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La poésie

Publié le 18/06/2011

Extrait du document

Objet d’étude : la poésie

 

I.                  Intro : qu’est-ce que la poésie ?

 

a)     Un avant et un après XIXe :

Pendant très longtemps il n’a pas été difficile de reconnaître la poésie car elle était très codifiée et aisément repérable d’un seul coup d’œil (présence de vers, strophes…).

Cependant, les remises en cause formelles des XIXe et XXe siècles nous ont mis face à une difficulté nouvelle car la seule forme du texte ne suffit plus à définir la poésie (poème en prose, abandon du vers, vers libres…)

=> Pour lire un texte poétique, il faut donc pouvoir se situer dans l’histoire des formes et évaluer s’il respecte les règles ou s’il s’en écarte. L’évolution de la poésie semble aller dans le sens de la transgression, puis de la liberté formelle…

=> L’écriture poétique est une écriture à contraintes, lesquelles font l’objet d’un grand respect de la part des poètes dits « classiques » alors que les poètes dits « modernes » s’en écartent (du moins, les contraintes qu’ils s’imposent varient, évoluent).

 

b) A l’origine, la poésie signifie « création, fabrication » (du grec poiêsis).  Par métonymie, il désigne ensuite l’inspiration, puis par extension, on l’emploie pour désigner toute œuvre poétique.

 

c) La poésie et les autres genres : on la distingue des autres genres parce qu’elle accorde beaucoup d’importance à la forme, à la réflexion sur la forme et le poète est celui qui occupe une place à part. Il porte une parole « sacrée », revêt un pouvoir, celui de déchiffrer le monde, celui de rêver le monde et de guider les hommes, celui qui possède l’art d’agencer les mots… (voir les fonctions du poète)

 

d) Une définition ?

Sartre définit la spécificité de la poésie dans son rapport au langage : « Les poète sont des hommes qui refusent d’utiliser le langage ». Selon lui, le poète n’a pas recours aux mots dans un but pratique (donner un mot aux objets, aux réalités…). Il joue avec les mots, avec les sens, les sonorités…

Un texte poétique serait donc un texte qui dévoilerait d’une manière nouvelle le monde, les choses, le réel, qui mettrait à jour la part d’invisible :

 => un autre regard, une autre façon de dire, d’envisager le réel, le quotidien.

 

 

 

II.               Pour analyser un poème

 

A.   Les vers

Traditionnellement, le vers débute avec une majuscule et se trouve soumis à des règles strictes. Ce, jusqu’à la deuxième moitié du XIX e siècle.

 

1)     Le vers et le décompte des syllabes

Le vers français repose sur un décompte très strict des syllabes.

Pour savoir quel nombre de syllabes comporte un vers, il faut connaître certaines règles :

 

a)     l’élision : la règle des e =>  on s’intéresse à tous les e à la fin des mots

* Toute syllabe terminée par un e muet s’élide si le mot qui suit commence par une voyelle ou un h muet (e)(on ne tient pas compte des pauses générées par la ponctuation)

 Alors que

* Toute syllabe terminée par un e se prononce si le mot qui suit commence par une consonne (e)

Ex : Une tell(e) action ne saurait s’excuser

* à la  fin d’un vers, on ne compte jamais une syllabe muette, c’est-à-dire terminée par un e muet :

Ex : « L’un/ ne/ pos/sé/dait/ rien/ qui/ n’ap/par/tînt/ à/ l’autr(e) » => 12 syllabes (et non « l’au/tr(e) »)

 

b)    la diérèse : pour produire un effet d’insistance, mettre un mot en valeur ou le tourner en dérision… il arrive qu’une syllabe compte pour deux syllabes

Ex 1 : « U /ne/ tel/l(e) a/cti/on/ ne/ sau/rait/ s’ex/cu/ser » => alexandrin, 12 syllabes

=> action devrait se prononcer en deux syllabes (ac/tion) mais Alceste, dans sa tirade contre Philinthe insiste lourdement sur cette ac/ti/on qu’il blâme (celle d’avoir manifesté trop d’empressement à l’égard d’un inconnu)

 

c)     la synérèse : c’est le procédé inverse. Au lieu de compter deux syllabes on en compte qu’une, et ce, dans le but de produire un effet.

Ex : un poète (devrait se prononcer po/è/te) peut, pour produire un effet d’autodérision, être prononcé poè/te (=> ce qui revient à prononcer « pouet »)

 

=> dans les cas b et c, il faut s’intéresser à l’intention et non se contenter du repérage…

 

 

 

 

2)     Les différents vers

 

On distingue traditionnellement les vers pairs et les vers impairs.

