la nature, de faire d'une bonne cause une mauvaise et d'enseigner aux autres à le faire aussi. C'est ainsi qu'un poète comique (Aristophane, Nuées) l'a représenté sur la scène, « se promenant dans les airs et débitant toute sorte de sottises «. Il proteste qu'il n'entend rien aux sciences de la nature, qu'il n'a jamais eu de disciples, à la manière des sophistes, qui font payer leurs leçons fort cher, tandis qu'il n'a jamais fait payer à personne le droit d'assister à ses entretiens. D'où viennent donc ces faux bruits qui courent sur son compte ? C'est qu'un jour, ayant été proclamé le plus sage des hommes par l'oracle de Delphes, il a voulu s'assurer si l'oracle disait vrai. Il a interrogé les hommes les plus sages, les hommes d'État, puis les poètes, puis les artisans. Il a trouvé, et leur a démontré que, se croyant sages, ils ne l'étaient pas. Il a ain- si reconnu qu'il avait au moins sur eux cette supériorité, c'est que, n'étant pas sage, il ne croyait pas non plus qu'il l'était. Les jeunes gens qui le fréquentaient l'ont imité, et tous ces gens convaincus d'ignorance, soit par lui, soit par les jeunes gens, au lieu de s'en prendre à eux-mêmes, l'accusent de corrompre la jeunesse. Ce sont ces calomnies invétérées qui ont enhardi Mélètos, Anytos et Lycon à porter la plainte qu'ils ont déposée contre lui. Il va essayer de les réfuter dans la première partie de son discours. Il entreprend d'abord de ridiculiser Mélètos et de faire voir aux juges que ce grand justicier ne s 'est jamais préoccupé de l'éducation de la jeunesse. Il procède comme dans ses enquêtes journalières et, par une série de questions habilement conduites, il réduit son adversaire à déclarer que tout le monde est capable d'améliorer la jeunesse et que Socrate seul la corrompt. Mais comment pourrais-je le faire ? demande-t-il. Ne sais-je pas qu'en semant le mal on ne récolte que le mal ? Comme tout homme sensé, je ne puis donc la corrompre qu'involontairement ; dès lors je ne mérite que des remontrances, et non un châtiment. Mélètos n'est pas plus conséquent avec lui-même, quand il accuse Socrate de nier l'existence des dieux. D'une part, il prétend que Socrate ne croit pas aux dieux, et de l'autre il affirme qu'il croit aux choses démoniaques et donc aux démons, qui sont fils des dieux. C'est comme s'il disait : Socrate croit aux dieux et Socrate ne croit pas aux dieux. Mais pourquoi Socrate se livre-t-il à des occupations qui le mettent en danger de périr ? C'est que, lorsqu'on a choisi soi-même un poste ou qu'on y a été placé par un chef, on ne doit pas le déserter, dût-on y laisser la vie. Or il s'est donné, sur l'ordre du dieu de Delphes, la mission d'améliorer ses concitoyens, et, tant qu'il aura un souffle de vie, il s'attachera comme un taon aux Athéniens pour les piquer et les exciter à la vertu . Soit, dira-t-on ; mais puisqu'il veut servir les véritables intérêts de ses concitoyens, pour quelle raison ne monte-t-il pas à la tribune pour donner des conseils à la république ? C'est qu'une voix divine, qui lui est familière, l'en a toujours détourné, et avec raison ; car avec sa franchise et son attachement aux lois, il n'aurait pas vécu longtemps. Il s'en est bien rendu compte lorsque, seul entre tous, il osa tenir tête à l'assemblée en délire dans le procès des géné- raux des Arginuses et lorsqu'il refusa d'obéir aux Trente tyrans qui lui avaient donné l'ordre d'aller arrêter Léon de Salamine, un innocent qu'ils voulaient mettre à mort. Soit dans sa vie publique, soit dans sa vie privée, Socrate n'a jamais fait une concession contraire à la justice, pas même à ceux que le vulgaire appelle ses disciples. S'il les avait corrompus, euxmêmes ou leurs parents se lèveraient pour l'accuser ; mais aucun ne l'accuse. Socrate a dit ce qu'il avait à dire pour sa défense. Il s'en tiendra là : il ne recourra pas, comme les autres accusés, à des supplications qui sont indignes de lui et indignes des juges, lesquels ne doivent pas céder à la pitié, mais n'écouter que la justice. Il s'en remet donc aux juges et à Dieu de décider ce qu'il y a de mieux pour eux et pour lui. Deuxième partie. - Après ce plaidoyer, les juges allèrent aux voix et Socrate fut déclaré coupable par une majorité de soixante voix . Dans les procès comme celui-ci, où la loi ne fixait pas la peine, l'accusateur en proposait une, et l'accusé, s'il était déclaré coupable, en proposait une autre, et le jury choisissait l'une ou l'autre, sans pouvoir y rien changer. Les adversaires de Socrate requéraient la mort. Invité à fixer sa peine, il estima, lui, qu'au lieu d'une peine, ses services méritaient une récompense, et il demanda à être nourri au prytanée. Et ce ne fut point par bravade, comme l'interprétèrent sans doute un grand nombre de juges, qu'il fit cette proposition inatten...
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17 Première partie ................................ ................................ .......... 18 Deuxième partie ................................ ................................ ..... 46 Troisième partie ................................ ................................ ..... 50 À propos de cette édition électronique ................................ ..

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