 

On a coutume d’employer les vers pairs avant le XIXe : plus « symétriques » et donc plus « harmonieux » pour les classiques.

 

Ensuite, Verlaine dit « préférer l’impair » (jugé plus « musical ») et les poètes, après lui,  s’octroieront le choix.

 

Vers pairs                                       Vers impairs

6 syllabes              hexasyllabe                            7        heptasyllabe

8                          octosyllabe                    9        ennéasyllabe

10                         décasyllabe                            11      hendécasyllabe

12                         alexandrin          

 

3)     Le verset

Ce mot renvoie aux textes sacrés (Bible, Coran) : le verset désigne un groupe de vers qui forme une unité de sens et présente un aspect graphique (on marque son début par un alinéa).

 

4)     Le vers libre

Il fait son apparition au XIXe siècle.

Les poètes sont soucieux de libérer la poésie du carcan des règles (rappel : comme au théâtre, avec le théâtre romantique).

Ils décident ainsi de s’affranchir du décompte obligatoire des syllabes et donnent naissance au vers libre.

On considère que c’est Rimbaud qui inaugure cette pratique et celle-ci se généralisera après lui.

Avec le vers libre, les poètes juxtaposent des vers au nombre de syllabes varié. Cela traduit un écart face à la norme, une volonté de rejeter la contrainte classique.

 

B.   Le rythme

 

Le rythme bien souvent se trouve lié au vers.

 

1)     Le vers et son rythme interne

Le rythme du vers lui est donné par des accents toniques. La syllabe tonique est prononcée plus longuement, plus fortement et de façon plus aiguë que les syllabes atones

 

 

 

 

a.      La coupe

En français, c’est la dernière syllabe non muette qui est accentuée et les accents de cette nature provoquent des pauses qu’on appelle coupes. La place de la coupe produit une mise en valeur et conditionne la lecture en imposant un rythme :

Ex : Il tire, traîne, geint, tir(e) encor(e) et s’art(e) (=> l’accumulation des accents insiste sur l’effort physique…)

 

b.     La césure 

Il existe, en plus de ces coupes mobiles, une coupe principale qu’on appelle césure. La règle veut qu’elle aille de pair avec une séparation de mots. Les deux parties du vers ainsi constitués s’appellent des hémistiches. Cette règle a été formulée par Boileau dans son art poétique (classicisme) :

« Que toujours dans vos vers//le sens coupant les mots

Suspende l’hémistich(e), //en marque le repos. »

= 6 syllabes – césure// - 6 syllabes

Certains poètes ne respectent pas la règle qui veut que la césure ne puisse tomber au milieu d’un mot pratiquant la césure enjambante (il s’agit d’un écart par rapport à la norme)

 

2)     La phrase, le vers et le rythme

Il arrive que la limite du vers et celle de la phrase ne concordent pas et que le vers s’achève sans que la phrase, elle, le soit. Plusieurs cas sont à envisager :

 

a.      L’enjambement 

Si la phrase se poursuit d’un vers sur un autre, on parle d’enjambement.

L’enjambement allonge le rythme : on lit les deux vers (ou plus) sans pause afin de respecter le sens.

Ex : « Les amis de ce pays là

Valent bien, dit-on, ceux du nôtre »

 (voir autres enjambements, nombreux par la suite)

 

b.     Le rejet

Si un élément qui ne peut trouver sa place dans le vers est rejeté au début du vers suivant, on parle de rejet. Celui-ci est un procédé de mise en relief :

Ex : « Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine

Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit » (Rimbaud)

 

c.     Le contre rejet :

C’est l’inverse du rejet : lorsque la phrase débute à la fin d’un vers pour se poursuivre sur le vers suivant, on parle de contre rejet.

Ex : Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? L’automne

Faisait voler la grive à travers l’air atone. (Verlaine)

 

 

C.   Les sonorités

 

1.     Les effets sonores

La musicalité d’un vers est due à la répétition de sons. On distingue deux types de répétitions sonores :

a.      L’allitération : c’est la répétition d’un même son consonne

Ex : « …Il disait qu’elle

Vive et qui vivra verra » (Aragon)

b.     L’assonance : c’est la répétition d’un même son voyelle

Ex : « Il pleure dans mon cœur

Comme il pleut sur la ville

Quelle est cette langueur

Qui enlace mon cœur »

c.     On parle d’harmonie imitative lorsque le son produit évoque ce dont il est question dans le vers :

Ex précédent : allitération en [pl] + [k] => ploc, ploc, le bruit de la pluie…

Ex : « Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? » (Racine)(=> le [s] renvoie au serpent)

 

2.     Les rimes

Une rime correspond au retour d’un même ou plusieurs sons à la fin de plusieurs vers. Comme les effets précédents, elle participe à la musicalité du texte.

a.      Des règles définissent l’emploi de la rime

* Quand deux voyelles sonores identiques sont suivies de consonnes finales différentes, on ne peut parler de rime : il s’agit d’assonance.

Ex : clerc et chef

* une rime peut être interne : le mot final rime avec un mot à l’intérieur

Ex : « Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie » (Ronsard) =>rime interne située à la césure (6//6) qui contribue à renforcer le sens (profiter de l’instant présent, carpe diem)

* Une rime doit être à la fois pour l’oreille et pour l’œil :

- cela signifie qu’un singulier ne doit pas rimer avec un pluriel

Ex : le couple maison/saisons ne respecte pas la loi stricte 

         - on ne peut non plus faire rimer un mot se terminant par un e muet avec un autre sans terminaison muette :

Ex : espoir/armoire ne convient pas (il faudrait noir/espoir ou armoire/histoire..)

(des distances seront peu à peu prises par rapport à ces règles)

* On appelle vers blancs, des vers sans rime. Ils sont fréquents dans les formes poétiques libres.

 

b.     Rimes féminines et rimes masculines

On appelle rimes féminines les rimes qui s’achèvent par un e muet

On appelle rimes masculines les autres (qui s’achèvent par tout sauf un e muet)

c.     Qualité des rimes

La qualité tient au nombre de sons communs aux deux mots qui riment ensemble. On appelle :

- rime pauvre une rime qui a un seul son commun (Monomotapa/pays-là)

- rime suffisante une rime qui a deux sons commun (sommeil/soleil)

- rime riche une rime qui a trois (ou plus) sons communs (étrang(e)/dérang(e))

         On parle de rimes équivoquées lorsque les sons entendus sont les mêmes mais les mots diffèrent : l’arrose/la rose

         => Poussé à l’extrême, ce procédé de la rime équivoquée donne naissance à des vers qu’on appelle holorimes (= tout en rimes)

Ex : « Dans ces meubles laqués, rideaux et dais moroses

Danse, aime, bleu laquais, ris d’oser des mots roses (Aragon) »

 

d.     Disposition des rimes

On répertorie trois schémas classiques de rimes :

- rimes suivies ou plates : aa bb cc

- rimes croisées ou alternées : abab cdcd

- rimes embrassées : abba

 

D.   Les strophes

 

Les vers se suivent en formant des strophes caractérisées par leur unité sonore et leur unité sémantique.

Une strophe est isolée par un blanc.

Le nom des strophes varie en fonction du nombre de vers qu’elles contiennent :

une strophe de deux vers = un distique

une strophe de trois vers = un tercet

……………de quatre vers = un quatrain

……………de cinq vers = un quintil

…………….de six vers = sizain ;

……………. de sept = septain,

…………….de 8 = huitain ;

…………….de 9= neuvain ;

…………….de 10 = dizain

 

E.   Les formes de poèmes

 

La poésie connaît de nombreuses formes, régies par des règles précises, strictes, qui avec le temps ont pu être assouplies.

Les formes poétiques ont varié avec les époques, les goûts, elles ont subi les modes et les influences. Certaines sont héritées de l’antiquité, d’autres sont les créations d’une époque ou d’un individu.

 

 

1)    Les formes fixes

A.   Le sonnet

a) C’est la forme fixe par excellence, la forme la plus célèbre, celle qui connaitra la plus grande postérité (jusqu’à aujourd’hui).

b) A l’origine, le sonnet est fait pour être accompagné par de la musique.

Il naît en Italie au XIIIe siècle et Pétrarque au XIVe siècle lui donne ses lettres de noblesse.

c) En France, il apparaît à l’époque de la Renaissance (influence italienne). Les poètes de la Pléiade, Ronsard, Du Bellay, le mettent à l’honneur et cette forme règnera jusqu’à notre époque. On trouve ainsi des sonnets avec des règles plus ou moins respectées, perverties. On fait l’éloge de cette forme ou on s’en amuse.

d) Règles du sonnet :

Le sonnet se compose de quatre strophes (deux quatrains/deux tercets)

Les quatrains doivent suivre le même système de rimes (abba de préférence, embrassées)

Les deux tercets présentent deux variantes du point de vue des rimes :

- ccdeed pour le sonnet dit italien

- ccdede pour le sonnet dit français

Les vers sont soit le décasyllabe soit l’alexandrin

Les deux quatrains doivent former une unité de sens (exprimer la même idée) et s’opposer aux tercets (autre idée).

Le dernier vers constitue la chute, joue un rôle conclusif marqué.

d)    Les thèmes du sonnet :

Il se prête au lyrisme, à l’expression des sentiments personnels du poète. Dès le départ il est chargé d’évoquer les sentiments intimes et devient l’instrument privilégié de l’amour.

Ex des poèmes de Ronsard qui célèbre la beauté de la femme, sa jeunesse (« Mignonne, allons voir si la rose… »)

Ex des sonnets de Louise Labé qui s’attache à rendre compte des tourments de l’amour (« je vis, je meurs, je me brûle, je me  noie »…)

         D’autres thèmes comme la fuite du temps, ou la fonction du poète sont abordés au cours des siècles et au XXe, il permet une réflexion sur la création poétique.

e)     Pour ou contre le sonnet ?

Adulé, le sonnet l’est longtemps et le restera. Cependant, des voix se font entendre qui luttent contre la « dictature » du sonnet.

Si Molière l’avait déjà brocardé, c’est au XIXe qu’on prend le plus de liberté avec les règles (on ne respecte plus la disposition classique des rimes…), au XXe, apparaît le sonnet ludique comme celui sans e de Roubaud (en hommage à Perec), ou celui de Corbière qui dans « Le crapaud », commence par les tercets… Ou Alphonse Allais et ses xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx. La poésie joue avec les formes et la tradition.

 

 

B.    Les autres formes traditionnelles – petit répertoire à parcourir…

 

* Héritées de l’Antiquité :

- l’ode : chez les Grecs, l’ode est accompagnée de musique. A la Renaissance, les poètes s’en inspirent. L’ode comprend un nombre de strophes indéterminé, le vers choisi est court et s’y exprime de façon lyrique et personnelle des sentiments communs à l’ensemble des hommes.

- l’épître : il s’agit d’une sorte de lettre en vers. La forme est assez libre. Cette forme est appropriée aux sujets de circonstance, avec une requête (« Epître au Roi », de Marot), ou bien elle traite d’un sujet politique, moral…

- l’épigramme, texte assez court à la tonalité souvent satirique. (Forme prisée dans les salons littéraires, jeu mondain).

- l’iambe : succession de distiques avec un vers plus court que l’autre, également souvent satirique (ex alternance alexandrins et octosyllabes)

 

* Héritées du moyen-âge

- la ballade : elle est, elle aussi, souvent accompagnée de musique et se trouve très codifiée. Elle se compose de trois huitains en octosyllabes ou de trois dizains en décasyllabes et le dernier vers de chaque strophe est le même, constituant un refrain. La dernière strophe est une demi-strophe et s’appelle envoi (désigne le destinataire du poème). Villon, poète du XVe a écrit de nombreuses ballades (évoquées par Brassens), et Aragon s’est fortement inspiré de cette forme (« Ballade de celui qui chanta dans les supplices.. »)

- le rondeau : c’est un court poème de 13 vers, construit sur deux rimes selon un système de reprise. Il se découpe en trois parties : 5 vers, 3 vers, un refrain, 5 vers, un refrain.

* On recensera encore le virelai, le blason, l’élégie (en grec « dire hélas », poème lyrique, caractérisé par l'alternance des hexasyllabes et des pentasyllabes, qui finit par se spécialiser dans l'expression des sentiments mélancoliques provoqués par un deuil ou un amour malheureux. => voir le calligramme d’Apollinaire qui s’en inspire), le pantoum (poème à forme fixe emprunté à la poésie Malaise : suite de quatrains à rimes croisées ; le 2ème et le 4ème vers de chaque strophe forment le 1er et le 5ème de la strophe suivante. Le vers qui ouvre la pièce doit la terminer.), le madrigal

 

2) Les formes nouvelles

 

Les poètes du XIXe et XXe siècles, soucieux de créer des textes plus à même de traduire l’évolution de leur monde, de leurs aspirations, plus soucieux de liberté dans la création, vont explorer de nouvelles voies sur les plans sonores et visuels, vont inventer des formes nouvelles (en adaptant cependant très souvent les formes anciennes).

 

A. Quelques innovations du XIXe : recherches sonores et visuelles

 

- la recherche sonore et sur le rythme conduit les poètes à adopter le vers impair, à rejeter la symétrie du vers pair. Verlaine le juge « plus musical ».

=>     - Les vers pairs et impairs alterneront dans un même poème pour créer des ruptures sur le plan rythmique, mélodique.

         - nous avons évoqué plus haut aussi l’apparition du vers libre et du vers blanc (on s’affranchit du carcan des règles)

         - Des libertés sont prises encore avec la strophe qui prend des tailles variables, utilisent des vers différents – hétérométrie. => l’idée est d’utiliser différemment la page.

         - On explore ainsi de plus en plus les ressources de la page et cela débouche, avec Apollinaire, sur la création de véritables poèmes dessins : les calligrammes (début XXe) => voir « La colombe poignardée et le jet d’eau »

Il s’agit pour Apollinaire, de mettre en œuvre toutes les possibilités figuratives du vers et accorder la création poétique à la création picturale. « Et moi aussi, je suis peintre », disait-il. (lien étroit entre le dessin et le sujet, le thème du texte)

         - Peu à peu, avec Apollinaire toujours, on abandonne la ponctuation, la majuscule en début de vers…

 

C.   Le poème en prose

a.      Difficulté nouvelle :

L’appellation poème en prose peut paraître surprenante car on a longtemps réduit la poésie à la versification, le poème aux vers, rimes, strophes…

Il était commode en effet de se dire que la poésie se distinguait de la prose : l’une était un travail sur la langue, les sonorités, les rythmes, les vers, l’harmonie et le langage (lexique, images…), l’autre était une pratique plus commune du langage, plus naturelle…

b.     Origine

Le poème en prose est une invention que l’on doit à Aloysius Bertrand qui publie Gaspard de la nuit en 1842.

(Avant lui, des auteurs ont fait tout un travail sur la prose pour la rendre plus harmonique, travailler le rythme, les effets, mélodiques…On a pu parler de prose poétique.)

c.     Les grands auteurs de poèmes en prose

* Au XIXe siècle :

Il revient à Baudelaire et Rimbaud, de donner ses lettres de noblesse à cette nouvelle forme de poésie.

- Baudelaire est connu pour son célèbre recueil de poèmes en vers, Les Fleurs du Mal, mais aussi pour ses poèmes en prose Le spleen de Paris ou petits poèmes en prose (voir « Le joujou du pauvre »)

- Rimbaud également s’illustrera avec de la poésie en vers (« Le dormeur du val », « Le mal »…) mais se tournera vers cette nouvelle forme avec son recueil Illuminations.

         * Au XXe, on peut penser à un poète comme Francis Ponge qui compose Le parti pris des choses (1942) : il s’agit d’une série de textes consacrés aux objets du quotidien qu’il présente sous un jour inattendu, où chaque mot est choisi, pesé… (« Le pain », « L’huître »…

 

         d. Les caractéristiques su poème en prose

 

         On retiendra que le poème en prose révèle un travail exigeant sur le langage. S’il abandonne le vers, la strophe, les rimes, il se caractérise tout de même par une attention toute particulière à la forme :

- un travail sur la disposition, la structure : le texte est un tout, clos sur lui-même, autonome.

- un travail sur le rythme et les sonorités (anaphore, refrain, échos…)

- un travail sur le lexique, les images (comparaisons, métaphores, métaphores filées…)

- parfois un recours à la rupture, à l’asymétrie, à la discontinuité.

 

         C’est une forme qui entend se libérer des règles, rejette les lois qui régissent la versification, qui se veut « résolument moderne ».

 

         Le poème en prose veut unir la forme et le sens.

 

         On notera tout de même plusieurs « conceptions » ou tendances : d’un côté le poème en prose extrêmement travaillé, « petit bijou ciselé », de l’autre le poème en prose plus libre encore, instrument privilégié de l’imagination, de l’écriture automatique (surréalistes)

 

e.Pour lire, analyser un poème en prose

Il n’y a pas lieu d’être dérouté… car les recherches iront dans le même sens que lorsqu’on étudie un poème en vers…

On ne mobilisera pas ses connaissances sur les vers, les rimes... mais l’on restera attentif au travail sur les sons, les rythmes, les images

Un poème en prose doit être lu comme une quête de modernité. Souvent, le sujet qu’il traite peut paraître insignifiant, banal (fenêtre, pain…) et éloigné de ce qu’on entend par « sujet dit poétique » (amour, mort, fuite du temps…). Il faut cerner en quoi il propose une vision nouvelle, originale de ce banal, de ce quotidien…

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